Quand je retombe sur des conneries que j’ai pu proférer du
temps de ma jeunesse forcément péremptoire, je devrais avoir appris à modérer
mes propos de papyboomer sans m’empêcher de relativiser les impératifs des bébés
rois que nous avons fabriqués.
Dans mes revirements et autres affaissements idéologiques,
je garde le goût du paradoxe et un taquin esprit de contradiction.
« Jadis, si je me
souviens bien, ma vie était un festin
où s’ouvraient tous les cœurs, où tous les
vins coulaient.
Un soir, j’ai assis la
Beauté sur mes genoux.
- Et je l’ai
trouvée amère.
- Et je l’ai
injuriée. » Arthur Rimbaud
Pas plus qu’adepte du « jeunisme », je m’en
voudrais de mériter le mot « insoumis », galvaudé par de vieux
manouvriers soit disant bolivariens, aplatis devant les nouveaux Torquemada de
la woke culture des campus nord américains. Ne se contentant pas d’être de
distrayants aboyeurs alimentant la société du spectacle, les clowns haineux ont
théorisé la Terreur et ne manquent pas de complices pour miner un peu plus notre
République en exacerbant les passions mauvaises.
Si je ne suis pas seul à renier mes rêves de jeunesse, alimentant
sans discrétion un révisionnisme finalement banal, je suis la pente de tous les
renégats d’autant plus violents qu’ils ont tant aimés. Ségolène, je ne peux
plus la voir, alors qu’elle m’avait tapé dans l’œil.
Mon indulgence s’était usée en des arguties acrobatiques,
elle a viré en sévérité comme s’est abimé
le beau mot de fraternité ne s’appliquant plus qu’à des petits cercles loin de
« Si tous les
gars du monde
Devenaient de bons copains
Et marchaient la main dans la main
Le bonheur serait pour demain »
Crises climatiques, énergétiques, démographiques,
culturelles se déroulent à l’échelle mondiale, et les fracas des guerres
passent par-dessus les parapets de nos frontières.
« L’Ukraine est
entrée dans la nouvelle année comme dans une pièce sombre dont il est impossible
d’allumer les lumières. » The Observer.
Les pitres d’ici peuvent rendre les armes aux héros de là
bas.
Nous ne savons pas mesurer notre bonheur et ne voyons pas le
malheur des autres, sinon pour les enrôler dans le vaste camp des victimes en
tous genres.
Ce n’est pas faute d’être informés, ni de manquer de
lucidité ni d’humanité, mais nous sommes tellement entourés d’objets prodigieux,
que nos pensées, nos désirs deviennent de plus en plus magiques, oubliant la
pesanteur et toute contrainte budgétaire.
Notre univers numérique impose ses logiques et nous fait
tourner en bourrique, les kilomètres deviennent élastiques et les années
s’anéantissent.
Pauvre école qui fut si sûre d’elle qu’elle se calcifia. Les
fantômes des hussards noirs ne sont même plus mentionnés. Quand la rotondité de
la terre est remise en cause, que reste-t-il à ceux qui ont échappé à la
décapitation? La crise de foi n’a pas
touché que les curés et les transmissions sont brouillées ; le mot « enseignement »,
la position du « maître » ne se jouent plus que dans des fictions
numériques à connotations moyenâgeuses. Les piques contre le travail scolaire
ont érodé toute autorité, le couteau a remplacé le crayon.
- Allez Charlie dessine moi un stylo qui pleure.
- Je n’ai plus de papier, ma chandelle est morte.
La croyance en l’homme s’est muée en un discours benêt où
l’on fait mine de croire à ses mensonges. Les versions douces des trumpistes
n’en sont pas moins trompeuses ou dangereuses quand les défauts de l’âme humaine
ne peuvent être envisagés par ceux qui sont du camp du bien et veulent votre
bien malgré vous.
Arrêtez de manger de la viande, de rouler, de skier, de vous
baigner en maillot et accusez, le ciel, l’état, les autres…
« La plus belle
des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas »
Baudelaire
Très beau texte, Guy. Je crois partager presque ? sans réserve tout ce que tu écris dedans.
RépondreSupprimerJe te l'ai dit déjà, peut-être, mais je lis le roman historique "Claude le Dieu" de Robert Graves où l'auteur se met dans la peau de Claude, l'empereur de l'empire romain malgré lui, et sans ambition personnelle. Bien édifiant pour notre époque. Même sans Internet on retrouve l'âme humaine. A plusieurs reprises, Claude aimerait bien faire rétablir "la" république, mais... la probité, l'intégrité des "senate" (déclinaison ? je ne suis pas sûre...) n'est plus au rendez-vous. Quand vos vieux (aristocrates) sont viciés, "la" république n'a plus de sens, et plus d'avenir. Et attention, un ou deux pas viciés n'est pas assez pour assurer la relève ou... l'autorité.
L'empire arrive... comme une fatalité dans la république. Et avec une technologie qui permet à chaque citoyen.. souverain de faire sa propre publicité du matin au soir, quel avenir pour la chose.. COMMUNE (et pas publique... nous en avons assez de la publicité maintenant) ?