vendredi 3 janvier 2025

Le Postillon. N° 75. Automne Hiver 2024/2025.

Le journal saisonnier quitte la cuvette grenobloise pour aller faire un tour, en vélo, précise un audacieux reporter qui s’aventure au-delà de Voreppe, afin d’explorer le Nord Isère dont il affine la définition. 
Au-delà des lumignons aux fenêtres des maisons en pisé, sur le bassin versant du Rhône, l’influence lyonnaise ne date pas de la construction des villes nouvelles où poussent les entrepôts logistiques. Mais depuis une bicyclette, difficile d’envisager de comprendre la puissance économique de la capitale des Gaules. Cependant avec une certaine auto dérision, "Le Postillon" essaye d’éviter de caricaturer les habitants votant massivement extrême droite dans ces contrées si éloignées de la place Saint Bruno.
Cette approche plutôt inattendue dans une publication souvent sans nuance, me semble plus intelligente que le surplomb habituel de mon quotidien « Le Monde » qui fit jadis référence : 
« Pour nous la multiplication des tribunes de la part de professions au capital culturel élevé ne peut qu’aggraver le côté repoussoir des « leçons » données ». 
Dans leur interrogation devant le triomphe de Trump, les  écolos radicaux insistent sur leur obsession technophobe qui souvent m’indispose, mais pour le coup me semble pertinente : 
«  Pour nous, un des ressorts principaux de cette lame de fond, emmêlé aux questions identitaires et économiques c’est les réseaux sociaux en particulier et le déferlement technologique en général. » 
Pour le reste, les journalistes masqués mettent en évidence le green washing chez Vicat
le vide des mots dans les pouponnières à startup
les problèmes pas si simples de la plate forme chimique du sud de l’agglo où les emplois menacés ne dispensent pas de songer au type de production. 
Ils réservent leur ironie à  Alpexpo et à Grand Place.
Enzo Lesourt, le "conseiller spécial" du maire de Grenoble qui avait révélé des reversements  illégaux profitant à Elisa Martin donne une interview au Postillon.
Il est intéressant d’apprendre par ailleurs que sangliers et cervidés se rapprochent des villes, s’éloignant des chasseurs et des loups. 

jeudi 2 janvier 2025

Maîtres et élèves. Serge Legat.

Dans la continuité de la première conférence devant les amis du musée de Grenoble concernant les familles d’artistes,  
- Botticelli élève de Fillipo Lippi, le père, avant d’être le maitre de Filippino Lippi, le fils, était tout indiqué pour assurer la transition sur le thème des ateliers d’artistes. Sa mélancolique « Vierge à l’enfant et deux anges » a la même légèreté dans ses voiles
que « La Lippina » (1465) de Fillipo Lippi devenue prototype des vierges.
L’enseignement humaniste vient de prendre le pas sur l’université médiévale.
La «  Madone Campana » de Botticelli avait été attribuée un moment 
à son élève Fillipino Lippi.
Le peintre de « La naissance de Vénus » a assuré le portrait d’une vierge aimante avec un tendre enfant alors qu’un de ses disciples réalisait saint Jean dans « La Vierge et l'Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste »
Cet artiste, symbole de la Renaissance, était un indépendant, continuant à peindre à tempéra sans se soucier des lois de la perspective.
Il s’est représenté dans un « tableau de courtisan »
donnant le visage de
Cosme, Pierre, Jean, Laurent et Julien Médicis aux rois de « L'Adoration des mages » dont l’ordonnancement est proche
de celui de Filippino Lippi avec un souci du détail très flamand.
- En 1763, retour au « goût grec », à l’antique avec Joseph Marie Vien, père spirituel du néo-classicisme : «  La marchande d’amours » 
ttps://blog-de-guy.blogspot.com/2024/02/greuze-et-vien-fabrice-conan.html 
« Les adieux d’Hector et d’Andromaque »: le bon fils, bon mari, bon père, donne l’exemple de la vertu : « Infortuné, ton courage finira par te perdre ! »
Jacques-Louis David reconnaît sa dette envers Vien, son maître :  
« Le serment des Horaces » du temps de la lutte entre Rome et Albe. 
Devant trois arcs, trois groupes : les trois hommes volontaires, le père présentant trois épées et les trois femmes courbées sous le chagrin.
Elles sont plus dynamiques dans « Les Sabines arrêtant le combat entre les Romains et les Sabins ». L'atelier de David fut l’un des plus influents au tournant du XVIII°et XIX° siècle. Il a eu Ingres comme élève qui saura renouveler son esthétique et deviendra une référence pour Picasso et Matisse.
Son portrait de « La Princesse de Broglie » était préparé par une esquisse comme l’avait fait le Robespierriste auteur du sacre de Napoléon
 
pour « Le serment du jeu de paume ».
La forme en tondo convient aux formes arrondies du « Bain turc » où il fait ses gammes pendant dix ans.
- « Plus cruel que la guerre, le vice s’est abattu sur Rome »
la phrase de Juvénal figure à côté du tableau de Thomas Couture «  Les romains de la décadence » (1847) dont un critique dira :  
« Au fond, Couture, en bon élève d’Ingres, cherchait surtout à peindre des femmes nues ». Malgré des relations orageuses Edouard Manet suivit son enseignement pendant six ans.
Il copie Delacroix «  La barque de Dante »
et même dans le sulfureux
«  Déjeuner sur l’herbe », il est un héritier de Raphaël.
Le dernier des classiques a fait un bout de chemin avec les Impressionnistes.
Il est au centre dans « L’atelier des Batignoles » par  Henri Fantin Latour.
Sa seule élève Eva Gonzales le cite avec un bouquet dans « Une loge aux Italiens » où figure son mari.
Elle a pris pour modèle  sa sœur dans « La nounou avec enfant ». Celle - ci se mariera avec son beau frère après la mort de la plus jeune des femmes apparentées aux impressionnistes qui avait rendue jalouse Berthe Morisot.  
Quand les groupes font famille, certains en parlant de « tuyau de poêle » risqueraient de ne pas être compris.
 
« J'ouvrirai une école de vie intérieure, et j'écrirai sur la porte : école d'art. » 
Max Jacob.

mercredi 1 janvier 2025

Almanach dauphinois 2025.

Tel qu’en lui-même, le marqueur annuel du temps ne change guère, sauf la rubrique des centenaires qui tient de plus en plus de place avec de courts récits de vies heureuses : 
«  Je monte toujours les escaliers sans difficulté - ah si, tout de même il faut que je me tienne à la rampe maintenant. »
Elle s’était cassé le col du fémur, il y a deux ans. 
Il y a toujours une colonne pour noter la date de l’arrivée de la première hirondelle et autres phénomènes naturels récurrents.
Les néo-ruraux suivront le conseil : 
« En janvier, fumer le pied des arbres »
 mais avec le dérèglement climatique peut-on se fier aux dictons ?  : 
«  Noël herbeux, Pâques teigneux » 
Alors que bien de sentences restent vraies : 
« même tordu, le bois fait le feu droit. » 
Les lunaisons sont précisément répertoriées en regard du zodiaque où  
« la présence de la lune dans les signes de terre -Taureau, Vierge et Capricorne - agirait avec bénéfice sur les légumes poussant dans la terre : carottes, céleris, asperges… » 
Les nouvelles de l’Isère, de la Drôme et des Hautes Alpes sont répertoriées du premier juillet 2023 au 30 juin 2024 avec  
« des grêlons gros comme des balles de tennis le 12 juillet à Grenoble ».
Qui se rappelle des 100 000 personnes déplacées en Azerbaïdjan en septembre ?
Et que Jacques Julliard et Robert Budzinski nous ont quittés cette année.
Une météo qui a soufflé le froid et le chaud est un sujet central. Le réchauffement planétaire permet la prolifération des scolytes qui ravagent les épicéas et ceux-ci en stress hydrique ne peuvent se défendre alors que les insectes commençant plus tôt leur cycle de reproduction, apparaissent trois fois dans l’année au lieu de deux.
Sont rappelées les vertus de « l’eau de vie » qui servait à guérir tous les maux des bêtes et des gens avec un rappel en tout petits caractères qu’il ne faudrait quand même pas abuser.
La gnôle n’est pas reconnue au patrimoine de l’UNESCO comme la transhumance.
Les bouilleurs de cru dont on aurait pu croire à l’extinction ont obtenu l’exonération de tout impôt sur les 50 premiers litres tirés de l’alambic : le recouvrement de cette « accise » revenait plus cher qu’elle ne rapportait à l’état.
Le bestiaire de cette année est consacré au coq de bruyère et au gypaète barbu 
et l’herbier à l’onagre dite aussi « herbe aux ânes, primevère du soir ou jambon du jardinier ». 
La pomme transparente de Croncels est la variété locale mise en évidence.
Le hameau du Saugey de la commune de Brangues où se trouvait autrefois un pénitencier constitue une enclave iséroise dans l’Ain suite aux déplacements anciens du cours du Rhône.
Mémé Alice indique comment beurrer une biscotte sans la casser et autres astuces.  
La poêlée de coing fait partie des recettes proposées.
Les expressions dauphinoises sont toujours plaisantes : 
« combien ça te fait ? », « embringuer » voire le rare « margotter » en terrain boueux.
L’entreprise qui fabriquait à Sillans les skis Dynamic a connu son âge d’or dans les années 60 avec les VR 7 (verre / résine, 7 pour les années de développement).
La marque de doudounes Monclar doit son nom à la ville d’origine de ses inventeurs, Monestier de Clermont.
La commune d’Abriès-Ristolas dans le Queyras a les honneurs de la revue annuelle.
Les 380 habitants qui vivent toute l’année au pied du mont Viso de l’autre côté de la frontière avec l’Italie voient leur nombre multiplié par dix en été avec les touristes et les natifs attachés à leur beau pays. Il n’y a plus qu’un éleveur de moutons.
La pastorale des santons à Crest fait revivre en version provençale la nativité :  
«  Moi je suis l’ange Boufaréou. Ils m’ont appelé comme ça à cause des grosses joues que j’ai fini par attraper à force de jouer de la trompette chaque fois que le bon Dieu est content. » 
Les histoires de Fafois font partie du patrimoine : 
« - Comment je ne suis pas dans le train qui va à Lyon ? s’exclame le passager assis en face de Fafois.
- Non monsieur, Lyon est derrière vous.
- Eh bien dans ce cas, échangeons nos places. » 
Une mule appelée Mourette n’est pas un personnage secondaire dans le conte où Phrasie et  Siffroy se rencontrent.
« Tristan à l’auberge dressa les accords, et gagna la cravate qu’il est d’usage de donner à ceux par qui ont été manigancés les mariages. »
Deux histoires traduites du patois ne manquent pas de pittoresque : 
« Et moutron dadolin qu’embétâve déjà
D’avei tan boligâ son pronô din son crâno. »
« Et notre nigaud qu’embêtait déjà
D’avoir tant remué son discours dans son crâne. » 
Mais d’un bout à l’autre de la province souvent langue varie : une personne maladroite à Tullins était dite « in gôche » et « un tébi » à la chapelle en Valgaudemar. 
La tour Perret une autre centenaire  verra la fin de sa restauration pour l’anniversaire de son édification à l’occasion de l’exposition internationale de la houille blanche et du tourisme en 1925.