Ses souvenirs parfument habilement les 266 pages avec les
villages traversés :
« Ils sentent le
froid, la cave, la croûte de fromage, la fumée, c’est un parfum bistre et
noirâtre qui n’appartient qu’à eux, une sorte d’hiver traînant toujours dans le
fond même de l’été, et qui , dirait-on, reposait déjà dans l’âme avant même
qu’on les connût. »
Après un démarrage que j’ai trouvé laborieux où les compagnons
de voyage jouent les utilités, avec évocations de coup pendables et mesquines
passions, j’ai apprécié la sincérité, le punch, l’humour, de l’écorché
littéraire qui peut se permettre de jouer avec le lecteur sur ses envies de
pisser ou de vomir :
« Je n’ai pas
tardé, c’était à prévoir, à écorcher le renard, à mettre le cœur sur le
carreau, à appeler Raoul, à appeler Burque, à quicher, à poser une galette, à
faire du Jackson Pollock en relief, à me vider le jabot, à donner à manger aux poissons, à aller au refile, à compter mes
chemises… »
Sa poésie en est d’autant plus puissante:
« J’avais fini
par comprendre que ce qui me serait donné là haut, au plus profond des forêts,
dans l’antre noir et odorant des étables, au creux des vieux chemins qui
paraissent toujours s’enfoncer dans un passé oublié, ce serait une promesse,
l’attente nue du miracle, la même qui me tenait éveillé enfant, la veille de
noël, dans le lit froid que je partageais avec mon arrière grand-mère. »
Son rapport au réel est très physique, mais l’auto dérision
permet tout :
« A ma façon, je
poursuis la tradition familiale, je passe dans les avenues de la littérature
avec ma camionnette, « vieilles images, métaphores vermoulues, on prend
tout, on ramasse tout ».
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