dimanche 22 avril 2018

Ex anima. Zingaro.


Bartabas, je l’ai tant aimé et depuis si longtemps, que j’ai été submergé surtout par le fait que c’était la dernière fois que j’assistais à un de ses spectacles.
Désormais, plus de percheron magnifique, de cavalcade de rêve, de burlesque en pointillé dans des rituels où s’exprime toute la vigueur de notre condition de vivants musclés et nerveux, imprévisibles, reverra-t-on tant de beauté inédite sur une piste ?
C’était un soir d’été au bord du lac du Bourget, les amis sont assis à une grande table et nous partageons un verre de vin et des souvenirs
J’ai envie de vénérer ces chevaux auréolés de brume artificielle, où les numéros de cirque qu’ils effectuent, évitent de se laisser duper par quelque mythologie désincarnée. Sa poésie qui a partie liée à l'enfance va chercher vers l'autre extrémité de la vie.
Les palefreniers tout de noir vêtus viennent ramasser les crottins des blancs chevaux de porcelaine qui ont fait mine de combattre, délivrant quelques éclairs d’une violence contenue.
Un palan qui soulève un cheval  beau comme une chimère dans ses sangles, cliquette.
Un bourricot tourne ses oreilles dans tous les sens et braille. Des loups viennent sur un champ de bataille où des chevaux font les morts. Des  colombes se posent sur une croupe, de faux corbeaux et un épouvantail jouent, un cavalier est monté une fois, une seule, pour entraîner la troupe aux noms de peintres, Le Tintoret, ou de toreros, Manolette… Sûrement pas un troupeau, terme à réserver de préférence à quelques collégiens mal élevés en voyage scolaire.
A énumérer les tableaux dans leur diversité accordée par des sons élémentaires, ceux de la nature et des souffles aux sonorités irlandaises, tibétaines, avec appeaux qui obligent, nous revivons un moment exceptionnel.
J’ai envie de me replonger dans les mots d’un univers aperçu chez mon grand-père où on parlait d’anglo-arabes et d’ardennais, ce soir il y avait bien un shire avec ses grands fanons. Races et anatomie équines ont un vocabulaire particulier comme pour les robes : alezan, bai, isabelle, palomino, pie… l’animal peut « broncher» mais il vaut mieux éviter qu’il « tire au renard ».
Au tableau final un étalon réalise le tabou ultime sur scène de théâtre, il effectue une saillie, mais il n’a qu’un leurre pour conclure.
Le chapiteau est plongé dans le noir, nous applaudissons.

1 commentaire:

  1. Très beau texte, merci, ça donne envie de voir le "spectacle"...
    Un peu dommage pour le tabou de la fin... quand on songe à combien on "contrôle" la saillie de tous les animaux, ça laisse très pessimiste pour nous, en fin de compte.
    J'espère que je me trompe, mais n'ose guère plus y croire...

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