Qui aujourd’hui peut s’étonner de voir un livre consacré au
ballon rond édité aux éditions de Minuit ? Nous ne sommes plus au temps où
les dandys s’approchaient des rings de boxe ; les intellectuels qui
parlent foot ne peuvent passer pour snobs ou décalés.
Qui n’a pas parlé de 98 ? Lui, il sait de quoi il
s’agit.
« 1998 est une date démodée, une date qui a mal vieilli, une date
comme « périmée de son vivant », pour reprendre une expression que j’ai
utilisée dans un de mes romans, une date « que le temps ne
tardera pas à recouvrir de sa patine et qui porte déjà en elle, comme un poison
corrosif dissimulé en son sein, le germe de son propre estompement et de son
effacement définitif dans le
cours plus vaste du temps »
Il est question du temps scandé par les coupes du monde tous
les quatre ans, de l’enfance, d’une présence au monde parfois burlesque quand
il essaye en streaming de suivre une demi-finale Argentine-Pays Bas alors qu’un
orage a tout éteint.
«… le football est une denrée périssable, sa date de
péremption est immédiate. Il faut le consommer tout de suite, comme les
huîtres, les bulots, les langoustines, les crevettes (je vous passe la
composition exhaustive du plateau). Comme avec les fruits de mer, il en reste dans l’assiette plus à la fin
qu’au début : les commentaires d’après-match font office de coquilles et de
carapaces. On les jette à l’oubli. »
Avec de fins morceaux concernant l’écriture :
« Alors j’y
retournais et je me remettais à écrire, et la déception du monde disparaissait
pour me laisser de nouveau face au doute, au silence et à l’incertitude, à
cette intranquillité foncière qui accompagne toujours l’écriture »
Le fil qui nous relie au monde, oublie que désormais les
fonds de pension défont les équipes à chaque mercato quand l’obscénité des
salaires a tué nos émotions primaires.
Les maillots sont devenus des produits dérivés : les « sang
et or » sont descendus en ligue 2 et Valbuena n’a plus les bonnes grâces de la Bonne mère. Pourtant j'aime toujours les
dribles de « Petit vélo », et l’élégance de l’écrivain belge, son
humour, son empathie.
Jean-Philippe Toussaint était à la librairie "Le Square" la semaine dernière (il n'y avait pas beaucoup de monde, contrairement à avant-hier, pour Mathias Enard...). Il mettait l'accent aussi sur le rapport spécial au temps qu'induit le football, quels que soient nos soucis ou nos angoisses, le match les met entre parenthèses parce qu'à chaque seconde, quelque chose de nouveau peut advenir. Il disait aussi que si l'on savait le résultat à l'avance, on ne regarderait pas le match, ou vraiment pas de la même façon.
RépondreSupprimerJe comptais bien y aller et puis la fatigue... mais si j'avais su que tu y étais je me serai remué.
RépondreSupprimer