Jusqu'à fin février 2015 le Musée d'Art Contemporain présentait les
travaux d’Erró, né il y a 82 ans Guðmundur
Guðmundsson en Islande et travaillant en France depuis 1958.
Sous l’appellation « figuration narrative », ses
collages, sculptures, et toiles monumentales occupent trois étages.
Il a connu Breton, Miró et Duchamp et passé par les expériences
expressionnistes, surréalistes, pop, mais sa spécificité est de brasser les
genres.
Ses images sucrées aux couleurs flashies très années 70 annoncent
dans leur profusion le déluge présent des clips et clichés sur nos écrans hégémoniques.
Là où clignotent les pubs filant à la
vitesse de la lumière vers l’oubli, où photoshop fait fondre toute les graisses de la réalité. Dans ce Royaume hygiénique aux grimaces
exacerbées, on n’entend pas les cris. Les filtres ont retenu tous les parfums, les
sentiments restent dehors.
Sous des contours en ligne claire, celui dont le premier nom
d’artiste était Ferro ( « la tranquillité qui part »), rend hommage aux
maîtres : Görtz, Van Gogh, Picasso… représente aussi bien les dieux grecs que des
personnages de Walt Disney, Hitler, Saddam
Hussein, Mao Tsé-toung.
J’étais avec ma petite fille de bientôt quatre ans et
cette génération était la plus présente ce matin là.
Je me suis appliqué à lui répéter : « ce ne sont que des images » quand je craignais qu’elle ne s’effraie surtout devant des œuvres de jeunesse aux carcasses cauchemardesques en sarabandes.
Je me suis appliqué à lui répéter : « ce ne sont que des images » quand je craignais qu’elle ne s’effraie surtout devant des œuvres de jeunesse aux carcasses cauchemardesques en sarabandes.
Mais je crois que cette précaution était inutile, car ce ne
sont justement que des images refroidies. La profusion y noie le poison, la
conviction militante se perd dans la graphie.
Ce que j’ai gagné en bonne conscience de grand père qui n’a
pas perturbé de rêves de princesse, je l’ai perdu en émotions de coureur de
musées.
Nous avons goûté des références, reconnu Tintin et Astérix
et quelques loups rigolos, des pirates gentiment affreux, dans une fusion des
formes et des couleurs vives qui font le succès des livres jeux « Où est
Charlie ? » et son petit garçon au bonnet rouge à retrouver dans les
foules.
« En Islande,
quand j'étais gosse, des bateaux faisaient naufrage à chaque tempête. On
sauvait les marins et ensuite on s'occupait de la cargaison à récupérer. Il y
avait des tonnes de marchandises éparpillées sur des kilomètres de plage de
sable noir volcanique. J'avais douze ans. Avant l'arrivée des autorités, on
enterrait les marchandises dans le sable. Plus tard, on ressortait tout, on
tirait au sort pour se partager les "trésors" - de la nourriture et
de l'alcool surtout - et on faisait du troc. »
C’est bien cela qui est mis en scène : il remet au jour
les images pour chacun, de quatre à quatre-vingts ans, les rehaussant de
couleurs, les agrandissant, les multipliant : le monde en icônes semble
déconner moins.
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