Et puis il y a eu les bombardements des mines. Le plus affreux c’était la nuit. Un jour, il est tombé un obus en haut de notre rue en plein milieu. Les vitres et portes ont volé en éclats. Comme les maisons du coron se soutiennent les unes les autres, elles ne sont pas tombées. Une petite fille qui était assise devant sa porte a disparu : on n’a jamais retrouvé son corps.
Les obus tombaient dans les jardins. Sitôt l’alerte, mon frère Arthur nous prenait, une sur son dos, l’autre devant et on partait se mettre à l’abri. Mon père n’a jamais quitté la maison. Il ne voulait pas non plus que l’on emmène Lucienne qui couchait dans la chambre de nos parents. Lui, étouffait dans les abris ! Pauvre père ! C’est lui qui gérait tout car notre mère ne savait ni lire ni écrire et chez les commerçants elle se faisait toujours avoir. Mon père l’appelait « sans bile » ce qui signifiait sans responsabilité.
Elle nous tenait bien propres : une fois par semaine, aidée par mes aînées, elle nous donnait un bain dans un demi tonneau. On faisait chauffer l’eau dans de grandes lessiveuses. C’était la même chose pour mes frères quand ils rentraient de la mine. Ils étaient si noirs et il n’y avait pas de douches à la mine. On avait une réserve d’eau dans un grand tonneau pour récupérer l’eau de pluie avec laquelle on faisait la lessive ce qui nécessitait moins de savon.
On avait une petite remise dans le jardin. C’est là que qu’on se nettoyait comme beaucoup de grandes familles. Il y avait un petit poêle à charbon.
Pour se chauffer, les mineurs avaient droit à du poussier c'est-à-dire des débris et poussières de charbon. L’hiver on était livré par quinzaine et l’été chaque mois. Un tombereau tiré par un cheval déversait le poussier devant la maison. Nous le poussions vers le trou de la cave. Il fallait le faire dans les deux heures qui suivaient la livraison. Pour nous éclairer nous avions les lampes à pétrole.
Les corons étaient construits en briques rouges qui devenaient marron puis noires avec le temps. On mouillait le poussier pour en faire des sortes de briquettes. Il fallait une bonne braise pour que le poussier s’enflamme : on perçait un trou au milieu de la briquette pour faciliter. Nous avions des poêles adaptés à ce genre de combustion.
On les importait de Belgique. Ils étaient larges devant avec une grille plus bas pour poser et chauffer les pieds. Mon père s’occupait d’entretenir le poêle l’hiver.
On était tous réunis et heureux d’être ensemble : c’était quand même une belle vie. On appréciait les bons moments de la vie quand il y en avait !
L’électricité n’était pas pour nous..
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