samedi 4 novembre 2023

Quel est donc ton tourment ? Sigrid Nunez.

Présenté comme la plénitude de l’amour du prochain d’après Simone Weil, le mot « tourment » revient avec la comptine : 
« Ah ! Vous dirai-je, maman,
Ce qui cause mon tourment. » 
L’expression frôle la désuétude littéraire, à l’opposé des « questata ? »
De littérature, il est question, sans surplomb, ni abus de références, mais comme tentative de dire l’indicible : la narratrice accompagne sa copine dans sa dernière ligne droite. 
« Ce qui attire le lecteur d’un roman, c’est l’espérance de réchauffer sa vie transie à la flamme d’une mort dont il lit le récit, a dit Walter Benjamin. » 
L’humour n’en prend que plus de vigueur : 
« Dieu est Mort – Nietzsche ; 
Nietzsche est mort - Dieu »
quand devant l’évidence :  
« L’enfer c’est pour les autres »
 Le monde devient plus beau au moment où se pointe la nuit : 
« L’heure dorée, l’heure magique, l’heure bleue 1 (en français dans le texte traduit de l'anglais) ».
Difficile de s’en sortir :« Tous ces livres sur l’atrocité de la vie moderne, dit-elle, dont une grande partie est brillante, je sais,  je sais, tu n’as pas besoin de me le dire. Mais je n’ai pas envie d’en lire davantage sur le narcissisme et l’aliénation, la futilité des relations entre les sexes. » 
Et le vieil instit ne peut être que ravi : 
«..  le fait que quelqu’un veuille m’apprendre des choses, qu’on s’intéresse à ma calligraphie, à mes bonhommes bâton, aux rimes de mes poèmes. C’était de l’amour […] et cet amour signifiait plus à mes yeux que l’amour de mes parents, car mes parents exagéraient la moindre chose positive… »
« … pour moi le seul lieu sacré était l’école, l’endroit de l’espoir, de la gratitude et de la joie. » 
250 pages d’une richesse qui n’a pas besoin de se faire reluire, honorent le titre par le récit de tant d’autres vies croisées :
« Elle n’aimait pas se souvenir qu’elle avait été jeune, disait-elle ; elle ne s’en sentait que plus vieille. »

1 commentaire:

  1. Maintenant je me dis que la transmission est une affaire de personnes, et non pas d'institutions. Si on se souvient que la famille est bel et bien une institution, cela permet d'avoir une autre idée sur ce dont il est question. Les institutions peuvent bien ou mal offrir un cadre où la rencontre peut avoir lieu, mais c'est tout. Elles ne garantissent rien.
    Dans ma vie, j'ai rencontré des professeurs exceptionnels, dont certains ont passé des heures en tête à tête avec moi dans leurs bureaux (et oui, c'était une autre époque), et ces rencontres ont été aussi déterminantes dans ma vie, à leur manière que la rencontre avec... mes parents. Si. On a du mal à le croire, mais c'est vrai.
    Un enfant... n'appartient à personne. Pas à lui-même, pas à ses parents, pas à l'institution scolaire, à ses professeurs, mais pas non plus à la société. Un enfant... n'appartient pas, comme chacun de nous, adulte ou enfant, ne s'épanouit pas dans le champ de la propriété. Credo. Il y a des champs appropriés pour l'appartenance, mais... la vie est trop fluctuante pour rester figée dans des champs...

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