Quelques pages peuvent dire l’épaisseur de la vie quand la
pudeur vient servir une écriture élémentaire décrivant aussi bien les relations
de surface que les liens souterrains, les moments routiniers ou les instants
exceptionnels.
Dans un genre différent de son livre précédent, c’est la
même puissance sans éclaboussure.
Une fissure est apparue au fond d’une piscine au moment où
la conscience de la mère de la narratrice se défait.
La métaphore d’un humour subtil vaut aussi bien pour notre
destin particulier que pour celui de notre humanité.
Les explications
complètement fantaisistes du phénomène, les dénis, les fuites, les
interprétations péremptoires, ont évoqué pour moi bien des commentaires sur les
causes de la COVID ou les considérations les plus diverses à propos du
réchauffement climatique ou des problèmes énergétiques.
« … la fissure
est-elle transitoire ou définitive ? Superficielle ou profonde ?
Maligne, bénigne ou - James, l’expert en éthique de la ligne deux - moralement
neutre ?
D’où vient-elle ? Quelle est sa profondeur ? Y-a-t-il
quelque chose dedans ? A qui la faute ? Peut-on renverser la
situation ?
Et surtout : Pourquoi chez nous ? »
Si nous en sommes au moment du tri dans nos vies :
« pour un
chemisier oublié qu’elle a acheté en solde chez Mervin »,
on saura de quoi il est question :
« Mets le de
côté, j’en aurai peut être besoin un jour quand je serai à l’EHPEAD. Sur ce
elle éclate de rire. Et toi aussi. Parce que c’est une blague ! Elle ne le
pensait pas. Elle voulait simplement rigoler. Aujourd’hui, lorsque
tu lui rends visite elle porte le chemisier en polyester de chez Mervyn. »
Il est des moments où le rappel des évidences est salutaire
et passe bien quand les parenthèses mettent de la distance.
« Que la vie
au-dehors continue exactement comme avant mais sans vous (eh oui). »
Et on n’en saura rien :
« … à chaque
souvenir que vous oublierez, vous vous sentirez un peu plus légère. Bientôt
vous serez tout à fait vide, habitée d'absence et, pour la première fois de
votre vie, vous serez libre. »
Je parle très régulièrement avec ma belle mère à l'Ehpad, vu que... MODERNITE OBLIGE, elle est très très loin physiquement de nous. Je ne la sens pas du tout... allégée, ni libre par la disparition progressive de ses souvenirs, mais plutôt angoissée et attristée. J'ai fini par comprendre que ses souvenirs disparaissent essentiellement parce qu'elle n'a personne autour d'elle pour partager ce dont elle se souvient de son passé. Plus de famille de sa génération dans son entourage pour entretenir ses souvenirs. De temps en temps nous lui apportons quelques souvenirs, et elle les garde quelques instants, mais quand on est installé dans un éternel... présent, à quoi "sert" de se souvenir ?
RépondreSupprimerTout cela ne me donne pas bien envie d'intégrer l'Ehpad un jour, ce qui tombe bien, car moi (et d'autres, peut-être plus naïfs....) n'aurons pas les ronds pour y accéder. Cela ne m'inquiète pas plus que ça. On verra. La vie peut être surprenante des fois...en mal, mais en bien aussi.