Nous partons sur de
bonnes bases quand le récitant démarre ainsi la séance sur une musique de Béla Bartók.
Dans la ville de Grenoble, un stade porte le nom du philosophe dont
nous allons apprécier la fantaisie et la poésie, il permet de jouer avec les
éléments qui scandent ses pensées : l’eau comme la sueur des athlètes, le
feu des efforts, l’air des souffles et la terre des pelouses.
Ce soir c’est un hymne à la planète dont j’ai pu saisir la beauté de la charrue qui découvre les petites bêtes, la parole qui conserve
la mémoire des mains, les jours qui expliquent les nuits… en un bouquet imaginatif, varié, bon enfant où même
la mort en premier navigateur n’est pas triste :
« Bien avant que
les vivants ne se confiassent eux-mêmes aux flots, n'a-t-on pas mis le cercueil
à la mer, le cercueil au torrent ? Le cercueil, dans cette hypothèse
mythologique, ne serait pas la dernière barque. Il serait la première barque.
La mort ne serait pas le dernier voyage. Elle serait le premier voyage. Elle
serait pour quelques rêveurs profonds le premier vrai voyage. »
L’humanisme est chaleureux, l’imagination à portée de main,
les fondamentaux rassurants.
Le feu : « ... les jours de ma gentillesse, on apportait le gaufrier. Il écrasait de son
rectangle le feu d'épines, rouge comme le dard des glaïeuls. Et déjà la gaufre
était dans mon tablier, plus chaude aux doigts qu'aux lèvres. Alors oui, je
mangeais du feu, je mangeais son or, son odeur et jusqu'à son pétillement
tandis que la gaufre brûlante craquait sous mes dents. Et c'est toujours ainsi,
par une sorte de plaisir de luxe, comme dessert, que le feu prouve son
humanité. Il ne se borne pas à cuire, il croustille. Il dore la galette. Il
matérialise la fête des hommes. »
L’air : « L’alouette
en l’air est morte
Ne sachant comme l’on tombe »
L’eau et la terre :« La
mort de l'eau est plus songeuse que la mort de la terre : la peine de l'eau est
infinie. »
Les incongruités de certaines musiques sont fécondes quand
Monk ou Webern alternent avec Debussy ou Saint Saëns. Le piano travaillé et le
violoncelle garni de ressorts éveillent l’attention, note après note. Les morceaux les plus
classiques en sont revigorés comme lorsque des œuvres contemporaines s’imposent
dans les musées des beaux arts.
Un rhum flambé était servi à la sortie du spectacle de deux
heures et demie et l'envie est là de le prolonger avec encore quelques pensées de celui
qui a interrogé les rapports de la science et de la littérature au cœur de nos embarras de l'heure. Quelques mesures de Chostakovitch à consommer aussi sans modération.
Très belle chronique. La poésie de la gaufre, du feu est exquise. Merci. Une découverte.
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