Les premières phrases d’un livre sont primordiales.
Quel
livre! 171 pages en apnée !
« Un jour, dans
une famille, est né un enfant inadapté. Malgré sa laideur un peu dégradante, ce
mot dirait pourtant la réalité d’un corps mou, d’un regard mobile et vide.
« Abîmé » serait déplacé, « inachevé » également, tant ces
catégories évoquent un objet hors d’usage, bon pour la casse. »
Il ne s’agit pas, avec cette précision recherchée autour d’un
mot, du rituel universitaire pour exposé exigeant, mais l’amorce d’un chemin où
la vérité se regarde en face, où la finesse, la sensibilité, ont éloigné tout
maniérisme : lumineux.
« L’aîné », « la cadette », « le
dernier » d’une famille bouleversée par cette arrivée ont chacun droit à
un chapitre, même si les pierres elles-mêmes ont la parole, sans effet de
fantastique, mais « naturellement », tant les paysages des Cévennes
magnifiquement décrits, sont puissants.
Au moment où le diagnostic est établi :
« Les parents
jetèrent un dernier regard à ce qu’était leur existence. Désormais tout ce
qu’ils s’apprêtaient à vivre les ferait souffrir, et tout ce qu’ils avaient vus
avant aussi, tant la nostalgie de l’insouciance peut rendre fou. »
Frères et sœur ont des réactions très différentes et si j’ai
trouvé le dernier chapitre parfois un peu artificiel, c’est que les deux
précédents se situaient sur des sommets de justesse, d’intensité, dans la
description des émotions.
« elle comprit soudain que
son frère aîné ne guérirait pas de l’enfant. Guérir signifiait renoncer à sa
peine, or la peine c’était ce que l’enfant avait planté en lui. »
A priori, ce roman ne me tente pas. J'en ai entendu parler... Je vais couper les cheveux en quatre, comme j'aime le faire : Quelle différence entre la précision de vocabulaire pour exposé universitaire exigeant, et l'amorce du chemin où la vérité se regarde en face ?
RépondreSupprimerOui, j'entends souvent qu'il ne faut pas couper les mots en quatre, et je n'ai jamais compris. Il y a peut-être des moments où ce n'est pas opportun de couper les mots en quatre, ou c'est indélicat, mais comme il n'y a pas plus réels que les mots, il faut les couper en quatre.
Après... je dis des fois à mon mari que l'arrivée d'un enfant dans un couple, quel que soit l'enfant, marque toujours la fin de quelque chose. Nous ne serons plus jamais comme avant, même... quand les enfants seront adultes, et nous nous gargarisons en nous racontant que tout le monde est adulte, mais... nous avons torché ces fesses, nous nous sommes levés la nuit pour les dents. Si nous avons oublié... EUX LE SAVENT au plus intime d'eux-mêmes.
Mon père a vécu un drame familial avec un avant et un après qui l'a grandement marqué. "On" a essayé de lui faire croire qu'il n'avait pas eu d'enfance à cause de ce drame. Mais... non, c'est faux. Il n'a pas eu l'enfance imaginaire qu'on nous impose comme étant un DROIT, il a eu la sienne, d'enfance, qui a fait de lui ce qu'il était. Et maintenant, je trouve mal fondée la parole de sa spy bien pensante à l'époque qui voulait LUI FAIRE CROIRE qu'on l'avait PRIVE de quelque chose.
Bof. La société de victimisation carbure à plein tubes en nous faisant croire que nous avons subi des injustices, et que nous avons été privés de quelque chose. Elle a un bel avenir devant elle, me semble-t-il.
La prose que tu cites me met vaguement mal à l'aise. Comme ce que j'ai vu dans la "littérature" anglaise moderne, l'approche clinique (un comble, maintenant que nous avons achevé la légitimité de la clinique en médecine...) me semble froid pour un sujet qui se devrait d'être plutôt brûlant.