Nous quittons l’hôtel après un petit déjeuner frugal car matinal.
A la sortie de la ville, la route est bordée de portraits de
martyrs
de la guerre Iran-Irak.
Il faut une grosse heure pour aller à Tchaktchak à travers le désert de pierres où ne résistent que
quelques touffes épineuses. La route goudronnée s’arrête au pied de la falaise
que nous gravissons pour atteindre une grotte dédiée à Zoroastre parfois appelé
Zarathoustra,
nous restons dans le thème d’un des premiers monothéismes.
Le site est grandiose, les marches sont raides avec de
chaque côté des constructions modernes servant aux fidèles de logements d’été
lors des cérémonies. En haut de l’escalier nous attend le gardien qui en
échange des droits d’entrée nous délivre la clef du cadenas de la porte dorée de
la grotte où figurent deux lanciers surnommés Immortels comme ceux de
Persépolis. Ce sont des gardes dont Xénophon disait : «si quelqu'un d'entre eux venait à manquer
(...), on en élisait un autre parce qu'ils n'étaient jamais moins ni plus de
10.000».
La légende raconte qu’une princesse sassanide fuyant devant
les arabes trouva refuge dans la montagne qui s’ouvrit et se referma derrière elle.
Contre la paroi qui suinte, brûlent constamment trois bougies. Une structure
sert à installer un feu indispensable pour les cérémonies, dont les pétales
réceptionnent les cendres. A côté une petite salle ouverte vers l’extérieur est
protégée par une grille originale découpant le pâle paysage montagnard comme
une mosaïque. Le signe de l’homme oiseau, Ahura Mazda, apparait plusieurs fois,
dont les trois parties en forme d’ailes
et de queue sont parfois sous titrées : bonne pensée, bonne parole et
bonne action. Nous nous appliquerons désormais à respecter ces préceptes.
L’eau d’une citerne mise à la disposition de ceux qui vont
gravir les marches est délicieusement fraîche. Nous quittons Tchaktchak dont le
nom serait né du bruit des larmes de la montagne émue par le sort de la
princesse et nous nous dirigeons vers Kharanaq.
Le paysage est tout aussi rude et aride puisque nous nous rapprochons du désert
salé de Dasht- e Kavir.
Kharanaq (« lieu de naissance du soleil ») qui nous évoque les ghorfas tunisiens est un joli
village en voie de désertification lui
aussi. Il connut son heure de gloire au temps de la route de la soie. Son
caravansérail a été rénové en briques de différentes nuances : du rose au
vert en passant par le beige.
Un jeune garçon escalade la porte pour nous ouvrir, et part
précipitamment changer de vêtements lorsqu’il apprend que nous sommes
enseignants. Nous montons sur le toit où nous nous désolons à la vue de
lampadaires modernes incongrus dans une rue peu fréquentée et restons interrogatifs
quant à l’espace réservé aux petits qui semblent absents.
Le jeune enfant nous
conduit dans la citadelle juste en face, véritable labyrinthe aux murs de
briques en terre crue fondant mais encore suffisamment debout pour s’imaginer
la composition des constructions édifiées dans des temps préislamiques. La
mosquée plus récente date du XIII° siècle, elle est en cours de rénovation, avec
des inscriptions coraniques blanches flanquées de deux tribunes face à face. Le
minaret a la particularité de bouger. Nous ne pouvons y monter car l’accès est
fermé par un verrou mais nous apercevons par la grille des marches extrêmement
étroites. Si le minaret avait une fonction religieuse, il permettait aussi aux
caravanes de repérer de très loin la ville grâce à un feu haut placé. Nous nous
promenons aux abords de la citadelle, nous nous rafraichissons à un tuyau qui
alimente des canaux descendant vers les cultures et prenons notre repas sur la
grand route dans un restau pour routiers. Notre manque de souplesse nous pousse à une table plutôt que de nous asseoir en
tailleur dans des divans circulaires en métal comme le pratiquent des hommes
vêtus de larges pantalons noirs resserrés aux chevilles. Le ventre bien calé et
la pression des pneus contrôlée, nous partons pour une longue route ponctuée
par des checkpoints rapides, des arrêts
essence/esquimaux au chocolat ou pastèque. Nous traversons le sud d’Ispahan, la
ville nous surprend par son ampleur, sa modernité et surtout sa verdure après
tous ces paysages de reg. Nous poursuivons notre route dans une circulation
débridée, où Ali n’hésite pas à effectuer des marches arrière sur les bretelles
d’autoroute sans que d’autres usagers protestent. Nous collectons quelques renseignements
concernant les tours destinées à recevoir le fumier ou les fientes afin
d’engraisser les cultures. La nuit tombe et nous entrons à Shar-e Kord (la ville de kurdes). Nous partons dîner à 23 h, les
visages sont fatigués, les traits tirés et les yeux rouges.
D'après les notes de voyage de Michèle Chassigneux.
D'après les notes de voyage de Michèle Chassigneux.
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