vendredi 30 septembre 2011

Après la démocratie. Emmanuel Todd.

Les livres politiques vieillissent mal en général. Celui-ci prouve le contraire : écrit en 2008 et réédité depuis, il est d’une acuité remarquable sur des phénomènes datant de ces années d’entrée en Sarkosie. Prémonitoire en ce qui concerne l’exacerbation des discours désignant des boucs émissaires, ou la faillite des élites, la crise démocratique ... 
La lecture est aisée d’une période qui débute avec le franchissement de F.O. Giesbert du Nouvel Obs au Figaro marquant la fin de l’âge idéologique jusqu’aux nouvelles stratifications sociales qui voient les classes moyennes s’appauvrir et les classes supérieures déboussolées. Bien que le titre paraisse anodin, venant à la suite de « La fin de l’empire » (américain), ces 300 pages sont décapantes.
Je ne saurai suivre le démographe aussi radicalement dans son protectionnisme à l’échelle européenne, mais je recommanderai volontiers ce livre dont il a été beaucoup question au forum de Libé d’octobre 2010.
Si l’alphabétisation est consubstantielle à l’avènement de la démocratie elle:  
« permet l’affirmation de l’individu, que la lecture rend plus autocentré, capable d’introspection et vulnérable à une anxiété d’un type nouveau. » 
« L’alphabétisation de masse, achevée chez les jeunes en Chine, mais qui s’accélère en Inde, explique la chute de la fécondité qui s’affirme dans les deux pays, et l’augmentation du niveau d’efficacité économique de leurs population, indépendamment de l’ouverture aux échanges »
Sarkozy : « parce qu’il a réussi à se faire élire en incarnant et en flattant ce qu‘il y a de pire autour de nous, en nous, il oblige à regarder la réalité en face »
Une fois le mur de Berlin soufflé, le capitalisme a perdu quelques raisons de mettre un peu de social dans son ivresse du gain immédiat. Mais le petit fils de Nizan va contre le déclinisme et le pessimisme, avec vigueur, et rappelle l’équilibre démographique de la France, son système de santé performant, ses valeurs égalitaires toujours actives. 
Il analyse le vide laissé par la religion catholique qui a entrainé aussi le désarroi de ses contempteurs et nous convie à épargner l’Islam, mais aussi à affronter la question chinoise.  
« Nous avons atteint le stade berlusconien d’une France d’en haut qui prétend être d’en bas, le populisme au pouvoir : les gouvernants tentent de justifier leur complaisance avec les riches par la médiocrité de leur éducation… »
Depuis longtemps, il dénonce les dégâts du libéralisme. Ses projections dans l’avenir sont provocantes, mettant en garde contre une république ethnique qui s’installerait si l’on n’y prenait garde avec la disparition du suffrage universel… L’exprimer ainsi relève de la provocation mais n’est ce pas déjà le cas au niveau de l’Europe où se forgent bien des lois ?
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Dans "Le Canard"

jeudi 29 septembre 2011

Exposition au parking.

Les peintres amateurs sont souvent condamnés aux galeries couloirs, aux salles étriquées ; c’était une bonne idée de proposer un accrochage dans un parking qui plus est celui du musée de Grenoble.
Le cadre convient bien à Bruno Lebayle et ses rues luisantes de pluie, la nuit sous les phares.
Ainsi qu’à Marina Duhamel-Hertz qui détourne gentiment des panneaux de signalisation.
Et pourquoi pas les beautés callipyges d’Agnès Jeannot ?
Je n’ai pas remarqué de sculptures de Mauricette Kuhn dont j’avais acquis une pépette mais quelques une de ses peintures enfantines sont là, et j’ai retrouvé aussi mon chouchou Joël Bressand dont j’aime les sobres bidons transformés en masques, ne se prenant pas la tête, dont l’un d’eux figure désormais parmi mes masques africains, avec un bon sourire.
Douze artistes de l’association « les enfants de la Joconde » occupaient pendant un weekend une travée du parking tenu par Vinci,
cette initiative s’intitulait « Cool’ heures ».

mercredi 28 septembre 2011

San Sébastian et Bilbao en vitesse.

Sur la route vers Toulouse puis Tarbes le thermomètre n’affiche pas des températures très encourageantes. Nous choisissons une aire d’autoroute près de Pau, celle qui se reconnaît à la sculpture de cyclistes pas loin des lieux légendaires du Tour de France. Mais nous ne nous éternisons pas dans ce lieu aux brumisateurs sans doute très appréciables les jours de beau temps. Nous arrivons à San Sébastian ville cossue aux airs de Biarritz. Nous trouvons, par une route escarpée, notre hôtel 2 étoiles situé au milieu d’un parc qui surplombe l’océan. Nous déposons nos bagages et repartons aussitôt pour Bilbao à une centaine de km par autoroute pour visiter le Guggenheim muséo. La ville modèle de rénovation urbaine est étendue, nous longeons la rivière, sûrs d’après nos souvenirs qu’elle nous conduira vers le musée. Nous l’apercevons et nous nous garons sur le quai. Nous traversons la ria sur un élégant pont piétonnier et longeons les quais jusqu’au fantastique bâtiment monumental de Franck Ghery vu nulle part ailleurs. Les abords soignés et agréables ont changé depuis notre dernier passage et l’ensemble nous impressionne encore plus. Les plaques de métal qui recouvrent le musée des années 90 changent de couleur et de brillance en fonction du ciel ensoleillé ou nuageux. Nous le contournons et entrons pour une visite d’une heure quarante cinq environ. Les séniors bénéficient d’un demi- tarif, tout le monde dispose d’un audio guide compris dans le prix (13€ tarif plein). L’architecture intérieure est tout aussi admirable que l’extérieur, avec du blanc, du verre inséré dans des armatures métalliques délirantes, où des carreaux ocre s’encastrent et s’harmonisent.
Nous commençons par le rez de chaussée où nous retrouvons une sculpture gigantesque de Richard Serra, faisant partie de la collection permanente, intitulée « Matière du temps » et je l’apprécie beaucoup plus cette fois. Une des particularités du musée est de pouvoir découvrir les œuvres sous plusieurs angles où elles délivrent toute leur puissance. Ainsi nous surplombons les méandres des parois d’acier entre lesquelles nous cheminions juste avant. John Bock nous propose «Palms» : une voiture américaine décapotable dégueule des tentacules rouges. Nous avons le temps aussi de nous interroger devant des peintures regroupées sous le titre de l’abstraction picturale de 1949 à 1969 : Rothko, Pollock, Dubuffet, De Kooning, Hartung, Klein… Nous apercevons un peu plus tard des installations qui font parler :
- une tente avec un amas de fourrures comme trophées où trône une table maculée de vin qui goutte de bouteilles suspendues par des ficelles et entourées de bandes de la fourrure.
- des armoires anatomiques avec squelettes et dissections, et des suspensions d’Annette Messager.
- un bas relief avec un personnage qui laisse échapper une crotte longiligne jusqu’au sol…
Mais nous devons quitter les lieux sous l’injonction bienveillante et courtoise des gardiennes, patientes jusqu’à 20h pile, heure de fermeture du musée. Nous sortons à regret et passons sur un autre pont métallique et coloré pour admirer l'édifice sous un autre angle. Nous nous attardons près du bassin et dans le jardin  pour mesurer la taille et l’élégance d’une « Mama », araignée géante en bronze de Louise Bourgeois. Des tulipes géantes s’abritent sur une terrasse  et des boules brillantes échafaudées les unes sur les autres se reflètent en petites bulles surprenantes et multiples au milieu de l’eau. Face à la mer nous trouvons un restaurant au dessus de San Sébastian qui nous sert presque à 23h : assiette de beignets aux crevettes, au fromage, avec des crèmes ou baccalhau et cerbeza.

mardi 27 septembre 2011

Pyongyang. Guy Delisle

Avant des « Chroniques birmanes » remarquables où le dessinateur canadien suivait sa femme travaillant dans une ONG, il avait connu la Corée du Nord où il supervisait des dessinateurs de films d’animation. D’une dictature l’autre, avec pour celle-ci vue en 2003, les années qui n’ont pas adouci cette terrible tyrannie, les conditions infernales s’aggravent. Libération rapportait récemment que 200 000 personnes seraient emprisonnées dans un « goulag caché » : « Les détenus assistent aux exécutions de leurs compagnons, survivent en mangeant des rats, des graines retrouvées dans les excréments d’animaux ou encore des vers de terre ».
Le mérite de cette BD de 150 pages éditée par l’Association est de nous informer sur la banalité de l'oppression, l’ordinaire sinistre de la vie d’un occidental encadré par des guides omniprésents.
Son humour léger nous fait croire encore à la capacité de certains d’être libres dans un tombeau.
Le talent du conteur est de nous rendre intéressante une vie d’ennui, de solitude. Malgré un encadrement extrême, il sait nous révéler toute l’absurdité du régime. On a beau savoir l’omniprésence du grand Leader, je n’imaginais pas à quel point le système a broyé les coréens avec une propagande s’insinuant dans le moindre interstice de la vie quotidienne. L’auteur avait emmené « 1984 »d’Orwell, ce livre majeur ne peut être lu comme de la science fiction.

lundi 26 septembre 2011

La grotte des rêves perdus. Werner Herzog.

Dans la grotte Chauvet du côté de Vallon Pont d’Arc, il y a 36 000 ans des hommes ont tracé des dessins d’animaux à la lueur de flammes vacillantes. Le charbon tombé des torches mouchées contre les parois est encore là, mais défense d’y toucher. Les caméras n’ont été acceptées qu’un laps de temps très court, avant l’interdiction définitive. Alors ces images deviennent indispensables. 
La technique la plus innovante, la 3D, nous fait rencontrer ces transcriptions premières pendant une heure trente sans l’ennui qu’on pourrait craindre quand il est question de regarder longuement des peintures rupestres. 
Le tracé est très sûr et utilise parfois les fantaisies de la roche ; les animaux aux pattes multiples semblent s’animer sous les projecteurs. 
Si l’on a pu voir Fred Aster dont l’ombre dansait, Picasso nous vient à l’esprit tant ces représentations les plus anciennes rencontrent celui qui personnifie encore la modernité. 
Je n’ai pas perçu d’originalité particulière avec Herzog, réalisateur fameux, dont le documentaire nous transmet des images inédites sans encombre. Il nous fait entrevoir d’autres rapports au monde de la part de nos ancêtres sous un titre à la poésie pourtant un peu usée. Dans l’excitation de nos journées, savoir qu’un dessin a pu être modifié 5000 ans après son premier tracé donne le vertige, et ces empreintes de pas d’un enfant à côté de celle d’un loup étaient elles contemporaines ?

samedi 24 septembre 2011

Purge. Sofie Oksanen.

Est-ce ainsi que les Estoniennes vivent ?
De la même façon que Gomorra ne dit pas tout de l’Italie, ces 400 pages ne constituent pas un dépliant touristique pour qui dirigerait ses pas vers les rives de la mer baltique. Mais le propos va bien au-delà des frontières d’un pays malmené par de puissants voisins.
Le style est sensuel et les senteurs persistantes, la nature présente. La jeune auteure finnoise punky percute. La description d’une mouche narquoise en entrée m’a séduit et pourtant j’ai repris avec réticence le fil du récit car l’atmosphère glauque est angoissante.
Bien prendre connaissance en début de chapitre des dates mentionnées sinon des confusions peuvent naître entre toutes ces personnes traquées. Le découpage est très cinématographique et ces retours dans le temps soulignent la permanence des fatalités qui s’abattent essentiellement sur les femmes. Les hommes sont dans le cagibi.
Les embarras de l’Histoire : collaboration, dénonciation, croisent les histoires intimes entre les années 50 et 90 : amours cachés, jalousie et secret avec la peur toujours, et la honte.  
« Elle avait attendu quelqu’un, exactement comme elle avait attendu alors dans cette cave où elle s’était rétrécie en souris dans un coin de la pièce, en mouche dans la lampe. Et une fois sortie de cette cave, elle avait attendu quelqu’un. Quelqu’un qui ferait quelque chose qui l’aiderait ou qui enlèverait au moins une partie de ce qui s’était passé dans cette cave. Qui lui caresserait les cheveux et qui dirait : « Ce n’était pas ta faute. ». Et qui dirait encore : « Plus jamais. ». Qui promettrait que « plus jamais », quoi qu’il arrive. »

vendredi 23 septembre 2011

Merci DSK et " bye bye".

Les évènements vont très vite et un article commencé il y a quelques semaines peut apparaître aujourd’hui comme mouchillon dans la nuée s’écrasant sur le pare brise d’une ambulance.
Mais quand même la Porsche n’est pas si lointaine. Alors dans le flot bipolaire des déçus des hommes politiques en leurs ébats, je persiste à aimer la politique en ses débats.  
« Gauche caviar ! » je m’étais accommodé du terme, et j’appréciais même en des temps plus évidents, cette rencontre qui devait assurer un large succès à la dite gauche dans une harmonie qui aurait vu carpes et lapins unis… quoique les lapins aient la réputation d’être chauds et ne prisent donc pas trop l’écaille. Bouffons. Les masques sont tombés : c’est tout un système qui baisse le pantalon.
Celui qui était présenté comme le seul recours possible, bien que tellement silencieux alors, pour lequel j’allais voter, était ainsi cousu d’or, dans les mains d’agence de com’, pourtant tellement maladroites.
Quand Jack Lang vient en remettre une couche sur le théâtre de dimanche soir après DSK sur TF1, personne ne lui a dit qu’il était contre productif. Il a été question de « faute morale »: « fausse morale » aurait tout aussi bien convenu.
Un écrivain au secours pour clore : Robert Menasse auteur de Don juan de la Manche : « Tout dépend, premièrement, si la génération politique qui viendra après Sarkozy, Merkel et Cameron comprend pourquoi on brûle des voitures dans les métropoles européennes, et deuxièmement, n’est pas assez stupide pour croire que la «défense des intérêts nationaux» peut résoudre les problèmes d’une Europe postnationale. » 
  Bourgi, Takieddine, Djouri, Bazire, Gaubert : pas ravis d’avoir fait leur connaissance que déjà on s’en lasse dans la chronique d’une fin de règne où Sarkozy, Guéant, Balladur suivent Chirac et Villepin dans le déshonneur de la politique, de la France. Et Guérini.
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Dans « Le Canard »