L’écriture appelle pause et pose : s’arrêter un peu,
prendre soin des mots, se rappeler et faire le compte des oublis, tenter d’agripper une idée dans la
ribambelle des phrases comme un chat lance sa patte
aux poussières qui lui apparaissent dans un rayon de soleil.
Les fake news déféquées à longueur de journée sur nos écrans
corrompent notre fil d’actualité.
Les cravatés ou non, d’ici ou là, ont pu s’offusquer du
hoquet d’un député : « qu’il
retourne en Afrique ! » avec lequel ils avaient voté juste avant.
Ces extrêmes portent en leur sein
blackblocks et skins qui les servent par leur radicalité abuzante.
Alors que les discussions sont atones dans le domaine
culturel, le pass culture étant passé par
exemple à l’as dans les commentaires, il se trouve que débordant des rubriques
de fin de magazines, des avant-gardes rebelles ont mêlé récemment politique et
artistique.
Pour parler de la soupe sur des tableaux puisque c’est fait
pour en parler, certains modes d’action des causes les plus nobles en adoptant
les codes publicitaires de la société desservent leur combat.
En salopant des œuvres emblématiques de notre civilisation
sans aller jusqu’à détruire comme les talibans l’ont fait avec les Bouddhas de
Bâmiyân, ils ont fait preuve du même fanatisme né de la conviction d’avoir
raison. Ces "éco-terroristes" ont commis un sacrilège contre lequel les
scrupuleux vigiles en matière de religion ne se sont guère exprimés. En
opposant la vie, la survie, l’urgence climatique à l’art, nature contre culture,
les collées aux couleurs de cheveux bien peu naturelles font peine. Elles
entrent en contradiction avec tant de cultureux qui mettent du vert à toutes
leurs interventions théâtrales ou plastiques. Ceux-ci ont souvent abandonné la
mise en scène de la complexité en remplaçant les dialogues par des prêches. Et
les héritiers de Duchamp ont eux depuis longtemps remisé la recherche du beau
pour des carrières de pédagogues sans élèves, avec cependant essentiellement le
public captif des lycées et collèges amené devant leurs vidéos.
Quand ils ne souillent pas de leurs aérosols les murs de nos
villes, ils s’adossent très fréquemment au passé, témoignant d’un désarroi
présent. A lire leurs intentions dans les biennales, l’accumulation de formulations
stéréotypées expriment une vacuité qui inquiète tout autant que le
réchauffement climatique. Pour reprendre des formules éculées :
« quelle planète laissons-nous à nos enfants ? » il y a de quoi
s’inquiéter en ne sachant plus reconnaitre les enfants que nous avons déjà laissés à
la planète. Ils sont aussi cucul que nous à leur âge, contre la guerre, la pauvreté, le patriarcat, le
colonialisme… en aurait-on oublié ? Ah oui : l’humilité, la douceur, l’harmonie,
l’enchantement.
Ces encollages sont venus au moins rappeler que les tournesols
du tragique Van Gogh contribuent à rendre notre planète plus habitable et plus
enviable que ce monde où de telles dégradations masochistes sont valorisées. Leur
seul mérite, devenu rare, est d’être accomplies à visage découvert alors que
les masqués des réseaux sociaux et les cagoulés autour des bassines sont dans
l’anonymat,caractéristique de l’irresponsabilité et de la lâcheté. L’intransigeance
de ceux-ci, leur violence, va-t-elle dans le même sens que ceux qui
s’interrogent sur le type de production agricole souhaitable ? Ils
appellent plutôt la dérision envers des rêves où chacun irait désherber son
champ de blé au bout de son jardin. L’indépendance alimentaire serait réglée en
même temps que la faim dans le monde et le chômage.
Je pensais que les excessifs, les marginaux, les créateurs,
les prophètes, les fous mettaient en mouvement les idées plus rapidement que
les sages, les raisonnables, les concertants. Mais comme souvent au pays des
effets pervers, pas toujours dans le sens souhaité : Poutine a plus fait pour
l’Europe que l’association Jacques Delors, et remis plus en question les
énergies fossiles à moyen terme (parce que les tanks ne tournent pas à
l’électrique) que le quinquagénaire rapport du club de Rome.
« Trop de colle
ne colle plus, trop de sucre n’adoucit plus. » Proverbe chinois.
Tout ce vacarme me parvient de bien loin. Je ne peux qu'être interpellée par la presse dont jouit l'oeuvre de Van Gogh. Des fois... je me dis que la notoriété de Van Gogh provient bien plus d'un désir de s'apitoyer sur son tragique destin de fils de pasteur protestant en mal de foi, artiste incompris, que de son oeuvre que finalement, je n'adore pas tant que ça, sans être tentée d'aller jeter de la soupe dessus. Pourquoi ne nous lassons-nous pas de vibrer devant le malheur des autres ? C'est ça, l'empathie ? Ou... est-ce de la pitié ? L'empathie... est-ce utile dans un tel contexte ? L'empathie agrandit-elle celui qui en devient objet ? Celui qui l'éprouve ? Qu'est-ce qui en découle ? Cela devient mystérieux pour moi.
RépondreSupprimerDes fois je me dis aussi que nous commençons à nous lasser des musées... qui mettent en boite, et sacralisent d'une certaine manière. Ce qui est sacralisé devient intouchable et finit empaillé, il me semble. Nous sommes bien ambivalents envers le sacré, quel qu'il soit. Une société qui se targue d'avoir la foi (anticléricale) dans le progrès, et la progression s'emploie à détruire le sacré dès qu'il émerge, il me semble. Et quand il finit empaillé...
Oui la biographie De Van Gogh n'est pas pour rien dans sa notoriété mais sa pâte attire une lumière qui gagne en éclat face à la nuit.
RépondreSupprimer