Ce que je savais du genre « conte » tenait à leur
caractère oral et imaginaire, alors que ce dernier ouvrage de Flaubert est on
ne peut mieux écrit et pour la première nouvelle
« Un cœur
simple », terriblement réaliste.
Félicité, une servante, consacre sa vie à la famille qui
l’emploie.
Un perroquet bien-aimé dont elle hérite finira empaillé près d’une
image pieuse appartenant à la domestique très croyante.
« … elle pleura
en écoutant la Passion. Pourquoi l’avaient-ils crucifié, lui qui chérissait les
enfants, nourrissait les foules, guérissait les aveugles, et avait voulu, par
douceur naître au milieu des pauvres, sur le fumier d’une étable ? »
Je ne sais que me conformer à l’ancienne hiérarchie qui
place Flaubert au plus haut
« Elles
retirèrent également les jupons, les bas, les mouchoirs, et les étendirent sur
les deux couches, avant de les replier. Le soleil éclairait ces pauvres objets,
en faisant voir les taches, et des plis formés par les mouvements du corps.
L’air était chaud et bleu, un merle gazouillait, tout semblait vivre dans une
douceur profonde. »
Pour ceux qui trouvent le styliste trop appliqué, pourrait
suffire ce court extrait:
« Un
jour d’été, elle se résigna ; et des papillons s’envolèrent de
l’armoire. »
Comment mieux dire ce moment où la servante accompagne sa patronne dans la chambre de sa fille morte? « Saint Julien
l’Hospitalier » commence sa vie en
chevalier héroïque, dans la
fureur d’un moyen-âge
enluminé :
« Il vainquit les
Troglodytes et les Anthropophages. Il traversa des régions si torrides que sous
l’ardeur du soleil les chevelures s’allumaient d’elles-mêmes comme des
flambeaux ; et d’autres qui étaient si glaciales que les bras, se
détachant du corps, tombaient par terre ; et des pays où il y avait tant
de brouillards que l’on marchait environné de fantômes. »
Il finit sa vie misérable et solitaire, digne cependant de
figurer sur un vitrail :
« Alors le
lépreux l’étreignit ; et ses yeux tout à coup prirent une clarté
d’étoiles ; ses cheveux s’allongèrent comme les rais du soleil ; le
souffle de ses narines avait la douceur des roses ; un nuage d’encens
s’éleva du foyer, les flots chantaient. »
Dans l’édition en livre de poche le troisième conte « Hérodias » comporte
beaucoup de notes tenant parfois la moitié des 190 pages, nécessaires cependant
pour s'y reconnaître dans la multiplicité des personnages et tenter de mieux
saisir les références au temps des danseuses fatales, en Galilée.
« Sous un voile
bleuâtre lui cachant la poitrine et la tête, on distinguait les arcs de ses
yeux, les calcédoines de ses oreilles, la blancheur de sa peau. Un carré de soie,
gorge-de-pigeon, en couvrant les épaules tenait aux reins par une ceinture
d'orfèvrerie. Ses caleçons noirs étaient semés de mandragores, et, d’une
manière indolente, elle faisait claquer de petites pantoufles en duvet de
colibri ».
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