En fréquentant une fois par semaine des lieux de spectacle,
je me la joue parfois critique distancié, mais ce soir l'émotion passe avant tout.
Un acteur derrière son micro raconte l’expérience d’un psychiatre
avec des clochards, d’abord en immersion à la maison de Nanterre, puis comme
professionnel.
Sa langue crue est d’une fulgurante vérité. Je n’ai pas osé
le terme de beauté mais je l’ai pensé, en tous cas le décor que je trouvais
d’un romantisme un brin trop spectaculaire convient parfaitement pour célébrer
Raymond et les autres déglingués.
Spectateur, je me suis senti comme cette proue
de bateau rouillée trouée, où se projettent quelques images, où passe un peu de
lumière et de la fumée. J’ai même trouvé les bruitages bienvenus lorsqu'ils viennent
parfois perturber le récit dans un micro de piètre qualité, nous obligeant à
être davantage attentifs aux mots.
« Est-ce qu’il y
a une vie avant la mort ? »
Il n’y a pas besoin de baratin, une telle phrase résumera
parfaitement le propos, sans oublier le signe de ponctuation qui laisse la place
à celui qui écoute.
La personnalité de l’auteur est transcendante avec ses
colères, son humanité, sa justesse. Les anecdotes terribles qu’il raconte illustrent une autre
phrase définitive :
« J’en ai soulagé
quelques uns, je n’en ai guéri aucun »
de tous ces alcooliques, fêlés, fragiles et forts.
Le metteur en scène ouvre l’espace vers la mer, le mystère
de l’existence, alors qu’il aurait pu insister sur le sordide, les violences,
les lâchetés.
Il nous avait déjà touchés il y a huit ans déjà.
J'aime bien Patrick Declerck. Si je n'ai pas lu tout "Les Naufragés", j'en ai lu... une partie.
RépondreSupprimerPlus jeune, avec effroi, tellement j'avais peur de rejoindre cet univers, moi qui me sens.. fêlée, vulnérable, fragile depuis si longtemps. (Mais je dois dire que je sais à quel point mon prochain est fêlé, fragile, vulnérable aussi, même si LUI, il ne veut rien en savoir. Si.) Moi qui sais... que je pourrais rejoindre cet univers (mais sans alcool, je crois, si je ne me trompe pas.) L'univers de la dérive.
Il me semble que... quand on arrive à un certain âge, on commence à sentir le poids de l'effort colossal de l'être humain de maintenir... à distance l'envahissement de la nature ? les mauvaises herbes, la saleté dans la maison, par exemple. C'est l'effort, la discipline de la civilisation au niveau B.A. ba, et au quotidien répété jour après jour.
Peut-être que les vrais ? nantis de l'existence sont à l'abri de sentir ce poids très lourd pour maintenir à distance, qui devient plus lourd, en vieillissant, et au fur et à mesure que les forces diminuent, et que la fatigue (de vivre) s'accumule.
Mais on n'est pas obligé d'avoir pitié, ou même de regarder tout cela comme un entomologue. Quand on songe à quel point Baudelaire était en proie à ces émois, à cette dérive (qui accompagne forcément un désir... absolu de liberté absolue, en passant), on est poussé au respect.
Le vrai crime, est d'avoir privé l'Homme de poésie, de la beauté, et la valeur de la poésie pour se racheter.
Le vrai crime est là...
Tout l'assistanat social, et les bonnes intentions ne rachèteront pas ce crime là.