réalisée par les auteurs d’ « Algues vertes » qui avaient
déjà mis en lumière, au-delà du scandale écologique, une puissante omerta
bretonne.
Avec cet album documenté il s’agit plutôt du récit d’une
histoire ancienne vue comme un « démembrement » accompagnant une
mutation des campagnes sous le nom officiel de « remembrement ».
Les témoignages recueillis apportent, par leur variété, des
nuances à la nostalgie d’une campagne de chemin creux peuplée de chants
d’oiseaux. Qui vivrait aujourd’hui avec des parcelles où il faut sans cesse
faire demi-tour avec la charrue, où l’hiver les sentiers sont impraticables ?
Pour évoquer la complexité des enjeux, le choix de retenir
les remords d’Edgard Pisani, acteur majeur de la modernisation des campagnes, me
semble judicieux, comme le revirement de l’ingénieur agronome René Dumont,
premier candidat écologiste en 1974 qui disait après guerre :
« Pour produire
le maximum, il faut disposer de grandes quantités d’engrais ; de variétés
de plantes et d’animaux perfectionnés ; de ressources en énergie
surabondantes actionnant de puissantes machines. »
Retrouver François Mitterrand en ministre de l’intérieur, ne
manque pas de sel, lorsqu’il justifie le maintien des CRS pendant deux ans et
demi dans un village breton refusant des tracés bureaucratiques, l’arrachage
des arbres, s’élevant contre les accapareurs …
« L’administration
s’est heurtée à l’opposition d’éléments peu soucieux de l’intérêt général ni
même de leur propre intérêt bien compris. »
La parole est donnée aussi à ceux qui ont travaillé au « génie
rural » ou dans les cabinets de géomètres, voire en tant que conducteurs de bulldozer. Ces
paysans présentés souvent comme conservateurs se sont adaptés au gré des
orientations dictées par des hauts fonctionnaires. La corporation organisée du
temps du régime de Vichy finalement pas si « tradi » que ça, a maintenu
un puissant pouvoir sous appellation syndicale et coopérative bien loin de
l’origine de ces mots fraternels.
La distance entre ville et campagne s’accentue.
Elle aurait pu être atténuée - facile à dire après
les batailles - si les échanges de parcelles s’étaient faits à l’amiable entre
voisins responsables.
Je crains que l’aversion envers les agents arracheurs de haies soit la même que celle qui s’exerce contre les personnels
de l’Office français de la biodiversité prônant le replantage des haies.