En général l’expression « enfant roi » a vocation
à être incluse dans une phrase dénonçant ce statut. Mais le titre de la
dernière livraison de la sensible romancière
provient d’une mère de bonne volonté exposant ses enfants
sur YouTube.
« Acheter,
déballer, manger sont les principales activités des enfants...Toutes ces vidéos
obéissent au même ressort dramaturgique : la satisfaction immédiate du
désir. »
Lorsqu’au milieu des 350 pages, j’ai fait part de mon
étonnement face à ce que je croyais une licence romanesque décrivant le
quotidien d’enfants filmés sans arrêt et les bénéfices incroyables générés, je
me suis vu objecter que je venais d’un autre temps.
« Cette année, le
youtubeur qui a gagné le plus d’argent au monde est un petit Américain de huit
ans. Il s’appelle Ryan et il est filmé par ses parents depuis ses quatre ans.
Rien que pour 2019, le magazine Forbes a estimé ses revenus à vingt-six
millions de dollars. »
Oui les réseaux sociaux nous submergent et bouleversent nos
vies, ils marquent au fer rouge les enfants. Quand le « voyeurisme »
excite à ce point l’ « exhibitionnisme », ces mots ne paraissent que comme poussière d’un monde en voie de
disparition, quand l’intimité est bafouée, les personnalités broyées.
Une enquête menée par une policière, fille de profs,
occupant le poste de procédurière, sert de fil conducteur à une description
fouillée des ravages des réseaux sociaux.
« Ils croyaient que Big Brother s’incarnerait dans une puissance
extérieure, totalitaire, autoritaire, contre laquelle il faudrait s’insurger.
Mais Big Brother n’avait pas eu besoin de s’imposer. Big Brother avait été
accueilli les bras ouverts et le cœur affamé de likes, et chacun avait accepté
d’être son propre bourreau. »
La frontière entre le réel et la dystopie est ténue :
« De plus en plus
nombreux, de jeunes adultes ne sortent plus de chez eux. Ils travaillent à
distance, où ne travaillent plus, ils ne vont plus au théâtre ou au cinéma, ni
même au supermarché ; ils consomment des produits (alimentaires,
cosmétiques, électroménagers, culturels…) à domicile et communiquent à travers
des interfaces ou des jeux vidéo, de plus en plus sophistiqués. A ce prix ils se
sentent en sécurité. »
Bien des jeunes aujourd’hui souhaitent devenir influenceur
sur le net de préférence à ingénieur ou professeur.
« Chacun était
devenu l'administrateur de sa propre exhibition, et celle-ci était devenue un
élément indispensable à la réalisation de soi. »
On va voir si je peux commenter aujourd'hui sur blogspot...
RépondreSupprimerComme j'ai toujours aimé les mythes grecs, qui sont des réflexions profondes et religieuses sur la nature, et la condition humaines, il y en a un qui est particulièrement à propos sur le billet de l'enfant roi : il s'agit du mythe de Narcisse...
La plupart du temps, nous évacuons le problème de Narcisse avec de vagues moralisations puériles qui sont indignes même des enfants. J'aime me souvenir que Narcisse a été visé en raison de son refus de s'engager dans la danse du désir amoureux, de la sexualité avec une autre. Ce refus de s'engager dans l'Altérité, et surtout l'altérité sexuelle, est le moteur profond qui rend compte de pourquoi et comment il tombe... dans le reflet de sa propre image comme Idole, et se noie en conséquence, après avoir décliné en forces, intérêts pour le monde extérieur. Il reste... scotché devant l'écran (de l'eau) en train de se regarder, et meurt d'inanition en conséquence. Il meurt d'appauvrissement.
Et pauvre Echo, qui lui fait écho... en étant incapable de toute parole propre. Des histoires pleinement pathétiques.
Un avertissement contre l'abus des.. idoles, sous toutes leurs formes. Le peuple juif avait aussi sa méfiance envers les idoles... Et Platon, à sa manière.
Pour ma part, je vois dans ces phénomènes l'écho du mythe de Narcisse dans le refus obstiné d'être fait de chair, avec les conséquences et contraintes qui en découlent...
En somme, et en litanie : rien de nouveau sous le soleil.