vendredi 11 novembre 2022

S’aimer.

Il est bien facile de se renseigner sur l'époque en constatant l’obsolescence de certains mots:
le terme « bienveillance » a remplacé « amour ! »
La locution reine des mondes enchantés a été dévaluée par un usage abusif dans tous les versets des églises et les refrains de chansons d’autrefois. Nous étions tellement niais en nos atours « Peace and love » ! 
La compassion et autre molle indulgence condescendantes et inégalitaires, s’affichent pourtant dans un environnement où les chaires sont devenues décoratives.
La verticalité n’est pas bien vue et ne doit plus apparaître comme telle : la transmission ne se sait plus, ne se fait plus, sinon entre pairs ; mais où aller pêcher les connaissances?
Le mot «  amour », le plus chaud dans l’échelle des sentiments, s’efface au détriment d' envahissantes icônes sucrées et rubicondes en forme de cœurs joufflus. 
Mais comment prétendre à un doux commerce avec nos semblables, sans s’aimer soi-même? Chaque attelage, en couple, en famille, en société, implique également la confiance en l’autre.
La reprise de telles évidences m’attriste car ce besoin de reformuler établit qu’elles ne sont plus incontestables au pays du chacun pour soi. 
Au-delà des passions nourricières de la littérature et des écrans, il s’agit de l’appétit de vivre en général, d’ardeur à la tâche. Quand des générations ont été biberonnées à « c’est nul !» difficile d'apprendre à célébrer le monde et ceux qui l’habitent. 
La méfiance règne à l’égard de nos ascendants, héritiers, conjoints, adjoints, nounous, profs, garagistes, dentistes, députés, présidents…
Et c’est toute une société qui se dénigre, se flagelle, se dévalue, si bien que j’ai dépassé mon incompréhension face à d'anciens élèves rétifs à bien des règles se pliant aux contraintes les plus archaïques de la religion avec encore plus de zèle que leurs pères.
Quand sont dépréciées les valeurs de notre société à longueur de journée, comment ne pas préférer un avenir exaltant de louanges, de lait et de miel, de simplicité et de rigueur ? Poutine a bien vu nos faiblesses et colonise l'Ukraine, applaudi par nos anciens colonisés d’Afrique, dont certains ne rêvent que de s’installer chez nous.
Il n’y a qu’à voir l’inflation du mot « courage » pour exprimer notre admiration envers les Ukrainiens ou les Iraniennes. Son emploi est inversement proportionnel à sa présence, ne serait ce que dans les conversations où l’outrance passe pour une mâle attitude, telle la torquemadame Rousseau en ses œuvres, alors que tant d’yeux se détournent tank ils peuvent des guerres et des crises. 
Juste pour offusquer mon correcteur automatique, la bravoure avait tellement déserté nos habitudes qu’une certaine dinde l’avait tourné en « bravitude ».
Notre langue se rabougrit au détriment d’une puissance US qu’on dit pourtant en repli : « maccarthysme » est devenu plus courant que chasse aux sorcières » et « le point Godwin » fait la loi plus volontiers que « diabolisation » au pays où le « wokisme » venu de la « French théorie » gagne du terrain. Si bien que lorsque des fachos se pointent  au pays qui les vit naître, on n’a plus qu’à lui accoler « post » par crainte de les savoir si près de nous et se dispenser de ne plus appeler un gatto, un chat.
Quelques lamentations à propos de la langue française, n’obligent pas au repli derrière nos illusoires montagnes. Piètre locuteur de la langue des Beatles, j’ai privilégié les anciennes terres coloniales lors de mes voyages en Afrique en particulier et j’ai alors cru à des connivences jusque dans un restaurant saint pétersbourgeois avec un serveur marocain.
Par ailleurs en européen convaincu, je ne peux que m’attrister des tensions franco-allemandes tout en me sentant plus en empathie avec une couturière bangladaise que pour un compatriote qui regrette la désindustrialisation de notre pays tout en ne voulant pas d’implantation d’usines qui empièteraient sur des terres agricoles dont il trouve pourtant ceux qui les exploitent bien bruyants.
 

1 commentaire:

  1. Je partage grandement tes observations. Pour le chacun pour soi... c'est étonnant de voir à quel point ça aboutit à une certaine uniformisation dans la manière de parler, de s'habiller, de penser, même. Comment se peut-il que quand chacun est "égoïste", tant de personnes se ressemblent ? Impressionnant, non ?
    Cela fait un certain temps que je me suis dit que la démocratie... n'est pas le pays de miel que nous avons imaginé.
    Nous vivons bien plus en démocratie que nous voulons le croire, d'ailleurs. Pour notre bonheur ?

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