Au cimetière j’ai choisi ce texte de John Donne qui avait
été lu pour mon père, il y a 16 ans :
« Nul homme n’est
une île, un tout en soi. Si une parcelle de terre est emportée par les flots, c’est
une partie égale à celle d’un promontoire.
La mort de tout homme
me diminue, parce que je suis membre du genre humain.
N’envoie donc jamais
demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi. »
A l’église, pour ma part, j'ai dit ces mots:
« Parmi les hommes et les femmes qui demeurent sur la
planète, les « gens de la terre », sont les paysans.
« C'est à la sueur de ton visage que tu
mangeras du pain,
jusqu'à
ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris;
car
tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. »
Ce sont les mots de l’église que nous
avons choisis quand dans son étymologie, religion signifie : « relier »,
relier les vivants et les morts.
Maman avait la parole rare dans une famille où l’on aimait
les adjectifs. Son mari avait le verbe.
Elle utilisait pourtant avec gourmandise un lexique
d’expressions de chez nous : « ça ne va pas en prenant », et il
convenait de ne pas « faire de manières », de devenir des femmes et
des hommes « comme y faut ».
Elle a mené une vie « comme il faut », dignement,
modestement, et si les mots ronflants ne lui auraient pas convenu, nous pouvons
simplement trouver remarquable le sens de l’économie familiale - on parle
« d’assurance-vie » - qui lui a permis de financer pendant 15 ans son
séjour en maison de retraite. Sans que ce soit vécu comme un sacrifice.
De pensionnats jusqu’en Afrique, j’étais loin.
Pour elle, le bonheur n’a jamais pu se mesurer au nombre de
pays traversés.
Dans sa maison de la Seiglière, son jardin de fleurs donnait
sur la route, quand les hirondelles retrouvaient chaque année leur nid dans
l’étable.
« C'est que, petit oiseau, tu voles loin
de nous ;
L'air qu'on respire au ciel est plus pur et plus doux.
Ce n'est qu'avec regret que ton aile légère,
Lorsque les cieux sont noirs, vient effleurer la terre. »
Du côté des lieux voisins vers Mont Besset, nous avions un champ, on le nommait « celui du cimetière ».
L'air qu'on respire au ciel est plus pur et plus doux.
Ce n'est qu'avec regret que ton aile légère,
Lorsque les cieux sont noirs, vient effleurer la terre. »
Du côté des lieux voisins vers Mont Besset, nous avions un champ, on le nommait « celui du cimetière ».
Entre les murs de l’ultime enclos, elle sera la dernière de
cette lignée des Chassigneux, nom familier des Terres Froides, elle qui venait
d’un coin plus tempéré : Charnècles où sa mémoire la ramenait le plus
souvent.
Le temps de son enfance avait été pourtant rude avec une
mère Joséphine, veuve vivant chichement, quand un voyage en vélo jusqu’à
Grenoble était un plaisir.
Au Pin, elle était nommée « la » Clémence, comme on disait la « mère Suzanne »,
« le père Sissi », ainsi chaque habitant se distinguait. Joli prénom
d’usage quand Juliette et Irmine figurent aussi sur les registres, alors que
Noëlle était réservé à l’administration.
La femme du Roger était devenue « la mémé du Pin »
après des années colorées à s’effaroucher pour ses enfants, puis balafrées de
deuils irrépressibles.
Celle qui fut une des doyennes du village au bord du lac a
été appréciée à la maison de retraite de Vourey dont nous remercions les
personnels pour les soins attentifs qu’ils lui ont apportés.
On use de la poésie à l’école et au moment des enterrements,
alors peut revenir un livre pour les éternels enfants.
Saint Exupéry marche à côté du Petit Prince qui a
rendez-vous avec le serpent:
« Cette nuit-là, je ne le vis pas se mettre en route. Il s’était évadé sans bruit. Quand je réussis à le rejoindre, il marchait, décidé, d’un pas rapide.
Il me dit seulement :
- Ah ! Tu es là …
Et il me prit par la main. Mais il se tourmenta encore :
- Tu as eu tort. Tu auras de la peine. J’aurai l’air d’être mort, mais ce ne sera pas vrai …
Moi, je me taisais. »
- Tu comprends. C’est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là.
C’est trop lourd.
Moi, je me taisais.
- Mais ce sera comme une vieille écorce abandonnée.
Ce n’est pas triste les vieilles écorces. »
« Cette nuit-là, je ne le vis pas se mettre en route. Il s’était évadé sans bruit. Quand je réussis à le rejoindre, il marchait, décidé, d’un pas rapide.
Il me dit seulement :
- Ah ! Tu es là …
Et il me prit par la main. Mais il se tourmenta encore :
- Tu as eu tort. Tu auras de la peine. J’aurai l’air d’être mort, mais ce ne sera pas vrai …
Moi, je me taisais. »
- Tu comprends. C’est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là.
C’est trop lourd.
Moi, je me taisais.
- Mais ce sera comme une vieille écorce abandonnée.
Ce n’est pas triste les vieilles écorces. »
Merci pour ce bel hommage, Guy, qui fait de toi un fils digne, ce qui n'est pas négligeable à l'heure actuelle.
RépondreSupprimerEt merci pour ce portrait d'une femme de la terre.
Bel hommage . Les deux doyennes du village nous ont quittés en ce début du mois d'août.
RépondreSupprimerQuelques jours avant, je disais dans la même église pour ma mère le beau poème d'Aragon que tu cites par ailleurs.
Simone