samedi 18 mars 2017

Certaines n’avaient jamais vu la mer. Julie Otsuka.

Immigration de jeunes japonaises promises à un mariage aux Etats-Unis au début du XX° siècle, 
et leur déportation après Pearl Harbour.
En exergue : L’Ecclésiaste.
«  Certains d’entre eux laissèrent un nom qu’on cite encore avec éloge.
D’autres n’ont laissé aucun souvenir et ont disparu comme s’ils n’avaient pas existé.
Ils sont comme n’ayant jamais été.
Et de même leurs enfants après eux. »
Ce livre court (140 pages) et intense retrace un épisode qui a concerné, comme j’ai pu le lire dans un article du journal  « Le  Monde », quelque 120 000 Japonais, en 1942, déplacés ou internés.
Le propos n’est pas historique, mais simplement humain, terriblement humain, pour évoquer sa petite musique durassienne.
L’usage du « nous » est privilégié sans que cela apparaisse comme un procédé.
Cela m’a paru donner une force supplémentaire à cette oeuvre alors que d’autres lecteurs n’ont pas goûté ce qui apparaît comme trop anonyme.
L’effet de masse est admirablement rendu qui peut renforcer pour le lecteur occidental l’idée d’un monde asiatique vu comme une foule uniforme, mais c’est ainsi qu’elles envisagent les blancs, également.
« Est-ce vrai que les femmes en Amérique n’ont pas à s’agenouiller devant leur mari, ni à mettre la main sur la bouche quand elles rient ? »
«  Nous » dit la solidarité mais aussi la diversité des destins qui s’envisagent sur le bateau, les travaux variés dans les champs mais tous difficiles, comme servantes ou dans les bordels, leurs enfants,  les distances prises avec leur origine et leurs dilemmes. Leur départ à nouveau.
Qu’il leur a fallu du courage, de l’énergie, de la résignation, de la dignité !
Alors  les infimes fantaisies qu’elles se permettent, prennent une dimension exceptionnelle dans la litanie des malheurs, des humiliations.
« À la fin des moissons, nous faisions seize kilomètres à pied pour aller en ville nous offrir un petit cadeau : une bouteille de Coca-Cola, un nouveau tablier, un tube de rouge à lèvres, en espérant avoir l’occasion de l’essayer un jour. »
Un chœur qui nous remet au cœur de l’actualité des migrations depuis le point de vue de déplacés qui ont composé ce « melting pot » dont on nous parlait jadis et qui semble bien troublé désormais.     

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