Sous son nouveau titre qui semble s’excuser, la conviction
des jeunes acteurs apporte une fraîcheur bienvenue pour traiter des intentions
ambitieuses de l’auteur Ronan Chéneau.
Le départ n’est pour tout dire pas très « flamme »
pour représenter l’immolation d’un couple qui s’asperge d’un jerrican d’essence,
et certaines séquences tiennent plus de la conférence gesticulée que du théâtre,
mais la sincérité l’emporte.
Les questions soulevées sont essentielles et s’attaquent de
front rien moins qu’au sens de la vie. Ces enfants gâtés, nos enfants, sont si
fragiles : ils veulent à la fois être protégés et pas protégés, aspirant
au confort mais étouffant dans leurs canapés, ne voulant pas du profit, mais
voulant profiter : « On va pas
refaire le monde, il se fait tout seul ».
Avoir des envies de New York, abuser des technologies de la
communication et gémir d’en être esclave, culpabiliser à cause du Rwanda et
manger du radis noir, critiquer Platon et regretter « La Bohème » aznavourienne :
la litanie sans hiérarchie pèse un peu sur l’estomac. Mais c’est bien le
problème des petits malheurs qui font les grandes détresses, quand la haine de
soi s’habille des oripeaux de l’homme araignée. On proclame son amour du monde
entier, mais on chie sur ses proches. Par moment j’aurais eu envie de dire
« Si Ikea vous pèse tant que ça, essayez Roche Bobois ! » mais
cette ironie qui nous a menés jusqu’ici, a participé au désenchantement de ce
monde que notre génération accrochée au pouvoir laisse à ses héritiers. Génération
qui s’éreinte et qui s’étreint, se ponctuant de « c’est
bon ! » pour couper court à
toute discussion.
Quand le RSA, mesure de solidarité, parait humiliant, et que
l’accès à des études supérieures devient un motif dépressif, que peut-on face à
des telles confusions ? Je savais
des suicides à France Télécoms, chez les policiers, les profs, les paysans mais
il y en a chez les médecins :
allo ! à qui se fier ?
Nous, parents choupinous, retombons souvent en adolescence
que certains n’ont pas quittée, et pouvons
trouver les petits derniers, passifs, geignards, mais les rides nous fendent à
tout âge, nous qui savons oublier nos conditions derrière des nuages, des musiques,
des verres et des peaux, des mots. Sublimes et dérisoires.
A rester dans le domaine de la variété, Chédid nous
console :
« T'as beau pas
être beau, oh, oh, oh, oh
Monde cinglé, hé, hé, hé, hé,
J't'ai dans la peau, oh, oh, oh, oh »
Monde cinglé, hé, hé, hé, hé,
J't'ai dans la peau, oh, oh, oh, oh »
Un café au matin vaut
bien un atterrissage sur « cette terre si jolie » comme disait
l’enfantin Prévert, même pour ceux qui ont collé maladroitement deux ailes à
leurs désirs.
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