jeudi 13 mai 2021

L’étrange défaite. Marc Bloch.

Ce livre auquel font référence nombre d’auteurs est effectivement remarquable, bien que je me sente tout petit et bien peu habilité à émettre un avis, serait-il dithyrambique. 
Au moment où ceux qui regardent vers le passé multiplient les leçons à postériori, ces écrits de 1940 éclairent notre siècle.
Je m’attendais à un ouvrage théorique: il est limpide, vivant, les écrits de l’historien, subtils, nuancés, sont fortifiés par l’engagement du capitaine chargé du ravitaillement des troupes en carburant au moment de la débâcle. 
« Peut-être serait-ce un bienfait, pour un vieux peuple, de savoir plus facilement oublier : car le souvenir brouille parfois l'image du présent et l'homme, avant tout, a besoin de s'adapter au neuf. » 
Ayant payé de sa vie ses engagements, il a assuré ses responsabilités. Instruit par son expérience de la guerre précédente, il ne se contente pas de désigner les fautifs mais trace des perspectives de réformes en tous domaines, tout en apprenant de l’adversaire : 
« Ils croyaient à l’action et à l’imprévu.Nous avions donné notre foi à l’immobilité et au déjà fait. »
Il y a bien sûr, enchâssée dans ces 325 pages, sa célèbre citation qui dit bien son amour de la patrie, colonne vertébrale de son engagement, où les sentiments rencontrent l’exigence intellectuelle et morale. 
« Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la Fête de la Fédération. » 
Un avant propos de Georges Altman extrait d’une édition précédente est à la hauteur des promesses tenues dans les premières lignes de Marc Bloch :  
« Voyez comme il explique le désordre, la peur, l’ambition, le courage, avec quelle sereine hardiesse cet homme qui fait partie d’une aristocratie bourgeoise n’hésite pas à retrouver spontanément dans le petit peuple de France les constances de liberté, d’humanité, de dignité. » 
« Un jour viendra, tôt ou tard, j’en ai la ferme espérance, où la France verra de nouveau s’épanouir, sur son vieux sol béni déjà de tant de moissons, la liberté de pensée et de jugement. Alors les dossiers cachés s’ouvriront ; les brumes, qu’autour du plus atroce effondrement de notre histoire commencent, dès maintenant, à accumuler tantôt l’ignorance et tantôt la mauvaise foi, se lèveront peu à peu ; et, peut-être les chercheurs occupés à les percer trouveront-ils quelque profit à feuilleter, s’ils le savent découvrir, ce procès-verbal de l’an 1940. »

 

1 commentaire:

  1. Une très belle prose, une langue charnelle qui se tient, et tient. Et voilà ce qui nous manque...
    Ça fait trop longtemps maintenant que ce qui nous tenait ne nous tient plus. Ce matin je pensais que de sa conception, jusqu'à sa mort, l'Homme doit être tenu. Dans la matrice, dans bras, dans le temps, le calendrier. Un être qui a besoin d'être tenu.
    Il n'y a pas de honte à cela. Nous sommes si fragiles...
    Là, où il y a honte, c'est de ne pas l'accepter, de se révolter contre.

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