dimanche 20 juin 2021

Biface. Bruno Meyssat.

Pour évoquer la conquête de Mexico au temps de Charles Quint, les cinq personnes présentes sur le plateau ont un papier à la main quand ils interviennent pour souligner que leurs mots proviennent à la fois des écrits de Cortès et des Aztèques. 
Certaines séquences énigmatiques rapprocheraient ce théâtre sans réplique des performances de l’art contemporain dont le symbole serait le cadre d’un paravent aux panneaux vides  au centre de la scène. 
Pour mieux suivre les recherches déconstructivistes actuelles, l'intitulé de ce "Biface" pourrait préciser : « documentation pour jouer à notre façon», comme je viens de le voir à propos du festival pour enfants du Grand Bornand « cirque théâtralisé et musical » ou « jonglerie comique et visuelle ».
Nous avançons parfois vers la disparition du spectacle vivant à force de voix off, de juxtapositions de fragments, où le public peu nombreux pourtant en ces instants de reprise est tenu hors du coup s’il ne fait pas partie des initiés.
Une conférence historique peut mieux éclairer les riches heures du colonialisme
En ce qui concerne la confrontation claire de deux récits, il y a eu au musée du quai Branly en 2015, une exposition remarquable mettant en parallèle, au Pérou, l'Inca Atahualpa et le conquistador Pizarro.
Afin de rendre compte un peu de ces deux heures, à la façon de ceux qui ne voient dans un match de foot que 22 gars en short courant après un ballon, j’aurais voulu m’amuser à énumérer quelques images suivant la froide procédure descriptive des médiateurs des FRAC. Mais ma subjectivité prend le dessus et décrète que des scènes fortes alternent avec d’autres que je n’ai pas comprises. 
Un acteur trace une figure en sable qu’un autre balaiera, un homme enlève ses habits en obéissant à son partenaire, l’un d’eux est entouré de ruban adhésif collé à une table de camping, manière de signifier la fixité de certaines représentations, une autre fois un acteur évoque Moctezuma, le roi Aztèque, habillé comme le christ d’un seul perizonium (« étoffe qui cache la nudité du corps du Christ dans les représentations de la Crucifixion »)… une bite de tissu se gonfle, des corps sont trimballés et des souliers claquent …
La sauvagerie de ces temps dits Renaissance, accentuée par les incompréhensions réciproques mêlées d’admiration, se retrouve jusque dans le récit saisissant de la mort atroce du tout puissant roi Philippe II. Les habitants du nouveau monde qui n’avaient jamais vu de chevaux confondaient les canons ennemis avec de grandes trompettes.  
« Montezuma avait réuni toutes les variétés d’oiseaux qu’il collectionnait. Ce fut mon grand regret que je les détruisis et cela faisait encore beaucoup plus de peine aux Mexicains et aux habitants des bords de la lagune, car pas un ne pensait que nous puissions jamais arriver jusque là » Cortés

1 commentaire:

  1. Je retiens le dernier mot de Cortès. Il est fort, et fort beau...
    Il résume bien le monde dans lequel on vit... Peut-on construire sans détruire préalablement ?
    Mais on n'est pas obligé d'aimer la destruction...
    Je trouve qu'il est heureux qu'on ne soit pas immortel, et ne comprend pas tant de désir de l'être..

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