« L’abîme est
bordé de hautes demeures. Et l’histoire est là, déesse raisonnable, statue
figée au milieu de la place des Fêtes, avec pour tribut, une fois l’an, des
gerbes séchées de pivoines et en guise de pourboire, chaque jour, du pain pour
les oiseaux. »
Ainsi se terminent les 150 pages de ce récit traitant des prémices de la seconde guerre depuis le cœur des pouvoirs.
Ainsi se terminent les 150 pages de ce récit traitant des prémices de la seconde guerre depuis le cœur des pouvoirs.
Je me suis précipité sur le Goncourt d’autant plus qu’un
certain snobisme méprise ce genre de récompense, et j’ai beaucoup aimé. Il faut
faire fort pour apporter un regard nouveau sur une période encombrée de livres
calcinés.
Les évocations de l’avant guerre, les financements du parti
nazi, l’Anschluss, les accords de Munich, sont mis en regard du procès de
Nuremberg, de la liste impressionnante des camps qui travaillèrent pour
l’industrie allemande.
En 44, Gustav Krupp entrevoit des visages de morts
surgir de l’obscurité de son palais, il avait contribué au financement du parti
nazi en 33.
Nous suivons les protagonistes à la trace, et sommes invités
à prendre du recul, à repérer les montages de la propagande de Goebbels qui
avaient caché l’impréparation de l’armée allemande lors de l’invasion de
l’Autriche :
« la Blitzkrieg
n’est rien. Elle n’est qu’un embouteillage de panzers. »
Les mensonges ont traversé le temps.
Il est toujours utile de se rappeler que Dachau a ouvert ses
portes en 1933.
Le chapitre intitulé « La mélodie du bonheur »
précède « Les morts » ; les lâchetés se confrontent à l’horreur.
Depuis sa maison de retraite, la jeune fille qui s’enthousiasmait à
l’arrivée des nazis en Autriche :
« est-ce qu’elle
soupire parfois, tirant les souvenirs pénibles de leur formol ? »
Il est question
- de littérature :
« Le temps des
mots, compact ou liquide, impénétrable ou touffu, dense, étiré, granuleux,
pétrifie les mouvements, méduse. Nos personnages sont dans le palais pour
toujours, comme dans un château ensorcelé. Les voici foudroyés dès l’entrée,
lapidés, transis. »
- de cinéma depuis chez un loueur de costumes à Hollywood :
« Oui bien avant
que la guerre ne commence, tandis que Lebrun, aveugle et sourd, rend ses
décrets sur la loterie, tandis qu’Halifax joue les complices, et que le peuple
effaré d’Autriche croit apercevoir son destin dans la silhouette d’un fou, les
costumes des militaires nazis sont déjà remisés au magasin des accessoires. »
(Lebrun Albert, le président Français)
La première/dernière phrase est très belle.
RépondreSupprimerSavais-tu qu'aux Etats-Unis, je n'ai jamais vu commémorer de manière officielle le 11 novembre, ni le 8 mai, d'ailleurs. Il n'y a pas de jour chômé, ce jour là, depuis que je peux m'en souvenir. Ces dates sont inconnues pour le peuple américain (évidemment, pas pour les érudits, mais ça, c'est une autre affaire). C'est important de savoir cela, je trouve...Cela donne une certaine perspective à l'affaire.