Depuis le temps que je me répands sur ce blog, je croyais n'avoir
titré aucun article avec ce mot clef de nos débats, eh si!
http://blog-de-guy.blogspot.com/2020/04/responsable.html C'est que celui-ci revient en force à l’occasion de l’évacuation de
la responsabilité pénale des maires en temps d’urgence sanitaire.
Le sénat a entériné un mouvement marquant de nos
comportements contemporains : ouvrir les parapluies face à la judiciarisation
de nos rapports sociaux. Si les gardiens de la loi préfèrent que ceux à qui ils
doivent leurs places se défaussent, comment appeler des citoyens à prendre
leurs responsabilités ?
Ces calculs électoraux accompagnent le jingle obsédant de la
période : « de toutes façons c’est la faute à Macron », sans
atteindre toutefois l’odieux « Macronvirus », ils participent d’un
climat délétère.
Pour chérir ici les paradoxes et les contradictions, je n’en
suis pas moins perplexe devant l’incohérence des contempteurs d’une trop grande
verticalité du pouvoir qui refusent de choisir quand on leur en laisse la
possibilité. Ils tirent sur l’état mais lui soutirent tout ce qu’ils peuvent
pourtant : l’état c’est moi !
Le catalogue des instructions du ministère de l’éducation
pour la réouverture des classes a semblé bien lourd, que n’aurait-il pas été
dit s’il n’y avait pas eu de recommandations du ministère de l’instruction
publique ?
Depuis ma retraite confortable, je m’en voudrais d’asséner
des leçons, mais en toute bonne dialectique, je vais le faire, prudemment.
Quand une ancienne collègue instit’ colle sur Facebook une carte de France, venant
du SNUIPP, tout en rouge pour signifier que nulle part ne sont réunies des
conditions de sécurité pour accueillir les élèves le 11 mai, je commente en
supposant que cette carte deviendra verte au mois de juillet. Il est vrai
qu’elle s’était inscrite d’emblée « du côté de la vie face à l’économie »,
avec tant d’autres, comme cet enseignant interviewé qui ne veut pas tuer sa mère en lui
rapportant le COVID. Combien d’assassins a-t-il croisé en allant acheter son
masque ? Prônant le droit de retrait, ils s’économisent, bienheureux
d’avoir pu ignorer l’économie,15 millions de retraités, 8 millions de personnes
au chômage partiel.
Au fil de l’eau, plutôt que dans le courant
« courage », un représentant du PS (parti socialiste) déclare:
«Je ne souhaite pas que mes enfants, ni qu'aucun
enfant de France, soient les cobayes d'une expérience qui pourrait être
malheureuse.»
Le confinement a pu permettre de se ressourcer mais
en demeurant dans un cocon où nous sommes préservés de l’adversité, des
aspérités, des dangers, les déjà mous se sont ramollis et les durs endurcis.
Quand on met le nez dehors, on entend à nouveau les oiseaux,
on pourrait aussi réviser la complexité du monde.
Si le virus est un accélérateur de tendances dans le
désordre mondial et dans les caractères dont les traits s’accusent, il
précipite vers leur fin les plus vieux et les plus fragiles.
« Avec la
récession économique qui découle du confinement, ce sont les jeunes qui vont
payer le plus lourd tribut, que ce soit sous forme de chômage ou d’endettement.
Sacrifier les jeunes à la santé des vieux, c’est une aberration. »
J’approuve ce salutaire coup
de gueule d’André Comte-Sponville et je ne suis pas mécontent que mon fils n’ait pas d’idées préconçues quant à la reprise des
cours pour se petits.
« Si demain le
temps des procureurs l’emporte sur le temps des éclaireurs nous allons dans le
mur. » Nicolas Hulot
...............
Comme le nombre de mots dépassait ce qu'un commentaire peut contenir, j'ajoute cette contribution au débat qui m'est parvenue dans ma boite mail avec l'accord de l'auteure:
" Bonjour,
Je n’ai pas l’habitude de réagir à vos articles que je lis assez souvent ... et même si je n’ai pas votre facilité d’écriture j’ai besoin de m’exprimer en lisant et relisant le dernier que vous avez posté.
Il m’a mise en colère et blessée également. Vous sous-entendez quelque part que nous sommes des « planqués » : « Prônant le droit de retrait ils s’économisent bienheureux d’avoir pu ignorer l’économie… » ou bien réagissant à cette carte de France du SNUIPP en rouge qu’une amie et collègue de Saint Egrève avait postée sur FB . À l’époque votre commentaire m’avait déjà fait un petit tiquer … Comme si pendant toute cette période nous, enseignants, nous nous étions tranquillement tournés les pouces à la maison ...
Je ne sais pas si vous avez encore le loisir de consulter des blogs d’enseignants ou de côtoyer des instits en activité mais ces deux derniers mois n’ont pas été de tout repos. Personnellement j'ai été vraiment bluffée par le travail incroyable que certains collègues faisaient à distance avec leurs élèves (travail qu'ils partageaient généreusement...) et que je n’étais pas capable de faire par manque de connaissance des nouveaux outils numériques. Je me suis contentée de travailler à distance via Internet et beaucoup par téléphone. J’ai passé des heures à appeler mes élèves pour les aider ou leurs parents me transformant parfois en psy à distance quand ceux ci craquaient … Je ne pense pas les avoir abandonnés ou ne pas avoir rempli ma mission. Sous-entendre que la carte de France allait comme par miracle être verte le 4 juillet était pour moi assez méprisant envers le corps enseignant.
Quant à la reprise j’aurais aimé qu’elle se passe différemment : la faire sur la base du volontariat : le ver était dans le fruit et c’était ne lui donner aucune chance de réussir… On nous a asséné ces dernières semaines qu’il fallait à tout prix raccrocher les enfants décrocheurs, les plus fragiles, les familles qui n’avaient pas accès aux nouvelles technologies… Etc. etc. Mais qui regarde BFM TV… ? Qui se nourrit des rumeurs les plus anxiogènes… ? Résultat : sur ma petite classe de CE1 en REP "100 % réussite" je n’ai que le tiers de mes élèves qui vont revenir et ce tiers a des parents qui ont dû recevoir la même éducation que votre fils et qui ont la même capacité de réflexion ... autant dire que ces enfants à mes yeux ne sont pas les plus défavorisés au niveau transmission des savoirs. Ceux que j’aurais aimé voir revenir à l’école ne reviendront pas car leurs parents ont trop peur pour eux… Un autre élément intervient en cette période : le ramadan qui déjà les autres années éloigne certains enfants de l’école car les parents ont plus de mal à les réveiller le matin ayant souvent veillé tard en famille…
À mes yeux il ne fallait pas laisser le choix. Il fallait effectivement organiser la reprise pour que les conditions sanitaires soit réunies peut-être un jour sur deux mais il fallait que tous les enfants reprennent le chemin de l’école. Du coup les écarts vont encore se creuser. Nous autres enseignants nous allons nous trouver devant des enfants en présentiel et des enfants qu’il faudra continuer à suivre à distance… (Je ne crois pas que les enseignants s'économiseront en assurant cette double tache).
Les ordres et les contre-ordres affluent. Être directeur en cette période n’est pas une sinécure. À Anatole France à Fontaine par exemple nous avons annoncé aux parents que l’école reprendrait la semaine prochaine mais hier au soir on a appris que notre école était réquisitionnée pour recevoir tous les enfants prioritaires de la commune et que du coup nous ne pourrions pas accueillir nos propres élèves… Il a fallu donc faire un mail aux parents pour leur dire que finalement la rentrée était repoussée au moins au 18 mai... Comment décourager ceux qui avaient "vaillamment" pris la décision d'envoyer leur rejeton "au front" ... ? tout ceci assorti d’un protocole sanitaire que je vous joins et qui fait complètement halluciner… !
J’essaye d'imaginer qu'elles auraient été vos réactions il y a 15 ans quand vous étiez encore en poste avec la conscience professionnelle, le bon sens et l’engagement qui vous caractérisaient.
Désolée d’avoir été si longue mais j’avais besoin de m’exprimer et de vous expliquer mon point de vue depuis le terrain.
À bientôt… J’espère qu’on se croisera à l’automne à la MC2 !"
Martine C
....
le dessin est de Chappatte pour "Le temps" repris par courrier International.