mercredi 30 juin 2021

Chartres # 4.

Nous plions bagages et buvons notre thé.
Au moment de partir, on frappe à la porte. 
Un peu surpris, nous ouvrons à deux préposés de l’électricité, un en costume et un autre en bleu de travail. Ils nous annoncent que suite à un impayé, ils vont procéder à la réduction d’accès au courant. Il ne sera plus possible  d’utiliser plusieurs machines simultanément. Nous ne pouvons que leur conseiller d’avertir le propriétaire actuellement à Paris afin qu’il ne soit pas pris au dépourvu lors de son retour. Nous glissons les clés dans la boîte aux lettres et allons nous garer à Chartres près du parking d’hier.
Nous nous autorisons un petit café en terrasse tandis que la ville s’ébroue doucement et que les habitués se retrouvent à échanger sur l’actualité à côté de nous.
Vers 10 h nous nous secouons et avec la voiture, nous partons pour la maison Picassiette, curieux de voir cette construction réputée de l’art brut.
L’entrée est gratuite, et nous sommes accueillis et renseignés par un jeune homme et un employé passionné, désolé de la pénurie de dépliants. Qu’importe ! Nous sommes vite  immergés dans un monde à part.
Tessons de verre, tesselles et débris de porcelaine ou d’assiettes, morceaux de figurines ébréchées ou brisées, ont servi de matière première à Raymond Isidore pour réaliser les mosaïques de sa résidence.
Cet homme original commence en tant que cantonnier puis est chargé de l’entretien du cimetière, il élit alors domicile à proximité, en témoigne l’adresse:
22, rue du repos.
Il commence dans les années 30 par l’intérieur de sa petite maison avant que son obsessionnelle envie de tout recouvrir ne s’étende à la totalité de son domaine. 
Inspiré par des cartes postales, il a  peint dans sa cuisine une fresque du mont Saint Michel au-dessus du fourneau, entourée d’éclats d’assiettes et de verres colorées qui tapissent le moindre espace,
tout comme dans le  salon et la chambre, sur les sols  les murs les meubles et même la machine à coudre.
A l’extérieur, la cour d’entrée et différentes parois sont revêtues de mosaïques figuratives représentant  d’innombrables églises mosquées ou cathédrales.
Une chapelle jouxte son habitation, dans le même style de tesselles issues de restes de vaisselle bouteille ou faïence sélectionnées pour  leur  couleur bleue.
Une cour noire, elle aussi décorée, la sépare de la maison d’été, composée d’une pièce dans les bleus et d’une douche équipée de 2 becs de bouilloires en guise de pommeau.
Dans le prolongement, un porche s’ouvre sur le jardin, il est enduit de fresques qui s’effacent peu à peu.
Quant au jardin, il se différencie par un parterre plus  végétal contrairement au reste de la propriété entièrement carrelée de mosaïques.
Outre les plantes, il englobe une « statueraie », une grotte de Lourdes en miniature, le parvis de Jérusalem, le tombeau de l’esprit  et le verger, l’ensemble toujours décoré selon les mêmes procédés jusqu’aux arrosoirs et aux pots de fleurs.
A chaque fois, les morceaux recyclés sont choisis en fonction de leur couleur pour donner vie à des images concrètes, animalières, humaines, ou à des bâtiments inspirés par des cartes postales d’orient notamment. Ils participent aussi à former des fonds colorés, ils chantent et brillent sous le soleil avec beaucoup de délicatesse et de finesse.
L’imaginaire de Mr Raymond est émouvant, comme son acharnement à le mettre en forme. 
Et contrairement au facteur Cheval avec son Palais Idéal, il a vécu dedans.
Nous aurions été déçus de quitter Chartres sans avoir pu visiter la maison Picassiette, expression de la fantaisie, de la lumière, d’innocente folie douce. Nous abandonnons les lieux à quelques touristes souriants et partons vers notre prochaine destination, Bourges.
Pour nous y rendre, nous faisons le choix de la route plutôt que de l’autoroute. Nous traversons des paysages plats où des machines agricoles soulèvent des nuages de poussières sur fond d’éoliennes.
Nous nous étonnons même d’un vieux moulin à vent perdu au milieu d’un champ moissonné.
Puis nous abordons la Sologne.
A Chevilly  implanté à vingt kilomètres d’Orléans, nous apercevons à point nommé un relais de France, « A la gerbe de blé ». Il est tenu par un couple de personnes ayant visiblement dépassé l’âge de la retraite à la démarche claudicante et mal aisée. Ils proposent un menu à 12€ dont nous ne viendrons pas à bout : ils nous ont  servis une salade de crudités ou niçoise, six brochettes avec chipolata et 6 avec merguez, des frites et une mousse au chocolat. La télévision tourne en continu, la salle et le bar se remplissent d’habitués dans une ambiance bon enfant.

1 commentaire:

  1. En voilà un qui a reçu le baiser de Dieu pour faire sa maison et vivre dedans. A la gloire de Dieu ! (Peut-être que l'Homme n'est jamais aussi inspiré que quand il travaille à la gloire de Dieu, qui sait ? Travailler à sa propre gloire ne lui réussit pas tant que ça.) Merci de partager avec nous. C'est très beau, très émouvant, comme tu le dis.

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