Ce livre auquel font référence nombre d’auteurs est
effectivement remarquable, bien que je me sente tout petit et bien peu habilité à
émettre un avis, serait-il dithyrambique.
Au moment où ceux qui regardent vers
le passé multiplient les leçons à postériori, ces écrits de 1940 éclairent
notre siècle.
Je m’attendais à un ouvrage théorique: il est limpide,
vivant, les écrits de l’historien, subtils, nuancés, sont fortifiés par
l’engagement du capitaine chargé du ravitaillement des troupes en carburant au
moment de la débâcle.
« Peut-être
serait-ce un bienfait, pour un vieux peuple, de savoir plus facilement
oublier : car le souvenir brouille parfois l'image du présent et l'homme,
avant tout, a besoin de s'adapter au neuf. »
Ayant payé de sa vie ses engagements, il a assuré ses
responsabilités. Instruit par son expérience de la guerre précédente, il ne se
contente pas de désigner les fautifs mais trace des perspectives de réformes en
tous domaines, tout en apprenant de l’adversaire :
« Ils croyaient à
l’action et à l’imprévu.Nous avions donné
notre foi à l’immobilité et au déjà fait. »
Il y a bien sûr, enchâssée dans ces 325 pages, sa célèbre
citation qui dit bien son amour de la patrie, colonne vertébrale de son
engagement, où les sentiments rencontrent l’exigence intellectuelle et
morale.
« Il est deux
catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France :
ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans
émotion le récit de la Fête de la Fédération. »
Un avant propos de Georges Altman extrait d’une édition
précédente est à la hauteur des promesses tenues dans les premières lignes de
Marc Bloch :
« Voyez comme il explique le désordre, la
peur, l’ambition, le courage, avec quelle sereine hardiesse cet homme qui fait
partie d’une aristocratie bourgeoise n’hésite pas à retrouver spontanément dans
le petit peuple de France les constances de liberté, d’humanité, de
dignité. »
« Un jour viendra, tôt ou
tard, j’en ai la ferme espérance, où la France verra de nouveau s’épanouir, sur
son vieux sol béni déjà de tant de moissons, la liberté de pensée et de
jugement. Alors les dossiers cachés s’ouvriront ; les brumes, qu’autour du
plus atroce effondrement de notre histoire commencent, dès maintenant, à
accumuler tantôt l’ignorance et tantôt la mauvaise foi, se lèveront peu à
peu ; et, peut-être les chercheurs occupés à les percer trouveront-ils
quelque profit à feuilleter, s’ils le savent découvrir, ce procès-verbal de
l’an 1940. »
Une très belle prose, une langue charnelle qui se tient, et tient. Et voilà ce qui nous manque...
RépondreSupprimerÇa fait trop longtemps maintenant que ce qui nous tenait ne nous tient plus. Ce matin je pensais que de sa conception, jusqu'à sa mort, l'Homme doit être tenu. Dans la matrice, dans bras, dans le temps, le calendrier. Un être qui a besoin d'être tenu.
Il n'y a pas de honte à cela. Nous sommes si fragiles...
Là, où il y a honte, c'est de ne pas l'accepter, de se révolter contre.