Serge Legat a introduit la dernière conférence de son cycle
devant les amis du musée consacrée au corps, par une photographie, une
sculpture, et une fresque.
Puissance d’un autre baiser, celui de Cupidon fait revenir à la vie, la
mortelle Psyché, comme Canova les
sculpta. Ce mythe antique entre en résonnance avec le cycle de l’âme humaine
passant par des épreuves et renaissant de l’enfer grâce à sa dignité :
c’est aussi la Belle
au bois dormant ou Blanche Neige.
Giotto humanise
les thèmes religieux dans sa représentation de « La rencontre à la porte dorée » de Joachim et Saint
Anne, les sentiments apparaissent, et la main dans les cheveux, le
rapprochement des visages sont d’une sensualité très moderne.
La peinture devient un instrument du récit et les exemples arrivent
à foison, mais foin de toison.
A la suite de Zeus alias Jupiter, en personne, nous pouvons embrasser la variété des formes
amoureuses avec Le Corrège qui peint
le Dieu amoureux impénitent, en nuage enserrant Io la belle fille de sa papatte,
ou en aigle enlevant Ganymède, beau garçon.
Avec François Lemoine
avant son élève François Boucher,
Omphale domine Hercule un (bel) esclave qu’elle vient d’acheter, elle le tient
par les épaules et lui avec sa quenouille la regarde d’un air amouraché, elle a
revêtu la dépouille du lion de Némée qu’il avait jadis vaincu : les
stéréotypes sont inversés. La mythologie servit souvent de prétexte pour
représenter par ailleurs quelques baisers goulus.
Plus allégorique est « La
leçon de musique » de Vermeer où
le jeune homme va jouer de la basse de viole pour accompagner celle qui est en
face du virginal, autre nom du clavecin.
« La fiancée
juive » de Rembrandt réunit
les amants au moment d’une naissance annoncée, leurs mains se croisent
magnifiquement, leurs regards sont perdus. Dans « La parabole du fils prodigue », l’autoportrait de
Rembrandt est plein d’allégresse quand il se trouve en compagnie de son premier
amour qui mourra jeune. La deuxième qu’il aima, au bain ou à sa fenêtre, exprime
la force de l’amour qu’il lui porta.
Et une et deux : la première épouse de Rubens surprise dans sa lecture
est parfumée de délicatesse. Après la
disparition de l’aimée qui le désola, il fut pris d’une passion torride et
multiplia les portraits de la jeune Hélène, animale sous sa « Pelisse », à voir à Vienne.
Renoir peignit
des amis qui s’aimaient : les Sisley, et dans « Le déjeuner des canotiers » son amante figure avec son
petit chien ; dans la danse à Bougival, c’est Suzanne Valadon qui servit
de modèle.
Pour ce qui est de la peinture de l’être aimé, Picasso était incontournable. Depuis sa
première muse Fernande Olivier qui le rassura, puis Eva Gruel qui comprit sa
modernité, à sa première femme Olga danseuse des ballets russes, il passa ainsi
du modèle, à l’amour caché, à l’épouse. Puis Marie Thérèse Walter rêveuse,
« La femme qui dort », sensuelle, précéda l’intellectuelle Dora Maar
aux ongles rouges, « La femme qui pleure ». Françoise Gillot le
quitta après lui avoir donné deux enfants, et il épousa Jacqueline.
Toulouse Lautrec
donnait rendez-vous au bordel à tous les journalistes bien pensants et ce
familier des prostituées a pu saisir « Au
lit » des couples de lesbiennes : « les deux amies » « L’abandon »
avec tendresse.
Du côté de Vienne, Klimt
inspiré par les mosaïques byzantines fait émerger un baiser sur fond doré au
milieu de formes géométriques, Schille
coupe les corps mais rend leur chaleur. Son « Cardinal
et sa nonne » se serrant bien
forts, sont provocateurs et invitent
à une transition évidente vers l’amour sacré.
Le refus du contact, de la part du Christ qui vient de
ressusciter, à l’égard de Marie Madeleine dans le « Noli me tangere » de Fra Angelico est chargé d’émotion, et la nativité de Giotto à
Assise chez Saint François qui institua « la
crèche », met en lumière l’amour maternel. Les bergers respectent l’enfant
d’où vient la lumière chez Georges De La
tour ou Le Tintoret.
La vierge de Botticelli serre contre elle
un vrai bébé et celui du Caravage
lors de la fuite en Egypte est lové dans les bras, tendrement. L’attachement
maternel chez madame Vigée Lebrun
annonce nos enfants chéris.
Cette étourdissante suite de chefs d’œuvre, se conclut bien
sûr avec « La transverbération de
sainte Thérèse » du Bernin qui sous ses ors, ses marbres et ses dorures parle
de l’amour divin dans lequel on peut voir des extases bien charnelles, comme le
disait le libertin De Brosses: « si
c’est ici de l’amour divin, je le connais ».
« La
nativité » de Georges De la tour,
intitulée « Le nouveau né »
va-t-elle vers plus d’universalité ? Ses magnifiques Marie Madeleine éclairées par de
moins en moins de chandelle ont traversé les siècles, renonçant aux bijoux, aux
miroirs, la beauté s’efface devant l’éternité.
Quand la servante de Vermeer apporte
une lettre à sa maitresse annonce-t-elle le bonheur ou la
rupture ? Mais on ne badine pas avec l’amour :« Tous les hommes sont menteurs, inconstants,
faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et
sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses,
curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les
phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de
fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de
deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. » Musset
Très beau poste, Guy. Merci.
RépondreSupprimer