« Balance ton porc en famille », « balance
ton père », ces formules clins d’œil ne rendraient pas compte de la
profondeur de ce spectacle, bien que l’onde de choc partie d’Hollywood soit
dans tous les esprits, au-delà des excès et des polémiques, dans une affaire où femmes et
hommes auront tout à gagner finalement.
Qui ne savait pas qu’il s’agissait de révélation de secrets
de famille dans cette pièce, inceste et suicide, exprimés lors d’un repas de
famille ? Au-delà du scandale, sont
posées les questions de la vérité, des silences, de l’inhumanité.
Après avoir été de la génération du fils par qui advient la
vérité éclatante, j’en suis même au-delà de l’âge de ce père dont on fête les
soixante ans. L’identification aurait pu jouer avec moi, quand on voudrait que
tout se passe bien dans des moments solennels. Mais le sourire permanent posé
sur « la figure du mal » permet de prendre une distance nécessaire alors
que les émotions ne nous sont pas ménagées. Les acteurs sont excellents.
Et si ce qui a été dit n’avait pas été dit ? La vérité est tellement crue, que c’est
difficile de la croire. Je devrais me rapprocher de la grand-mère qui ne voit
rien, poétise dans l’indifférence.
Folie, cruauté, hypocrisie, les enfants n’ont pas été des
enfants, le père n’a pas été un père: le propos est criant, pas besoin des sous-titres habituels
pour nous questionner.
Ce drame aigu est plus finement politique que bien des
retours sur les années 30 qui squattent les plateaux. La fin est apaisante,
après des sons stridents et un piano qui appellerait la paix et la joie :
le tableau en ouverture et en belle conclusion est celui de Corot : Orphée ramenant Eurydice des enfers (merci
les Inrocks), parfaitement
exploité.
J’avais un souvenir vague du film de 20 ans d’âge, sinon
qu’il était de bon ton d’avoir apprécié sa violence. Malgré la force et la
nouveauté d’un « Nobody » précédent par le collectif de Cyril Teste http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/10/nobody-falk-richter-cyril-teste.html,
et parce je n’étais pas sûr de retrouver ces qualités, j’ai
été d’autant plus enthousiaste.
Les caméras sur le plateau apportent une poésie et quelques
effets magiques, un rythme, une beauté, une intimité, une puissance
démultipliés.
Le public grenoblois en dehors des spectacles musicaux est
avare de stand up, cette fois je me suis levé pour applaudir avec la salle au
bout de ces deux heures intenses.
J'ai vu "Festen" il y a un certain temps, à Sassenage, dans la mise en scène d'une amie avec des amateurs qui furent tous remarquables.
RépondreSupprimerMais je n'avais pas envie de voir ce psychodrame dans le contexte actuel..
Par contre, j'attends avec impatience le dernier livre d'Ingmar Bergman avec ses souvenirs sur le vieux père. Déjà dans "Laterna Magica", Bergman avait commencé à nuancer ses propos sur son vieux père pasteur, patriarche, et parfois un peu rude, et leste de sa main. (Nous sommes devenus tellement inconséquents que la mention même du mot "violence" suffit maintenant pour nous faire courir chercher un sauveur...oops, j'aurais du dire une sauveuse, et pas un sauveur.)
Dans le dernier livre de souvenirs d'enfance et autres souvenirs de Bergman, il paraît qu'il s'apaise enfin dans son rapport avec son vieux père. J'ai hâte de le lire. Et je me dis qu'il n'y a pas que moi qui devrait le lire, tout de même...