samedi 18 novembre 2023

La péremption. Nicolas Fargues.

Ne pas se fier à la quatrième de couverture :  
« Assignée femme » 
mais plutôt à la première phrase du livre de 190 pages écrit par un écrivain, se mettant dans la peau d’une femme, alors que les écrivaines ne manquent pas : 
« Ce qui a de bien avec vous, Madame, c’est que vous donnez envie d’être vieille ». 
Elle vient de prendre sa retraite de prof d’art plastique à 50 ans et si son écriture est pleine de verve, de lucidité désabusée, elle se refuse à intervenir tant auprès de ses élèves, de son fils, de ses ex, de sa mère, de son frère, de son nouvel amant qui la conduira au bord du lac Kivu au Congo.
Sa grande tolérance alimente tant de renoncements, se laissant si facilement prendre par « des ivresses sans fondement. » 
L’indifférence maquillée en bienveillance me semble dans cet air du temps bobo dont je connais la délicatesse bien que son hypocrisie agace. 
«  Une raison de vivre, cela peut se délaisser pour mieux que ça : se laisser vivre. » 
Le vieillissement devient pathétique lorsqu’il s’accroche aux modes tout en sachant leur vanité. 
« Il y a pire que notre splendeur d’antan qui pique l’égo : les éloges qui blessent. » 
J’ai aimé quelques nuances grammaticales signifiantes : 
« Qu’est ce qui t’a prise ? ça ne te va pas du tout. »
« Mais que te prend-il ? » 
La mise à distance épargne les grandes douleurs et la lucidité, l’ironie font des bonheurs de lecture, nous donnant l’impression de ne pas être dupe, d’être un malin nous aussi :  
« Tu penses à cette phrase de Robert-Louis Stevenson, tellement citée et tellement reprise pour justifier tout et n’importe quoi qu’elle a fini par s’apparenter à un bibelot de boutique pour touristes : «  L’important, ce n’est pas la destination, c’est le voyage. » Avec tes mots à toi, cela reviendrait à prétendre qu’à défaut d’un avenir, tu es en train de te fabriquer de beaux souvenirs. »

2 commentaires:

  1. J'ai eu cette confrontation/discussion avec un ami cette semaine : intervenir, ou pas intervenir ? Moi, je choisis d'intervenir. Avec respect, avec tact, si possible, en laissant de la liberté à l'autre d'accepter ou refuser ce que je... suggère, ce pourquoi je plaide, dans certains cas. Il me semble qu'arriver au point où je suis maintenant, et ce n'est pas à l'âge de 50 ans..., j'ai une certaine expérience, sans estimer que je suis parfaite, loin de là. Mais si je vois la souffrance autour de moi, et que je peux dire un mot pour indiquer une direction, (ou réconforter) cela me semble préférable à rester en arrière et ne rien dire, par esprit de "tolérance". De toute façon, je ne supporte pas ce mot maintenant, sachant que le rôle des mots est de RENDRE PRESENT CE QUI EST ABSENT. Logiquement, ça veut dire que plus on recourt au mot "tolérance", plus... la tolérance est absente de nos vies... Une longue expérience m'amène à me méfier des mots, qui sont.... beaucoup dans nos vies, et qui nous assujettissent bien comme il faut, sans espoir de nous défaire de cet assujettissement, d'ailleurs. Ce matin, en me réveillant je me suis dit que ce qui nous est demandé dans la vie, c'est de durer avec dignité jusqu'à la fin, en essayant de préserver et de transmettre ce qui rend la vie digne, supportable, et humaine. C'est déjà beaucoup comme projet minimaliste...
    "Le vieillissement devient pathétique quand il s'accroche aux modes tout en sachant leur vanité." Une pensée pour Cadmos et Tirésias dans "Les Bacchantes" d'Euripides qui traite précisément de ce sujet... vieux comme le monde. Pourquoi ce besoin si frénétique de tourner la page pour avoir... du nouveau, encore et toujours, du nouveau, besoin qui saisit si douloureusement... les vieux ?

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  2. Je récidive ici. Je sais que l'argumentation, la rhétorique font objet de méfiance, maintenant, mais j'aime bien les arguments des fois. Il me semble qu'il en faut, parfois, même si nous sommes fragiles devant les arguments qui sont... des mots. (Mais... que sont les mots ? Le sait-on ?) J'ai réalisé que quoi qu'on fasse, on ne coupera pas à influencer et à être influencé. On ne restera pas dans nos petites bulles d'AUTO suffisance. Les autres... nous regardent pour voir comment on se dépatouille dans la vie, même s'ils ne savent même pas qu'ils sont en train de se laisser influencés. Et nous, de même. Alors, reste à essayer d'assumer un peu cela, et pas le fuir. Savoir qu'on influence, et qu'on se laisse influencé, qu'on ne peut pas faire autrement, et peut-être, aiguiser nos regards pour voir comment on influence, ou se laisse influencé. Devenir... expérimenté au lieu de vouloir fermer les yeux sur tout ça ? Assumer notre expérience de "vieux" et la mettre au service des plus jeunes, par exemple ? Pourquoi pas ? Ce serait péter plus haut que son cul que de reconnaître qu'on ne rattrape pas les générations précédentes dans la course, et qu'il n'y a pas de symétrie entre les générations (ni non plus, les sexes...) ? On est tous.. égaux ? les mêmes ? On DEVRAIT tous être... les mêmes ?? Très peu pour moi.

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