jeudi 19 janvier 2023

Vols d’œuvres d’art. Laurent Abry.

Avant que n’intervienne le conférencier devant les amis du musée de Grenoble pour une révision des mots « inestimable » et « rocambolesque », le président de l’association précise pour ce qui concerne notre ville, la disparition d’un Picasso à deux reprises en 1949 et en 1992, et d'un Gauguin en allé avec d’autres dans un camion dont le conducteur s’était arrêté pour demander le chemin d’un commissariat marseillais.
« La Domenica del Corriere »
après le vol de la Joconde imaginait deux voleurs, alors que le malandrin était seul. Ce genre de larcin a suscité bien des approximations, voire une héroïsation des acteurs,
genre « Arsène Lupin » . Les musées préféraient souvent se montrer discrets.
L’équipe d’« Ocean’s eleven » convoite un très précieux œuf de Fabergé très bien protégé et par ailleurs souvent copié. Ce film pourrait illustrer l’ampleur d’un phénomène répertorié par Interpol : en 2016, 49 000 œuvres d’art étaient volées dans le monde (289 entre 2000 et 2009 en France), si bien qu’une estimation évoque un million de foyers receleurs.
« Bâtiment du mobilier national »
La base de données Sherlock, émanation de la Commission de Recollement des Dépôts d’Œuvres d’art (CRDOA) répertorie les biens mis à disposition des administrations par l'Etat et recherchés après leur disparition.
« Le casse du millénaire » eut lieu en 1792 dans l’Hôtel de la Marine (Garde meuble royal) place de la Concorde où étaient entreposés les joyaux de la couronne : 9 000 pierres précieuses équivalant à sept tonnes d’or. Une cinquantaine de brigands y ont défoncé les armoires en fer, cinq nuits durant et se sont servis. « Le Régent » considéré comme le plus beau diamant du monde, et « Le Sancy » difficiles à négocier sont réapparus.
Le « Grand Diamant Bleu » fut finalement retaillé et devint « Le diamant Hope ». 
Le musée du Louvre présente une partie de sa collection de bijoux désormais sécurisée.
Une « Toison d’or » reconstituée en 2010 est conservée à Genève.
Après la disparition du portrait de Mona Lisa signalée par le peintre Louis Bérou venu pour la copier, la foule se presse pour voir l’emplacement du tableau. La toile doit sa notoriété à sa disparition pendant deux ans sous le lit de Vincenzo Perugia qui l’avait subtilisée. Il prétendra avoir agi en patriote italien alors que Léonard de Vinci avait vendu son travail à François Premier. Sur ce coup Napoléon n’y était pour rien.
Le retable de « l’Agneau mystique » peint par les frères Van Eyck en 1432 a été amputé du volet des « Juges intègres » en 1934. Sur son lit de mort, un agent de change avoue :  
« Moi seul sais où se trouve l’Agneau mystique » mais on n’en saura pas plus.
Une quarantaine de montres anciennes estimées à 10 millions $, dont la « Montre-gousset de Marie-Antoinette », furent dérobées en 1983 à l’Institut d'art islamique de Jérusalem. Retrouvées en France en 2008 elles ont été restituées aux autorités israéliennes.
« Le Concert »
  de Wermeer estimé à 250 millions $ est peut-être l'une des œuvres les plus chères volée en 1990 au musée Isabella-Stewart-Gardner de Boston en même temps que
« Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée »
, la seule marine de Rembrandt
Deux faux policiers, un soir de Saint Patrick, ont laissé 18 cadres vides pour toujours.
« Merci pour la mauvaise surveillance »
a écrit l’ancien footballeur Pål Enger au musée d’Oslo, le jour de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'hiver en 1994, à Lillehammer. Il s’était approprié « Le Cri » de Munch.
Pendant le carnaval de Rio, l' « Homme au teint maladif écoutant le bruit de la mer » de  Dali a disparu au Museum da Chàcara do Céu.
Le « Pont de Waterloo Bridge »
de  Monet a sans doute été brûlé par la mère du voleur
et « La femme à l’éventail » de Modigliani du Musée d’art moderne de Paris a été mis dans une poubelle,
« Branches de marronniers en fleurs » de Van Gogh a été retrouvé dans une voiture sur le parking d'un hôpital de Zurich.
La « Figure couchée » de Moore pesant deux tonnes, enlevée à la grue, valait 3 millions €, elle a été fondue pour un gain de 3 000 €.
En 2013 à l'hôtel Carlton à Cannes, un homme seul a  volé 103 millions € au détriment du bijoutier Leviev, dépassant de peu un préjudice de 100 millions € lors d'une bourse aux diamants d'Anvers en 2003. 
« Un marchand de tableaux est un voleur inscrit au registre du commerce. » Michel Audiard


 

mercredi 18 janvier 2023

Périgueux # 1

Pour gagner un peu de temps, nous délaissons la route pour l’autoroute, 
destination Périgueux.
Notre impression de toujours descendre réapparait sur le parcours.
Arrivés dans la ville, nous errons un peu pour déposer la Clio mais en nous élevant au-dessus de l’allée  de Tourny et de la préfecture, nous dénichons une place non payante dans un quartier résidentiel, près d’un magnifique parc et d’une synagogue.
Nous traversons l’allée et le cours Tourny à pied cette fois-ci, pour nous  engager dans la rue Saint Front ;
la vue de la cathédrale du même nom nous guide vers le centre touristique.
Nous passons près du temple maçonnique. Il se remarque immédiatement avec son caractère très particulier, de style orientalisant et avec la présence de ses outils symboliques sculptés sur  la façade.
Presque en face, une galerie d’art  moderne propose les œuvres originales et fortes de l’artiste Anne Bothuon, que nous ne connaissions pas.
Elle a confectionné des personnages en ouate recyclée parcourue d’un réseau de fils légèrement colorés.
Réalisés dans un format grandeur nature, ces poupées  nues et expressives revisitent l’art de la statue avec ce matériau inédit, elles manifestent une grande humanité sans hyper réalisme dans la forme des corps (de grands pieds, par exemple) et ne cèdent pas au dictat des canons de la beauté et de la jeunesse. Nous éprouvons un vrai coup de cœur face à ces « créatures textiles », superbes.
D’un tout autre genre, une exposition temporaire sur la truffe se déroule dans une belle maison historique appelée maison du Pâtissier.
Elle a pour vocation d’informer les touristes sur l’histoire de la tuber melanosporum, ce produit du terroir si célèbre et apprécié. Nous nous intéressons d’abord aux panneaux pédagogiques, avant qu’une jeune fille s’approche pour compléter les explications ; un trufficulteur pétrocorien passionné se mêle vite à la conversation, bien sûr plus documenté que la demoiselle qu’il doit trouver un peu insuffisante. Il nous introduit dans la cour intérieure et nous commente le carré de végétaux planté dans le but de présenter les essences favorables à l’apparition du précieux champignon.
En poursuivant notre chemin, nous tombons sur une autre galerie d’art spécialisée dans la peinture d’un seul artiste : David Farren  et tenue par sa femme anglaise. Nous sommes séduits par les paysages représentés  mais surtout par les carnets de croquis  posés sur des tables.
Nous continuons à déambuler dans cette partie du centre-ville.
Ici les ballons remplacent les parapluies dans les airs selon le même principe d’accrochage qu’à Aurillac et Brive.
Nous nous approprions peu à peu les lieux  avant de les mieux appréhender demain au cours d’une visite guidée retenue à l’Office du tourisme.
C’est prometteur.
En attendant, nous avons appris que les habitants de Périgueux s’appellent les Petrucoriens, du nom du peuple gaulois les Petrucores.
L’heure de notre rendez-vous avec Y. notre logeur à Annesse et Beaulieu nous pousse à interrompre nos flâneries, nous remontons donc en voiture, traversons des zones industrielles avant d’atteindre le AirB&B situé en bordure de route. Nous prenons possession d’un studio : chambre avec salle de bain, clim et TV. Dans l’enclos du jardin, Y. met à notre disposition un emplacement pour la voiture, la piscine hors sol entourée de relax, et une plancha. Et en plus, il nous aide à dépatouiller un problème rencontré avec les fonctions de AirB&B. Bon choix !
Sur ses conseils, nous partons manger à Saint Astier.
Ce joli village s’étend autour de son église romane engluée dans des maisons.
Parmi les nombreux bars et restaurants, seuls deux établissements ouvrent le mardi soir, car ils se relaient pour ne pas fermer tous en même temps. Nous  choisissons la terrasse de  « Aux délices des marronniers » et dégustons des brochettes de magret servies avec un accompagnement d’endives braisées plus une pression.
 

mardi 17 janvier 2023

Le poids des héros. David Sala.

Une grande histoire, de celle qui prend la majuscule quand le camp de Mauthausen où le grand père espagnol a été envoyé, apparaît sous des couleurs psychédéliques. 
« Lorsque vous écrivez un livre sur l'horreur de la guerre, vous ne dénoncez pas l'horreur, vous-vous en débarrassez. » Romain Gary
Les deux grands pères aux destins exceptionnels justifient le titre annonçant un hommage rendu sans grandiloquence, avec une force née justement de cette pudeur, de cette retenue commune à ces héros. 
« Tout à coup, il y avait ce SS devant moi, avec ces œufs, qu'il venait certainement de voler dans une ferme voisine. Le dilemme. Lâcher ses œufs ou prendre son arme?
Son hésitation m'a permis de prendre une avance suffisante. »
 
Les aquarelles sublimant les tapisseries des années d’enfance de l’auteur sont lumineuses et les références aux années 60, les dialogues du quotidien, d’une grande justesse : 
« Josette, Gérard ! Ça me fait plaisir de vous voir ! 
Un peu de jeunesse, parce qu’avec tous ces vieux là. Hahaha ! »
L’absence de procédé tonitruant laisse la place à l’émotion, bien que cette dimension éminemment personnelle doive éviter de submerger les critères ordinaires de la critique.
Excusant une auto fiction de plus et les mémoires s’affaiblissant tellement qu’elles en sont à faire leur devoir, de nombreux thèmes de réflexions peuvent être saisis en 170 belles pages où l’amour, le respect circulent l’air de rien : une réussite. 

lundi 16 janvier 2023

Caravage. Michele Placido.

« Le Masque et la Plume » avait dit que c’était une « croûte » et bien que je sache leur goût immodéré des bons mots, je m’attendais à un film médiocre.
Mais de la même façon que des chefs d’œuvres annoncés peuvent décevoir, cette version de la vie romanesque du peintre m’a parue bien supérieure cinématographiquement à celle de 1986.
Isabelle Huppert en marquise protectrice m’a surpris comme Louis Garrel dit « L’ombre » enquêtant sur le maître du clair obscur joué par Riccardo Scamarcio. Le génie de l'artiste fait pardonner ses crimes, il paiera de sa vie.
L’écorché vif est sûr de son génie, il a ébloui quelques prélats, choqué tant d’autres et traversé les siècles.
Le goût de l’impétueux romain pour les épées n’évince pas des questionnements autour de la création quand des modèles « humains trop humains » sont choisis pour représenter des divinités.
Nous échappons au concours de trognes pittoresques et les beaux éclairages ne parodient pas les tableaux du XVII° tout en évoquant la genèse de certaines toiles.
Le réalisateur avait adapté « Romanzo criminale » de Giancarlo De Cataldo.

dimanche 15 janvier 2023

Cabaret de l'Exil. Bartabas.

J’ai vécu comme un privilège d’aller voir chez lui
au Fort d'Aubervilliers celui que je suis depuis si longtemps, plaisir redoublé, car je croyais qu’il allait dételer. 
Du haut de sa chaire, un truculent personnage nous accueille d’une telle façon que c’est bien dans une cathédrale que nous pénétrons, en bois avec au bord de la piste des tables éclairées de lampes tamisées. Nous sommes invités à utiliser notre intelligence naturelle donc à éteindre nos intelligences artificielles. 
Bartabas se devait, après tant de voyages divers, d’évoquer les « Irish travellers », nomades irlandais avec sa troupe nommée Zingaro (tzigane en italien).
« Une Irish idée » titre Libération dans un bel article.
Cavaliers et cavalières, nous prennent pendant une heure et demie dans les volutes harmonieuses de leurs vifs déplacements alternés avec des moments de paisible enchantement. 
« Tu lances ton visage à la pluie
Et chantes pour apprivoiser les gouttes
Là-bas sur la lande de bruyère pourpre
L’arc-en-ciel se prosterne devant toi…
Traveller, tes livres n’ont pas de pages
De Galway à Wicklow, de Cork à Donegal
Le son des routes est rempli de ta voix. » 
Des moutons magnifiques et des oies sont de la fête. Des prêtres hauts en couleur dont l’un est concurrencé par un bouc bien païen et hiératique Bartabas, participent à la célébration des splendides postures des chevaux. Leur liberté magnifiée est le résultat d’un dressage subtil d’autant plus contraignant en amont que le maître n’intervient que très discrètement pendant la représentation par des bruits de bouche que nous avons pu percevoir car le chef était près de nous.  
Costaud de foire, acrobate époustouflant, femme de petite taille sur un grand cheval et mari benêt montant un âne blanc, danseur de claquettes sortant d’un tonneau, nous enivrent, en une farandole de tableaux assaisonnés de musiques entrainantes de l’Eire. 
La scène finale se déroule autour d’un feu devenu un luxe pour les sédentaires dépaysés que nous sommes. La boucle est bouclée depuis qu’en début de spectacle nous avons appris que doit être brûlée la roulotte d’un défunt pour que son fantôme ne revienne pas.
Que reviennent des créatures nouvelles pour un troisième volet du « Cabaret de l’exil » commencé avec le Yiddishland. 

samedi 14 janvier 2023

Chroniques !

L’idée est excellente de nous remettre sous les yeux des critiques exprimées souvent avec élégance pour louer ou dénigrer des livres au moment de leur sortie et que les années ont consacrés parmi les essentiels de notre culture littéraire.
Nerval vu par Théophile Gautier :
« cherchait l’ombre avec le soin que les autres mettaient à chercher la lumière. » 
Et Hugo : 
« Stendhal ne s’est jamais douté un seul instant de ce que c’était que d’écrire.» 
Mauriac avait trouvé « abject » « Le deuxième sexe ».
50 ouvrages éminents nous sont rappelés, de « Delphine » par Madame de Staël (1802) à « Molloy »(1951) de Beckett. 
Mais ces 240 pages éditées par le service des archives de la Bibliothèque de France devraient se lire parfois avec une loupe, car elles abusent des reproductions réduites des journaux d’alors qui s’avèrent redondantes de temps à autre avec des textes un peu pâlichons les accompagnant.
La diversité des chefs d’œuvres commentés est bienvenue que ce soient 
des romans : « Vingt mille lieux sous les mers », 
de la poésie : « Les chants du Maldoror » 
ou du théâtre : « Les bonnes » ou « Cyrano de Bergerac »
Les étrangers sont honorés : Dostoïevski ou Stevenson, 
et quelques désuets sont rappelés : Loti, Triolet 
des outsiders remis en lumière : Alexandra David-Néel. 
Si l’on me dit Bram Stoker, je cale, mais son œuvre « Dracula » me parle, 
par contre « Monsieur Vénus » pas plus que Rachilde restent totalement inconnus.
Des avis donnent envie d’aller voir sur place, à propos de Simone Weil :
« Des trouvailles fulgurantes, qui appellent la comparaison avec Pascal. » 
Ils confirment aussi des champions, Camus : 
« J’aime cette plume qui troue le papier… » 
ou prophétisent  dès 1933: 
«  Le Procès est comme un long cauchemar empoignant, où tout est grimaçant et où tout est vrai. Kafka apparaitra peut-être comme un écrivain de génie. »

vendredi 13 janvier 2023

Postillon n° 67- Hiver 2022-2023.

Le trimestriel militant à 4 € pour 32 pages est toujours une source d’informations intéressantes et d’indignations personnelles devant des partis pris pas toujours aussi risibles que leur obstination à viser à la réintroduction de cabines téléphoniques. Pourtant la verve déployée à ce sujet est réjouissante en moquant un « street phone box project ».
Cette lubie folklorique est cependant cohérente avec leur aversion envers toute innovation technologique : que ce soit un robot introduit dans une classe de collège à Fontaine pour permettre à un élève absent de participer à la vie de la classe que contre les compteurs Linky et l’intelligence artificielle en général.
Ils reviennent à Brignoud sur le site d’Arkema abandonné depuis 18 ans, dont les anciens ouvriers se battent pour faire reconnaître leurs maladies professionnelles, et dans les bois de Champ sur Drac où des déchets de PCUK ont été emmenés dans les années 60.
Les rédacteurs anonymes regrettent la disparition des ateliers de fabrication de vélos après  un entretien de Routens qui se dispense, lui, de la nostalgie. Mais il y a quelque contradiction chez les cagoulés à mépriser l’argument de l’emploi, en s’acharnant sur la consommation d’eau de ST Micro déjà documenté dans un numéro précédent. 
Ils ont beau jeu de relever l’incohérence des écologistes dénonçant « les méga bassines à 600 km de chez eux » alors que ST en un an utilisera la capacité de 16 de ces réserves pour l’agriculture dans les Deux Sèvres. Ils relèvent avec pertinence le discours de Piolle s’en remettant à l’état en matière de sécurité comme le faisait jadis Carignon, ou le changement de conviction des verts à propos du Métrocâble. Dommage qu’ils ne développent pas plus loin le non renouvellement des structures du Plateau (à Mistral) et de La Cordée (à La Villeneuve).
La réunionite est dénoncée concernant le non traitement des maux de l’hôpital et ces adeptes du vélo - surtout pas électrique - poussent le goût du « c’était mieux avant » en allant à la rencontre de garagistes fragilisés par l’instauration de la ZFE (Zone à Faibles Emissions). Mais comment ces guérilleros du pédalage peuvent-ils se crisper à ce point sur leur frein quand des mesures sont prises pour une meilleure qualité de l’air ? 
Par contre les portraits de récupérateurs dans les déchetteries ou le témoignage d’un « messager du tri » sont expressifs et originales les recherches dans les archives de la place du lit dans la vie de nos ancêtres. 
Je lève un de mes préjugés à l’égard du journal satirique quand est décrit un match de foot entre Domène et L’Abbaye dont je n’aurai pas pensé qu’il ait droit à une page sans sarcasme.