Le natif de Leyde,
ville universitaire et bastion de l’église réformée, ne s’est pas cantonné à
une spécialité. Ses effets de matières se sont exercés dans des portraits,
scènes bibliques ou populaires, natures mortes en situation, paysages.
Si au XIX° siècle s’est
forgée la légende d’un artiste génial, mais maudit, voué à la pauvreté et à la
solitude, le conférencier s’est appliqué à nuancer ce trop romantique tableau.
Le père de celui qui
fut le 8° d’une fratrie de 10 exerçait la profession de meunier, et connaissait
une certaine aisance.
Après un
apprentissage auprès de peintres qui avaient fait leur voyage en Italie, dès le
début de sa carrière, il eut à son tour des élèves payants auxquels il enseigna
tellement bien son style qu’en 1915, 740 tableaux lui étaient attribués. En
1990 il n’en restait plus que 240. Des
contestations s’ensuivirent.
Il a beaucoup
sollicité son entourage pour ses portraits, mais des doutes demeurent pour
savoir si celui d’une « vieille femme », admirable, représente effectivement sa mère dont
le regard méditatif exprime l’âme, puissamment, en toute sobriété.
Quand la profusion
des rides éloigne tout lifting, le grand âge peut être magnifique.
L’homme des
autoportraits trouve sa voie en 1629, avec des teints de terre et des lumières
contrastées venues des caravagesques d’Utrecht.
Dans « Suzanne au bain »,
« une déflagration de blanc » vient souligner sa franchise : la
main d’un des vieillards prend d’emblée possession de la belle.
Le personnage de « Jérémie pleurant sur la destruction
de Jérusalem », effondré entre la représentation abstraite de la ville
en flammes et quelques objets peints minutieusement, exprime le destin
dramatique du peuple juif dans son entier.
Si ses dessins sont
indépendants de sa peinture, sa technique d’aquafortiste apprise auprès de Jan Lievens,
un de ses collègues, marque aussi son originalité : il retravaille ses
traits, n’immerge pas ses plaques et fait couler l’acide sur le cuivre. http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/04/les-dessins-nordiques-du-musee-de_10.html
Ses eaux fortes sont vives et vibrantes.
Les tableaux devenus célèbres se bousculent :
« Le philosophe en méditation » devant ses instruments de
la connaissance, se trouve près de la fenêtre ; de l’autre côté de
l’escalier central, une femme dans l’obscurité allume un feu.
« La leçon
d’anatomie » respecte les lois du portrait collectif, individualisable
et hiérarchisé. Trop en rapport avec une réalité inacceptable, il va à
l’inverse du bon goût français contemporain http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/01/lexaltation-du-corps-au-temps-du.html
« La Compagnie de Frans
Banning Cocq et Willem van Ruytenburch » à la tête d’une milice civile d’arquebusiers
ne devrait pas s’appeler « la Ronde de nuit » car la scène est
diurne mais le bitume de Judée employé pour sa réalisation s’est assombri avec
le temps. Le tableau le plus populaire du nouveau Rijksmuseum vendu
16 000 Florins à l’époque (salaire annuel d’un ouvrier 250 Florins) a
connu aussi une réduction de son format passant de 5 m à 4,38m sur sa longueur et
de 3,87 m
à 3,59 m
en largeur.
Assez mauvais gestionnaire de sa fortune, il avait portant
épousé la riche orpheline Saskia, avec laquelle il se représente joyeusement,
lui en « fils prodigue », elle
en servante sur ses genoux. Elle meurt après avoir accouché de Titus, leur seul
enfant qui ait atteint l’âge adulte.
Sa dernière jeune concubine Hendriddrickje Stoffels avec laquelle il aura une fille, disparait
également avant lui. Celle-ci avait été représentée en « Bethsabée au bain » une lettre à la
main annonçant peut être la mort de son mari éloigné par David qui était tombé
amoureux d’elle. Et c’est peut être Titus qui dans « la fiancée juive » appuie amoureusement sa main sur le
ventre de la promise.
Rembrandt persiste dans la manière sombre avec ses « Pélerins d’Emmaüs »,
ignorant la mode qui a évolué vers des jeux de valeurs plus raffinés, des
touches plus lisses.
Son Christ dans « La descente de croix », pauvre
chose, est mort en homme et non en Apollon. La condition humaine est misérable
mais digne. Dans « Le reniement de
Saint Pierre » travaillé en pleine pâte, la gestuelle est essentielle,
la servante tient la chandelle.
A côté de son « bœuf
écorché », morceau de peinture pure, apparait le visage d’une jeune
femme : la fin est inéluctable bien que tout puissant fut l’animal. Soutine
et Bacon ont vu la bête.
Van Gogh écrit:
« Les portraits peints
par Rembrandt… c’est plus que la nature, ça tient de la révélation. »
Cette dimension personnelle apportée à la quête d’une
peinture allant à l’essentiel, au-delà de la représentation, a traversé les
siècles.
« Un tableau est
terminé lorsque le peintre a réalisé son intention » disait-il.
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