Le directeur de la fondation Hartung-Bergman, auteur du
livre « Anna-Eva Bergman, vies lumineuses », commissaire de
l'exposition « Rothko-Hartung :
une amitié multiforme », était à l’écran devant les amis du musée
de Grenoble, en écho de l’exposition consacrée à la dessinatrice, peintre et
graveuse : « Voyage vers l'intérieur » du 31 mars au 16 juillet 2023 au
musée d’Art Moderne de Paris. « Atelier à Antibes ».
Née à Stockholm en 1909, elle devient norvégienne après le
divorce de ses parents, copie son oncle qui fait de la copie, mais dans la
famille duquel, elle garde surtout le souvenir de ses peurs. Sa mère qu’elle ne
voit qu’épisodiquement se sert de la tenace petite fille comme cobaye pour ses
expériences d’orthopédie. « Portrait 1933 » Elle étudie à l’Académie des Beaux-Arts d’Oslo, à Vienne à
École des Arts Appliqués puis à Paris dans l’académie d’André Lhote. Après
avoir été imperméable à l’art moderne lors de ses premiers contacts, elle sera
marquée par son compatriote Münch, avant sa rencontre et son mariage avec Hans
Hartung de nationalité allemande comme Georg Gross, Otto Dix au « réalisme
magique » dont l’ironie l’inspirera en particulier dans ses dessins
satiriques. « Anna-Eva Bergman et Hans Hartung »
Les jeunes mariés s’installent à Minorque, mais le typhus et
l’incompréhension du voisinage allant jusqu’à des soupçons d’espionnage les
chassent de ce « Paradis »ensoleillé et pas cher. De retour à Berlin, elle est également suspectée
d’espionnage par les nazis. Elle publie « Turid
en Méditerranée » et
quitte Hartung en 1937. Elle épouse le fils de l’architecte Lange érudit
médiéviste avec lequel elle poursuit ses recherches sur la divine proportion,
tout en s’initiant aux techniques avec feuilles d’or ou d’argent.
Son remariage est un fiasco, tandis que Hans se remarie avec
Roberta Gonzalez, fille du sculpteur Julio Gonzalez qui l’a accueilli dans son
atelier. « Composition n° 5 » Pendant la guerre, elle se réfugie dans les montagnes
norvégiennes pour fuir la réquisition des Allemands en tant que traductrice. « No 26-1981 » Lors de ses voyages en bateau le long des fjords, son goût
de la spiritualité l’amène à aller à l’essentiel des lignes. « Deux
formes noires » Elle devient une peintre, rendant la beauté fascinante des
îles et la lumière du soleil de minuit, passant à l’abstraction à partir des
fissures de rochers, en venant à une « scissiparité » géologique, soulevant
les montagnes.« La grande montagne » Elle a connu Rothko et Soulages, « Grand horizon bleu », espace
accessible et pourtant inatteignable.« Œuf
d’or ou Un Univers » (1960) C’est du Finnmark
et de la Norvège du Nord que je rêve. La lumière me met en extase. Elle se
présente par couches, et donne une impression d’espace différents qui sont en
même temps très près et très lointains. On a l’impression d’une couche d’air
entre chaque rayon de lumière, et ce sont ces couches d’air qui créent la
perspective. C’est mystique. »« No
Ca-1948-50 » A l’approche de la genèse du monde dans ces lieux
dépouillés, elle donne un rythme et
anime le monde minéral. Les pierres en deviennent «
quintessentielles ». Elle est retournée à Berlin où les gravats persistent
dans l’après guerre, les blessures de l’histoire sont aussi minérales. Elle se remarie avec Hans Hartung vingt huit ans après
leur premier mariage, ils s’installent dans la quiétude à Antibes en 1973 dans
une maison dessinée par leurs soins, 36 ans après leur première
maison de Minorque. Hans l’amour de sa vie, s’associait pour elle, à
Fra Angelico et Bach sur le sentier d’une piété cosmique. Elle meurt en 1987.
En regardant... les grandes lignes, je ne peux m'empêcher de trouver que la révolution qu'apporta la Renaissance italienne dans la manière de rendre l'incarnation (de l'Homme), cette... douceur qu'on peut voir dans les visages des madones, des femmes à l'enfant, cette tendresse, tout cela a progressivement fui notre monde... moderne, au profit de cette passion folle pour l'abstraction... de l'Absolu qui finit par avoir raison de l'Homme, et le détruire comme roseau pensant et sensible. Malgré une beauté tenue dans certains des tableaux ci-dessus, je vois... une terrible errance, et la défaite de l'Homme qui continue à l'entraîner vers le fond.
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