samedi 14 mars 2020

Les gratitudes. Delphine de Vigan.

En ces temps ingrats, le titre m’avait attiré, et le début :
« Vous êtes vous demandé combien de fois par jour vous disiez merci ? Merci pour le sel, pour la porte, pour les renseignements »
J’avais cru à un essai, mais il s’agit d’un roman, bouleversant, sur la fin d’une vie et la promesse d’une autre, la perte et la réparation, l’attention aux autres.
« Pourquoi dites-vous « les personnes âgées » ? Vous devriez dire « les vieux ».
C’est bien « les vieux ». Ça a le mérite d’être fier.
Vous dites bien « les jeunes », non ? Vous ne dites pas « les personnes jeunes » ?
Comme il n’est pas convenable de parler de corde dans la maison d’un pendu, je ne sais à qui offrir ces 172 pages émouvantes, drôles, sensibles, justes : entre visiteurs d’EHPAD et résidents, ce sont tous des vieux, des vieilles comme moi, et ils ont la larme toujours prête, mais c’est bon aussi de vérifier que son cœur bat. Les autres attendront.
Le trajet est limpide, l’enchainement bien pesé pour Michka à l’autonomie déclinante, admise en maison de retraite. Elle était correctrice et devient aphasique: la substitution d’un mot par un autre souvent très signifiant à la façon du Prince de Motordu apporte une drôlerie bienvenue en ces lieux sans espoir.
Elle qui dit « merdi » pour remercier demande à la jeune fille qui vient la voir régulièrement, le titre du film qu’elle vient  de lui raconter.
 https://blog-de-guy.blogspot.com/2009/12/la-merditude-des-choses.html
« - La merditude des choses.
- Ah la mercitude…
- C’est un mot … poli… joli… mais tu es sûre que ça existe ? »
Un des derniers mots que j’ai entendu de la part de ma mère avant qu’elle meure fut : « Merci ! »

1 commentaire:

  1. Merci, Guy.
    Oui, c'est un très beau mot.
    Ce qui est vraiment piquant, c'est que c'est un mot qui est devenu pour nous une grâce, un mot qui était récupéré sur le latin ou "merces" est en rapport avec le solde/salaire du soldat !
    "Merci" est en rapport avec "mercenaire", avec "mercantile", mais SUR UN AUTRE PLAN, et dans un autre monde ! Tout comme il vaut mieux pour nos âmes que nous n'oeuvrons pas pour dénouer intérêt/salaire et grâce, parce que dès que l'un ou l'autre se met à travailler seul pour son propre compte, dans son coin, c'est la catastrophe pour l'Homme. (Songez aux chevaux attelés sur le char de Phaeton, qui, dès qu'ils sentent qu'une MAIN FERME et expérimenté manque pour les discipliner, et les amener à travailler ensemble à tirer le char du Soleil, tirent chacun dans son propre sens, conduisant Phaeton à la ruine.)
    Il me plaît de penser que chaque fois que nous disons ce mot, nous faisons exister ce plan, qui est très important pour moi. Alors que nous faisons des pitreries pour opposer "dire" et "faire", comme si "dire" était pipi de chat comparer à "faire", et bien, "dire" a le pouvoir de faire exister d'autres mondes.
    Je te demande, quel pouvoir est plus grand que celui de faire exister un autre monde... un monde invisible, dont on n'aura jamais la moindre preuve, mais qui se révèle o combien puissant tout de même, ma foi...
    Une petite pensée pour la merde qui est bel et bien le PRODUIT, le premier entre tous les produits... de la digestion.
    A ne pas oublier, en ces temps où sur la page d'Amazon TOUT a l'appellation de "produit".
    On peut dire que la "merde" a de beaux jours devant elle...
    Je lirai le livre, dès que je pourrai retourner à ma bibliothèque où il se trouve !

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