vendredi 31 octobre 2014

Eloge des mathématiques. Alain Badiou

La villa Gillet a invité en avant première de son « festival des idées », le  professeur à l’Ecole  Normale Supérieure qui a pris les mathématiques comme pierre angulaire de sa philosophie. L’auteur de « Sarkozy, pire que prévu : les autres, prévoir le pire » avait attiré la grande foule à l’Université Jean Moulin à Lyon.
Cet entretien avec Gilles Haéri préfigure un livre qui viendra après ses éloges de l’amour et  celui du théâtre. Il est si bon d’approcher une belle mécanique intellectuelle qui n’hésite pas à admirer, aimer, faire partager ses enthousiasmes avec rigueur, clarté, pédagogie et humour.
Il compare la pratique des mathématiques à une promenade par un chemin tordu et complexe qui mène à une éclaircie : la découverte est une récompense, singulière la beauté conquise. Aristote en faisait une esthétique, le structuralisme avait mis les mathématiques en dialectique avec la philosophie, alors que Sartre dans sa jeunesse disait : « Science, c'est peau de balle, Morale, c'est trou de balle. »
Cette discipline qui au niveau de la recherche  est perçue comme aristocratique alors que la formule : «  je n’ai pas la bosse des maths » est tellement répandue se résume-t-elle à une histoire de « boss et de bosse » ?
Les mathématiques pour tant de philosophes sont la condition préalable à toute rationalité, le processus de connaissance passant par la preuve réfutable, explicite, décollé de tout récit  révélé, tout le contraire de la mythologie.
Les mathématiciens contemporains travaillent dans des spécialités souvent inaccessibles, dans une indifférence amère, alors qu’avec les philosophes depuis l’apparition des « nouveaux », il suffirait d’avoir une opinion, et surtout des réseaux pour faire croire à l’universalité et apporter la banalité aux princes. 
 A la sentence de Russell : « La mathématique est la seule science dont on ne sait pas de quoi on parle ni si ce qu'on dit est vrai » peut s’opposer  Galilée : « La nature est un livre écrit en langage mathématique ». Badiou pense que la mathématique n’est  pas qu’un jeu de langage rigoureux, sa vocation est ontologique, du côté de l’être, dans ce qui résiste, en route vers l’universalité. Les situations formelles peuvent s’organiser, les règles s’identifier. Les maths ont inventé des formes avant leur réalisation : l’ellipse est connue bien avant que la trajectoire des planètes soit repérée.
Platon le pédagogue : «  que nul n’entre ici s’il n’est géomètre », Spinoza : « Les hommes n’auraient pas pu sortir de l’ignorance «  s’il n’y avait pas eu la Mathématique » »
La philosophie a parfois un rapport de révérence aux maths qui échappent à la singularité des langues. Le plaisir peut être au rendez-vous de l’algèbre, de la géométrie, bien que depuis Nietzsche une rupture soit amorcée qui remet en cause la logique alors que dans le champ de l’infini les maths apportent des innovations saisissantes, une complexité provocatrice. Aujourd’hui l’histoire et l’esthétique semblent avoir pris le pas sur l’épistémologie.
De l’amour le plus cellulaire à la politique qui mène à l’univers tout entier, les arts, les sciences,  forment les catégories qui permettent d’aller vers la vérité.
Les croisements sont excitants : la politique peut elle parvenir à des décisions qui résultent de la rationalité et s’élever au dessus d’un mélange bourbeux d’affects et d’intérêts ?  Ne plus être vouée à n’être que de la rhétorique ?
L’amour lui ne laisse pas indifférent, il peut être un apprentissage de la dialectique offerte par l’approche de la différence.
Quand les questions inévitables sur la pédagogie adviennent, le philosophe propose de raconter l’histoire des mathématiques et pas seulement de ses résultats, commencer très tôt  à l’école mathématiques et philosophie,  ainsi la directive d’un inspecteur : «  la mort n’est pas au programme » pour contrarier l’initiative d’un formateur en maternelle pourra faire rire même son auteur à l’image de la salle conquise. Avec l’histoire du zéro, « l’être » a pu naître du « néant » ; à ne pas confondre avec les codages en 0 et 1 à la base de l’informatique qui ne dépasseront pas la pensée humaine. Pourtant toutes nos machines bourrées de mathématiques pointent paradoxalement nos pénuries de connaissances qui nous mettent sous les ordres de ceux qui savent, larbins d’un système où les usages financiers, militaires avec les cryptages sont hégémoniques. C’est bien un enjeu d’émancipation qui est en jeu.   
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 Cette semaine le roi du tampon au pays de trotsks:


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