mardi 22 juin 2021

Le tour du monde en 80 jours. Jules Verne. Younn Locard Jean Michel Coblence.

Sur ce blog, il a été question de Jules Verne à propos d’aventures dans le domaine artistique 
et du dessinateur de cette BD 
Quant à l’adaptateur, il s’était déjà attaqué à Hugo et rend ici un récit limpide d’après un maître du roman d’aventure.
Il est vrai que l’œuvre originale de 1872 offrait des trésors d’imagination, de rythme, de surprises, au service d’un optimisme qui en faisait un incontournable de la littérature jeunesse. Les personnages sont bien campés : Fogg au flegme anglais, son valet Passepartout français débrouillard et la veuve indienne, sauvée du bûcher, épousera le gentleman.
L’inspecteur Fix est à leur poursuite : 
«  J’ai lancé sur vous les prêtres de Bombay, je vous ai enivré à Hong Kong, je lui ai fait manquer le  paquebot pour le Japon… »
De Londres en passant par Suez, Calcutta, Yokohama, San Francisco et New York, Philéas Fogg revient juste à temps au Reform club, retrouve ses parties de whist et les journaux qui lui ont donné l’idée de partir. 
Le duo complémentaire maître/valet traverse les forêts profondes, les plaines infinies, éprouve tous les temps et les typhons les plus puissants, par trains et steamer, mais aussi en éléphant et en traineau. La fortune du héros lui permet d’effacer tous les obstacles qui auraient pu le retarder, allant jusqu’à acheter un bateau. Il gagnera son pari auquel le ponctuel Philéas ne croyait plus: parti vers l’Est, il a bénéficié d’un jour de plus.
Le titre reste mythique et nul ne se lasse de ces voyages dans le temps et l’espace parfaitement adaptés au neuvième art qui a multiplié les versions, ici en 60 pages.

lundi 21 juin 2021

Les Chariots de feu. Hugh Hudson.

Le film préféré de Jo Biden date de 81, il montre que le sport est bien plus qu’une affaire de chaussures à pointes.
Un jeune écossais presbytérien et un juif anglais se préparent pour courir aux jeux olympiques  de Paris en 1924. Au-delà des entrainements qui voient un jeune lord poser des verres pleins sur des haies pour s’astreindre à ne pas heurter les obstacles, ce sont surtout les motivations des athlètes qui sont discutées : foi religieuse et volonté d’insertion dans la société.
Alors qu’il est toujours difficile d’insérer des images de compétition parmi des scènes dialoguées, nous pouvons partager ce qui permet de transcender les champions quand l’ambition est un puissant moteur.
Alors n’intervenaient ni agents, ni la télévision, mais des questions quant à l’amateurisme commençaient à se poser et c’est passionnant quand à la sortie des tueries de 14-18, la vie reprend ses droits et que le monde se transforme. Ma comparse se montre critique envers la musique de Vangélis, qu’elle trouve sommaire, alors que ce fut un succès planétaire reconnu même par ceux qui n’épargnent guère le scénario. 
J’aime bien les jeunes gens qui courent sur la plage au son d’un synthétiseur, les discours de vieux profs, les collines écossaises, les traversées en bateau, les cigares de l’entraineur et les chapeaux des cantatrices, le fil de laine à franchir le premier…

dimanche 20 juin 2021

Biface. Bruno Meyssat.

Pour évoquer la conquête de Mexico au temps de Charles Quint, les cinq personnes présentes sur le plateau ont un papier à la main quand ils interviennent pour souligner que leurs mots proviennent à la fois des écrits de Cortès et des Aztèques. 
Certaines séquences énigmatiques rapprocheraient ce théâtre sans réplique des performances de l’art contemporain dont le symbole serait le cadre d’un paravent aux panneaux vides  au centre de la scène. 
Pour mieux suivre les recherches déconstructivistes actuelles, l'intitulé de ce "Biface" pourrait préciser : « documentation pour jouer à notre façon», comme je viens de le voir à propos du festival pour enfants du Grand Bornand « cirque théâtralisé et musical » ou « jonglerie comique et visuelle ».
Nous avançons parfois vers la disparition du spectacle vivant à force de voix off, de juxtapositions de fragments, où le public peu nombreux pourtant en ces instants de reprise est tenu hors du coup s’il ne fait pas partie des initiés.
Une conférence historique peut mieux éclairer les riches heures du colonialisme
En ce qui concerne la confrontation claire de deux récits, il y a eu au musée du quai Branly en 2015, une exposition remarquable mettant en parallèle, au Pérou, l'Inca Atahualpa et le conquistador Pizarro.
Afin de rendre compte un peu de ces deux heures, à la façon de ceux qui ne voient dans un match de foot que 22 gars en short courant après un ballon, j’aurais voulu m’amuser à énumérer quelques images suivant la froide procédure descriptive des médiateurs des FRAC. Mais ma subjectivité prend le dessus et décrète que des scènes fortes alternent avec d’autres que je n’ai pas comprises. 
Un acteur trace une figure en sable qu’un autre balaiera, un homme enlève ses habits en obéissant à son partenaire, l’un d’eux est entouré de ruban adhésif collé à une table de camping, manière de signifier la fixité de certaines représentations, une autre fois un acteur évoque Moctezuma, le roi Aztèque, habillé comme le christ d’un seul perizonium (« étoffe qui cache la nudité du corps du Christ dans les représentations de la Crucifixion »)… une bite de tissu se gonfle, des corps sont trimballés et des souliers claquent …
La sauvagerie de ces temps dits Renaissance, accentuée par les incompréhensions réciproques mêlées d’admiration, se retrouve jusque dans le récit saisissant de la mort atroce du tout puissant roi Philippe II. Les habitants du nouveau monde qui n’avaient jamais vu de chevaux confondaient les canons ennemis avec de grandes trompettes.  
« Montezuma avait réuni toutes les variétés d’oiseaux qu’il collectionnait. Ce fut mon grand regret que je les détruisis et cela faisait encore beaucoup plus de peine aux Mexicains et aux habitants des bords de la lagune, car pas un ne pensait que nous puissions jamais arriver jusque là » Cortés

samedi 19 juin 2021

La chartreuse de Parme. Stendhal.

« Fabrice à Waterloo » figure parmi un des épisodes les plus fameux de la littérature française; « il faut avouer que notre héros était fort peu héros en ce moment » 
L’honnêteté de l’écriture, son naturel, se retrouvent tout au long des 529 pages.
« Mais le lecteur est peut être un peu las de tous les détails de procédure, non moins que de toutes les intrigues de cour. De tout ceci on peut tirer cette morale, que l’homme qui s’approche de la cour compromet son bonheur, s’il est heureux et, dans tous les cas, fait dépendre son avenir des intrigues d’une femme de chambre. »
Ces intrigues de cour peuvent sembler lointaines, les évanouissements plus vraiment de saison, les promesses démentes, les générosités démesurées et quelques bassesses inconcevables. C’est dans ce monument, le coup de pistolet : 
« La politique dans une œuvre littéraire, c'est un coup de pistolet au milieu d'un concert, quelque chose de grossier et auquel pourtant il n'est pas possible de refuser son attention. » 
En passant, l’air de rien, sont glissées quelques réflexions de bon sens : 
« L'amant songe plus souvent à arriver à sa maîtresse que le mari à garder sa femme ; le prisonnier songe plus souvent à se sauver que le geôlier à fermer sa porte ; donc, quels que soient les obstacles, l'amant et le prisonnier doivent réussir. » 
Le récit qui au détour d’une subordonnée donne des indications décisives est parfois contemplatif: 
« L’imagination est touchée par le son lointain de la cloche de quelque petit village caché sous les arbres : ces sons portés par les eaux qui les adoucissent prennent une teinte de douce mélancolie et de résignation, et semblent dire à l’homme : La vie s’enfuit, ne te montre donc point si difficile envers le bonheur qui se présente, hâte-toi de jouir »
 Il nous fait partager des passions en changeant souvent la focale. 
« L'amour observe des nuances invisibles à l’œil indifférent, et en tire des conséquences infinies. » 
Des amours invraisemblables peuvent se lire aujourd’hui comme d’utiles moyens de résilience.
Del Dongo arrive à la prison où l‘a mené le meurtre, présenté comme anodin, d’un rival : 
« Mais ceci est-il une prison ? Est-ce là ce que j’ai tant redouté ? » Au lieu d’apercevoir à chaque pas des désagréments et des motifs d’aigreur, notre héros se laissait charmer par les douceurs de la prison. » 
L’homme ne m’a pas semblé le personnage principal : la Sanseverina est forte : 
« … elle voulait toujours ce qu'elle avait voulu une fois ; elle ne remettait jamais en délibération ce qui avait été une fois décidé. Elle citait à ce propos un mot de son premier mari, l'aimable général Pietranera : quelle insolence envers moi-même ! disait-il ; pourquoi croirai-je avoir plus d'esprit aujourd'hui que lorsque je pris ce parti? » 
Clélia est déterminée : 
« J’ai fait vœu à la Madone, comme tu sais, de ne jamais te voir ; c’est pourquoi je te reçois dans cette obscurité profonde. » Ils vont concevoir un enfant.

vendredi 18 juin 2021

La société malade. Jean-Pierre Le Goff.

Celui qui sait si bien dénoncer les baratins n'a pas eu besoin d'aller bien loin pour trouver un titre à cette analyse de la période que nous vivons où les faiblesses de l’état ne se résolvent pas avec une verticalité à la fois réclamée et critiquée.
Le pouvoir : « gère tant bien que mal une société morcelée, impatiente et caractérisée par une mentalité victimaire d’ayant-droit. » 
Mais est-ce parce que je suis d’accord avec lui tout au long des 280 pages que je regrette  de moins retrouver l’originalité vigoureuse du philosophe par contre toujours aussi clair ?
Oui le confinement « a accentué fortement des tendances au repli individuel et au refuge face à un monde plongé dans la confusion et le chaos. » 
Ayant été lui-même atteint par la maladie, sa confiance en la science, ses attentes, pour n’être pas conventionnelles en ce moment, sont réconfortantes. 
« Les limites de la science et de la technique que certains considèrent comme l’incarnation d’une volonté prométhéenne de dominer la nature se faisaient sentir cruellement. » 
Le rappel des 30 millions de victime du SIDA est utile, et significatif l’effacement de la religion quand « se rendre dans un lieu de culte » n’a pas figuré comme motif d’autorisation de sortie alors que « n’étaient pas oubliés les besoins des animaux de compagnie ». 
Sa critique des médias et de « l’hôpital-entreprise » est juste comme est mesurée sa position face à la restriction des libertés et le mélange des genres entre science et politique.
«  La perte du « sens commun » ne concerne pas seulement une partie de la classe politique, mais nombre de journalistes militants et d’intellectuels qui ne s’embarrassent guère des «  réalités empiriques » pour faire valoir leurs propres conceptions. »  
A l’abord d’une conclusion qui n’oublie pas les bouleversements de nos héritages culturels, je me dis que ce livre illustre bien une phrase de Tocqueville qui  
«  soulignait que le despotisme nouveau se chargerait d’assurer leur jouissance [des citoyens] et de veiller sur leur sort » avant d’ajouter : 
« Que ne peut-il ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? »

jeudi 17 juin 2021

Galeries en Juin 2021 à Grenoble.

Galerie «  Au vent des cimes ».
Jusqu’au 19 juin Josepha nous rassure : la féminité n’a pas abandonné toutes les places. Ses sculptures qui jouent avec les dentelles et les volutes de robes très légères tapent à l’œil.
Je les trouve un peu trop vernissées, mais le parti pris du raffinement, d’une certaine élégance peuvent convenir aux foules qui se pressent à Saint Paul de Vence par exemple et le vieux mâle ne verra pas d’inconvénient à cette mise en valeur du corps rêvé de la femme par une femme.
Anne Bachelier et son univers de chimères lui succèdera jusqu’au 31 juillet.
Galerie Hébert. 
https://www.facebook.com/galeriehebert.grenoble

Jusqu’au 3 juillet, Cecile Beaupere livre son regard sur les corps des «  Stabant amantes » avec des étreintes fondantes en peinture depuis de vibrants dessins de nus.
Le talent est encore plus évident quand il s’exerce dans un domaine qui n’en finit pas, heureusement, d’être exploré.
Certains mouvements peuvent rappeler les courbes de Courbet ou Bacon, en moins trash. La diversité des propositions ne contrarie pas la cohérence du propos.
Galerie Ex-Nihilo. 
Jusqu'au 26 juin Jean Louis-Roux propose : « Buter, buter, buter encore. » 
« Nos yeux se cognent sur l’apparence des choses, ça nous tape à l’œil, le constat nous sidère et déconcerté, nous n’en finissons pas de buter. Le monde est buté et nous butons contre. Le monde fait butée. Libre à nous de prendre appui sur lui. De la butée faire le but. Et débuter. »
Le critique des « Affiches » écrit aussi bien qu’il photographie des lieux comme j’aime les  cadrer, avec un parti pris du noir et blanc qui rend élégante la solitude et atténue l’ âpreté du monde. 
Galerie Alter art. 
Avant Agnès Jeannot jusqu’au 11 juillet, 
Patricia Goujon rencontrait Vincent Brunet lors d’une exposition commune 
«  Convergence » où l’artiste collagiste joue avec les gravures du taille-doucier. 
Le travail de haute précision du graveur a inspiré sa complice qui ajoute ses images et ses traits dorés.

 

mercredi 16 juin 2021

Chartres # 2

Il fait frais ce matin et la météo annonce à peine 20 voire 22° pour aujourd’hui.
 
Nous avons un peu trainassé dans notre vaste demeure.
Aussi, pour nous éviter  de tourner et virer avec la voiture, nous optons pour le grand parking couvert « Au cœur » au centre et à deux pas de la vieille ville.
Nous marchons directement vers la Cathédrale Notre Dame.
Munis du livre acheté hier, puisque nous n’avons pu retenir de visite guidée à l’Office du tourisme fermé, nous nous postons devant le portail royal et apprécions les explications usant de termes architecturaux simples ou bien définis de l’ouvrage.
Et c’est toujours une grande satisfaction d’entrer dans la compréhension d’une œuvre. « L’imagier est fait pour être lu et appréhendé, le côté esthétique était secondaire à l’époque » est-il écrit. Le secondaire nous laisse cependant bien admiratifs.
Nous détaillons les 3 portes, amusés par le zodiaque placé dans les voussures du portail gauche :
Janvier ou Janus, a droit à deux têtes, l’une pour l’année passée, l’autre pour la nouvelle année ; 
le scorpion, de forme curieuse nous tire la langue, et le cancer ressemble plutôt à un pou !
En pénétrant à l’intérieur, une anecdote du livre retient notre attention et nous plonge dans une réalité bien humaine. Autrefois, en période de pèlerinage, le lieu saint ne se contentait pas d’accueillir  la foule, il  l’hébergeait aussi. Cela nécessitait ensuite un lavage conséquent du pavage à grande eau, et l’ouverture de quelques vitraux pour l’aération.
Nous nous intéressons aux trois verrières en dessous de la rose. Minutieusement, nous  les décryptons comme il se doit de gauche à droite et de bas en haut, comme se lisent les accords sur une partition de musique.
Sur le vitrail de droite, l’arbre de Jessé renferme des détails et des significations que peu connaissent encore aujourd’hui.
Celui du centre raconte la vie de Jésus,
et celui de gauche dépeint la Passion 
suivie  par  la Résurrection.
Outre la symbolique, on assiste à l’explosion de la couleur.
Dans le déambulatoire, les verres teintés reprennent le thème du zodiaque. 
Cette fois-ci, Janus possède trois têtes : avant, pendant et après le nouvel an.
Nous nous tournons ensuite vers la clôture du chœur magnifiquement ouvragée dans la pierre.
Des scènes composées de statues chapeautées  de pinacles abordent la vie de Marie jusqu’à  la mort du Christ. L’imagier les a représentées dans des habits du XIV°, c’est-à-dire à la mode de l’époque correspondant à la création de l’ouvrage. Certaines parties claires récemment nettoyées  permettent d’apprécier les détails et la beauté du travail et contrastent avec d’autres encore très encrassées et sombres qui se fondent trop discrètement dans l’environnement.
Nous interrompons la visite pour une pause repas  au « café du Général » à proximité, et commandons le plat du jour osso bucco et tarte citron meringuée, servis rapidement.
Aussitôt après, nous poursuivons,  toujours seuls, notre découverte de la Cathédrale avant  de participer à des visites de groupe dans des endroits inaccessibles autrement. Malheureusement, le magnifique labyrinthe que nous avons vu sur nombre de photos disparait sous des rangées de chaises vides. 
Nous ne verrons guère mieux le précieux reliquaire gardée par deux anges ; il conserve le voile ou la chemise que portait Marie lors de l’Annonciation. Irène de Byzance l’aurait offerte en cadeau à Charlemagne puis Charles le Chauve en aurait fait don à Chartres. Longtemps cachée au public, cette pièce de soie fut profanée à la Révolution.