samedi 19 octobre 2019

Le voyage du canapé-lit. Pierre Jourde.

Jourde qui avait fustigé les auto-fictions genre Christine Angot, se lance dans un road récit en camionnette avec son frère et sa belle sœur lors du déménagement d’un meuble de famille de Créteil vers l’Auvergne http://blog-de-guy.blogspot.com/2014/03/fete-du-livre-bron-2014.html.
Ses souvenirs parfument habilement les 266 pages avec les villages traversés : 
« Ils sentent le froid, la cave, la croûte de fromage, la fumée, c’est un parfum bistre et noirâtre qui n’appartient qu’à eux, une sorte d’hiver traînant toujours dans le fond même de l’été, et qui , dirait-on, reposait déjà dans l’âme avant même qu’on les connût. »
Après un démarrage que j’ai trouvé laborieux où les compagnons de voyage jouent les utilités, avec évocations de coup pendables et mesquines passions, j’ai apprécié la sincérité, le punch, l’humour, de l’écorché littéraire qui peut se permettre de jouer avec le lecteur sur ses envies de pisser ou de vomir :
« Je n’ai pas tardé, c’était à prévoir, à écorcher le renard, à mettre le cœur sur le carreau, à appeler Raoul, à appeler Burque, à quicher, à poser une galette, à faire du Jackson Pollock en relief, à me vider le jabot, à donner à manger aux poissons, à aller au refile, à compter mes chemises… »
Sa poésie en est d’autant plus puissante:
« J’avais fini par comprendre que ce qui me serait donné là haut, au plus profond des forêts, dans l’antre noir et odorant des étables, au creux des vieux chemins qui paraissent toujours s’enfoncer dans un passé oublié, ce serait une promesse, l’attente nue du miracle, la même qui me tenait éveillé enfant, la veille de noël, dans le lit froid que je partageais avec mon arrière grand-mère. »
Son rapport au réel est très physique, mais l’auto dérision permet tout :
«  A ma façon, je poursuis la tradition familiale, je passe dans les avenues de la littérature avec ma camionnette, «  vieilles images, métaphores vermoulues, on prend tout, on ramasse tout ».  

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