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dimanche 15 octobre 2023

Péplum médiéval. Valérian Guillaume Olivier Martin-Salvan.

Dans ce spectacle de deux heures, le monde des enluminures moyenâgeuses veut échapper aux couleurs sombres qui collent à ces temps oubliés. 
La troupe de quinze acteurs part à la recherche d’une nuit perdue avec ses étoiles.
Les costumes inspirés de cartes à jouer ou d' Errol Flynn, Robin des bois en collants verts, sont éclatants, les lumières ravissantes.
Le plateau est bien garni de personnages Play Mobil qui auraient rencontrés Breughel et Jérôme Bosch au pied d’un château fort à l’esthétique Légo.
L’entreprise s'avère originale mais pour que l’ensemble composé de personnes handicapées puisse atteindre tous les publics, les glossolalies aux intentions poétiques devraient moins embrouiller le propos.
Un tempo plus resserré éviterait des attentes un peu longues entre deux tableaux réussis, telle la prolifération de figures macabres aux airs de fête mexicaine.
L’image autour d’un arbre bourgeonnant est riche bien que soit contestable l’idée que l’amour  puisse être menacé par le travail, l’école et l’église, quand à notre époque les remises en question du travail, de l’école, de l’église occupent toute la place d’où l’amour n’est plus guère à l’ordre du jour. 
Les comédiens se positionnent souvent en spectateurs de leurs farces lues sur les fesses d’un roi plus fou du roi que roi ou lors d’un conte déchiffré sur les paupières d’un peintre.
Le travail de deux ans pour présenter ce spectacle parfaitement réglé force le respect.

dimanche 8 octobre 2023

Bowie-Cage. Miroirs Etendus.

Dans le cadre des concerts du dimanche à 11h à la MC2, les grands parents viennent avec leurs petits enfants car les prestations musicales, moins chères et plus courtes que les spectacles habituels de l’auditorium, sont des initiations de qualité.
Moi, grand parent pourtant contemporain de Bowie, la pop star, je le connaissais très peu et John Cage à peine mieux, sinon qu’il avait proposé « 4′33″» quatre minutes trente-trois secondes  de silence comblées par les bruits des spectateurs : un Marcel Duchamp de la musique. 
J’avais besoin d’être initié. 
Les cinq musiciens venus des Hauts de France organisent finement la rencontre des deux chercheurs. Leurs univers contrastés s’enchainent bien. Les sons expérimentaux paraissent plus soyeux et les mélodies plus étonnantes. 
Un bon moment, comme un éclair au chocolat.

dimanche 24 septembre 2023

Age of content. (La) Horde.

Je venais de lever le nez d’un article faisant part des problèmes de management de la part du directeur de l’institution culturelle phare de la ville de Grenoble, attentif, disait-il, à la qualité de vie au travail mais se retrouvant comme son prédécesseur en face de personnels « épuisés », « infantilisés », ne siégeant plus au C.A. par crainte de représailles.
La saison des spectacles s’ouvrait sous de contrariants auspices. 
Et la feuille de salle laissait craindre le pire : 
avec « espace-temps totalement déconstruit » 
et « autre manière de déconstruire notre rapport à ces représentations volatiles ».
Après que furent distribués des bouchons d’oreille laissant prévoir quelque puissant son,
ceux-ci s’avéraient inutiles dans un début interminable avec voiture électrique télécommandée dépouillée de sa carrosserie avançant et reculant sur fond de quelques aboiements.
Et puis arrivent les danseurs et quand ils sont tous là, les vrombissements de la musique nous font vibrer et le propos devient clair : les rivalités virtuelles nous atteignent. 
Des bagarres chorégraphiées magnifiquement expriment parfaitement les harcèlements Internet.
Les uniformes sous cagoule disent bien l’anonymat toxique et la recherche de notoriété précaire.
Plus tard il sera question de jeux vidéo où se brouillent les identités jusqu’à un final époustouflant où la didactique s’oublie dans les étreintes. 
La cohésion du groupe de seize danseurs excellents, puissant, dynamique, respecte les diverses personnalités.
Le limpide projet, bien qu’aucun mot de français ne soit prononcé, confronte réel et virtuel sous l’abondance des images. Un spectacle beau et original.
Nous espérons voir cette année d’autres salles, comme ce soir, entièrement debout pour applaudir.    

 

dimanche 17 septembre 2023

Défilé de la biennale de la danse 2023.

A l’approche des jeux olympiques de Paris, le défilé ouvrant la biennale de la danse à Lyon a repris la rue sur le thème «Art et sport »
Le collectif ES célébrant la beauté des corps précédait douze groupes, à la belle dynamique, aux costumes inventifs où le sérieux et l’investissement de 3000 bénévoles servent un enthousiasme d’autant plus remarquable que la chaleur était accablante.
Parmi les communes associées à des quartiers de Lyon, 
les éventails thaï de Vaulx-en-Velin apportent de la légèreté derrière les cordes d’un ring de boxe de là-bas dit l'« art des huit membres ».
Les savoyards manient avec fougue drapeaux et écharpes des fans zones,
et autour de la compagnie Stylistic, en costumes japonisants, ça percute et upercute.
Venus d’Annecy les hip-hoppers font le break 
et le haka du dimanche de la compagnie Pernette de Villeurbanne aux beaux habits bénéficiant d’un effet de masse était plus impressionnant que celui des blacks du vendredi.
Grenoble portait avec moins d’humour le souvenir de ses jeux olympiques que les « Givrés » d’Albertville 
alors que les cerceaux d’Annecy vibraient avec élégance.
Feyzin et Saint Fons en leurs beaux atours auréolés de balles scandent leur hymne
et les supers héros descendus des Monts du lyonnais ont de la gueule.
Les jeux de rubans de Caluire-et-Cuire ferment un défilé
cuit à point jusqu’à la Place Bellecour surmontée d’un funambule.

dimanche 10 septembre 2023

Au Bonheur des Mômes 2023.

Pour le compte rendu 31° édition du festival de spectacle vivant pour jeune public au Grand Bornand, mon petit fils a rejoint sa grande sœur. 
Sonata per Tubi. Nando & Maila.
Le spectacle débute avec deux personnes qui sortent de la brume et jouent au violon des morceaux de Mozart, des Rolling Stones. Puis une adolescente arrive sur scène et commence à faire de la gymnastique et du jonglage. De la musique avec des tuyaux de PVC risquait de ne plus constituer une surprise, cependant le dynamisme du trio italien rend l’heure agréable.
Le petit théâtre magique ambulant. Scott & Muriel. 
Scott le magicien ringard a commencé à faire des tours ratés et… un colis Ikéa avec écrit « Muriel » dessus est arrivé de nulle part et une dame est sortie du colis…L’assistante exubérante va finalement sauver la carrière du magicien maladroit. La divulgation de tous les tours, sauf un, rend encore plus mystérieux le découpage en deux d’un spectateur.
ImPulls.Compagnie Farfeloup. 
Cinq danseurs exploitent toutes les possibilités plastiques des pulls en laine, révélateurs de caractères : le maniaque des bouloches, le compulsif, la sensible aux odeurs… et signes d’appartenance à un groupe. Le propos est comme l’a osé une comparse des chauds chapiteaux est quelque peu décousu, et certaines séquences manquent de rythme. Mais 15 chandails superposés ont fait des émules de retour à la maison avec chaussettes à enfiler les unes par-dessus les autres. 
J’ai beaucoup aimé ce spectacle plein de fantaisie et de couleurs. Les acteurs se mettent dans les pulls de manière à ce qu’on ait l’impression que ce sont des créatures ! Ils mettent les jambes dans les manches. Ensuite ça m’a fait plaisir de retrouver de la danse contemporaine car la danse est un de mes hobbies préférés.
Plus haut. Barolosolo.
Trois circassiens font du jonglage, du kayak sur les gradins et même des roulés-boulés en gilet de sauvetage, puis quelques tours de magie et un (faux) lion est arrivé sur scène.  
Les allusions à Calder ne sont pas évidentes bien que des empilements de kayaks et des plongeons avec je ne sais plus combien de gilets de sauvetage défient l’équilibre. « Le géant à l’âme d’enfant » dont des stabiles se retrouvent à Grenoble devant la gare et le musée avait conçu un cirque miniature dans les années 50. La troupe, elle, réinvente un cirque élémentaire drôle, faisant naître avec un lion de carton pâte une petite peur pour de rire. 
A l’Ouest je te plumerai. Olifan. 
Les quatre frères John font beaucoup penser aux Dalton. Ils nous racontent leurs histoires passionnantes de la conquête de l’Ouest, et la ruée vers l’or en jouant de la guitarabine. 
En évoquant les grands mythes de l’Ouest américain le quatuor composant ce « rodéo musical rockamburlesque » fait penser à d’autres bandits stupides en habits rayés.
Il est des jeux de mots transparents : « Mets ta chaussette » pour «Massachusetts » ou « cocotte »  en lieu et place de « coyote » mais une boisson quelque peu « brutale » parlera aux connaisseurs des « Tontons flingueurs » plutôt qu’à ceux qui connaissent par cœur « Pirate des Caraïbes ».
Seule avec vous. Collectif l’effervescente.
 
Spectacle d’une clowne. Elle doit s’habiller mais choisir est son point faible. Le maquillage n’importe quoi : elle s’est mis du far à paupières sur les dents. Ce spectacle était trop bien. L’artiste au langage inarticulé universel, emmène son public par un abattage de bon aloi, éloignant la vulgarité qui aurait pu naître d’un bout de culotte. L’actrice dynamique, acrobate accomplie, fait plier de rire quelques mamies mûres qui ont enduré jadis les difficultés de marcher avec des talons hauts et fait se marrer les marmots en établissant de fines connivences. J’ai vu quelques damoiselles enchantées de cette critique truculente des stéréotypes féminins tout en gardant un humour qui les autorise à succomber au « phare à paupière » comme l’avait écrit un jeune rédacteur.
A tiroirs ouverts. La compagnie Majordome. 
Homme très persévérant et très maladroit. Il arrive dans une petite pièce et commence à jongler avec des balles puis il fait un parcours avec des planches, une table, un tabouret. Le but est de rentrer la balle dans une poubelle. Il tombe tout le temps. 
L’original jongleur élabore des enjeux considérables depuis la simple traversée d’une table d’hypnotiques et poétiques balles blanches jusqu’à une série de rebonds aboutissant au néant de la poubelle. La maladresse du sympathique ébouriffé met en lumière une habileté diabolique.
De l’autre côté. Bêtes à plumes.
 
J’ai vraiment aimé ce spectacle, à la fois poétique et rigolo. Une femme cherche de l’inspiration pour un tableau puis une étrange femme sort de son tableau pendant qu’elle réfléchit. Elles vont commencer à se poursuivre à travers le décor…Mais j’ai trouvé le début un peu trop long jusqu’à ce que la dame bizarre arrive.  
Spectacle graphique en costumes soignés sur un rythme quelque peu languissant d’après un boomer en fin de mèche alors que les plus jeunes à qui l’on prête le goût de la vitesse l’ont simplement trouvé beau.
Grou. Les renards Effet mer.
 
J’ai absolument A.D.O.R.É  ce spectacle drôle et à la fois entraînant qui nous fait remonter le temps des pharaons jusqu’à la découverte de la lune. Durant la nuit de ses 12 ans, Charlie va rencontrer un homme préhistorique( Grou) puis un chevalier qui vont changer sa vie.
Oui ! Cent fois oui ! à l’invitation d’écrire matérialisée par un petit carnet distribué à la sortie après une représentation qui a enchanté le public. Par la porte du four apparaît un impressionnant homme de Cro Magnon, le jour de l’anniversaire, moment pour s’interroger sur le temps, quand l’envie de grandir est là et qu’une terreur des cours de récréation menace. Quelques accessoires poétiquement utilisés permettent à l’imagination de voyager dans un passé parfois déraisonnable, parfois merveilleux. 
Les enfants ne sont pas pris pour des imbéciles alors que ce sont les adultes qui l’ont bien voulu qu’on infantilise - hydratez-vous - quand l’humour rencontre l’exigence. 
Benzo, le pape du Grand Bornand, qui souvent m’agaça s’est montré plus sobre cette année en répétant l’excellente formule :« Les petits devant, l’écran derrière »
Alain Benzoni le créateur du festival qui emploie 350 bénévoles pour épauler une centaine de professionnels, m’a semblé apaisé par la reconnaissance de la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, familière des lieux du temps où elle dirigeait « Clowns sans frontière ».
Le dernier concert «  Wok’n rol » Hilaretto Compagnie m’a fait mesurer mes lacunes musicales béantes, sans gâcher mon plaisir puisqu’ était mijoté « une pincée d'AC\DC, un soupçon de Stevie Wonder et un zeste de Rolling Stones, le tout mélangé dans un wok musical relevé d'une sauce Bach et Tchaïkovski ». Le pianiste et le violoniste excellents instrumentistes forment une généreuse paire de comiques complémentaires et concurrents
dans une subtile connivence mi-fugue mi-raison avec le public.  
J'ai vraiment beaucoup apprécié ce spectacle de musique qui à la première impression m'a paru un peu ennuyeux, finalement la prestation s'est révélée pleine de surprises et de clins d’œil à de grandes musiques connues dans le monde entier, les deux musiciens étaient vraiment très marrants et ont beaucoup fait rire le public. .

dimanche 25 juin 2023

Si vous voulez bien passer à table. Grégory Faivre.

Succulente pièce, fidèle au programme annoncé, quand le théâtre rencontre la cuisine : 
« les deux univers habillent le réel pour le rendre plus supportable et il s’y joue quelque chose de précieux et fragile dans le rapport à l’autre, à la curiosité et à la diversité. » 
La politesse du titre est prouvée après une heure quarante cinq, et sa modestie usant du français sans mot démesuré, permet de s’adresser à tous les publics, ce qui n’est pas donné à toutes les compagnies.
Des fables de la Fontaine et des références légères à Brillat Savarin ou Dumas rehaussent le goût des autres. Les points de vue varient de chaque côté des portes battantes entre salle et fourneaux et brossent de savoureux portraits entrecoupés de séquences rythmées par la musique des casseroles, fouets et couteaux. Par quoi commencer une vinaigrette ? Les mots des producteurs locaux : « Oui chef ! » « Ya pas de souci » s’accordent avec la poésie des intitulés de plats: de « sarabande folle de douceurs exquises » à la « purée » finissant en « écrasé de pomme de terre ». 
Nous retrouvons des saveurs familières, en divers lieux, mais en ces temps amers, j’ai apprécié particulièrement la mise en valeur du goût du travail bien fait qui atteint même le débutant ne sachant pas ce que « pocher un œuf » veut dire. Hommes et femmes sont valorisés, aussi bien la végan que la bouchère alors que le destin des amoureux peut basculer autour d’un Martini. 
Les ingrédients sont sublimés, quand une île flottante peut révéler bien des mystères comme une tarte aux pommes réveiller les souvenirs et le lard fumé dans une quiche contribuer à étayer une personnalité.

dimanche 18 juin 2023

La Mouette. Tchekhov. Teste.

Cette fois c’est « la » mouette et non « une mouette », plus universelle que slave, 
qui nous est proposée à la MC 2 : théâtre dans le théâtre, partir ou rester à la campagne, incomplétude de l’amour et destins inaccomplis. 
Les malentendus, les apparences, participent à cette comédie ainsi définie par l’auteur, où cependant on ne rit guère.
Les images alimentées par des vidéastes mettant en valeur les expressions des comédiennes composent un mur graphique attirant les regards mais éloignant du scénario qui finit cependant par s’éclaircir à la longue. Cette virtuosité autour des images me semblait comme issue d’un jeu découvert depuis peu au détriment de la profondeur du texte d’une actualité brulante : 
« Les hommes, les lions, les aigles et les perdrix, les cerfs à cornes, les oies, les araignées, les poissons silencieux, habitants des eaux, les étoiles de mer et celles qu’on ne peut voir à l’œil nu, bref, toutes les vies, toutes les vies, toutes les vies se sont éteintes, ayant accompli leur triste cycle... 
Depuis des milliers de siècles, la terre ne porte plus d’êtres vivants et cette pauvre lune allume en vain sa lanterne. Dans les prés, les cigognes ne se réveillent plus en poussant des cris, et l’on n’entend plus le bruit des hannetons dans les bosquets de tilleuls. Tout est froid... froid... froid... froid... Tout est désert... désert... désert... J’ai peur... peur... peur... » 
Lorsque je me relis, je vois que j’ai dépassé le moment où je m’émerveillai de la nouveauté des procédés. Je préfèrerais à présent des mises en scènes plus sobres allant chercher plus d’intériorité. 
Il y a des livres pour ça ; mais je n’aime pas trop lire le théâtre dont les émotions ne peuvent pas être  indexées sur la précision d’un zoom. 

dimanche 11 juin 2023

Hip Hop opening. Saïdo Lehlouh Bouside Ait Atmane.

Les dix danseurs n’ont pas besoin d'affichage métaphysique, ni de noms prestigieux sur lesquels s’adosser pour proposer une heure de pur plaisir, de mouvements intenses et variés, accordés aux musiques du DJ de l’établissement de nuit qui les anime.
Au bout d’une heure quand le rideau se ferme, on a l’impression que cette énergie ne peut s’éteindre. 
On est dispensé d’un final car chaque séquence puissante aurait pu être  la dernière. 
Chaque spectacle dans un même lieu appelle des comparaisons toutes en faveur de cette troupe qui réussit à harmoniser les performances individuelles avec le collectif. 
Les bruits de beat box, la musique techno s’accordent finement aux torsions des artistes dans leurs costumes fluides, dont l’un d’entre eux danse aussi bien qu’il chante et c’est époustouflant.

dimanche 4 juin 2023

Le crocodile trompeur. Samuel Achache, Jeanne Candel, Florent Hubert.

"Le Crocodile trompeur", c'est Enée obligé par Jupiter de partir en Italie, il pleure son amoureuse Didon, la reine de Carthage. 
Il s’agit d’un opéra de Purcell : Didon et Enée, où heureusement advient la musique après mimes et clowneries en costard qui ont beaucoup trop duré à mon avis après un conteur nous entretenant des rapports entre planètes, chiffres et êtres, dont il est difficile de voir le rapport avec la tragédie.
Les musiciens interviennent brièvement avant une exploration du corps au moment de la passion amoureuse d’où une amplification des battements du cœur puisqu’il est question de l’organe où pulsent les passions.
Des trucs de ce spectacle de dix ans d’âge ont été repris par trop de compagnies : monologue devant la salle allumée, acteurs qui passent parmi les spectateurs, décor de gravats et lustre, pouf à roulettes et tapis emmêlé, farine qui tombe des cintres, tête de biche en trophée. 
Le chef d’orchestre embarrassé par ses chaussures de ski était au diapason d’un public grenoblois pas forcément aussi dégourdi que l’acrobate contre-ténor, le bras en écharpe.
Et puis après tant d’absurdités, le dilemme entre la passion et le devoir est quand même habilement traité avec un maître de cérémonie mettant dans la bouche de la belle Didon et du beau Enée ce qu’ils devraient dire. Et là s’expriment enfin les chanteurs, réconciliant les rieurs qui ont peut être reconnu les Monty Python et ceux que la musique baroque matinée de jazz a ému. 

dimanche 28 mai 2023

Othello. Jean- François Sivadier.

Trois heures pour un chef d’œuvre datant de 1603 et qui toujours nous concerne : il faut le faire,  surtout que les dégâts de la jalousie ne constituent pas forcément pour moi un enjeu majeur. 
« La jalousie ? Un monstre qui s'engendre lui-même et se nourrit de soi. » 
Othello va préférer écouter un arriviste retors plutôt que son amoureuse qu’il dit aimer très fort.
Dans le balancement éternel de la fidélité à la version originale et son actualisation, le metteur en scène mêlant habilement la comédie à la tragédie, réussit une nouvelle fois à nous intéresser. Délicate opération quand l’accumulation burlesque des cadavres évite le grotesque. 
Même si des procédés deviennent par trop coutumiers : acteurs venant de la salle, décors en suspension … le grand linceul final m’a paru somptueux. 
Nicolas Bouchaud  en Iago, d’une cruauté manipulatrice emblématique, séduit une fois encore.
Son dernier geste dessinant au sang le sourire du Joker concentre tout le propos du metteur en scène de 2023, après le « white face » d’Othello ayant fait volte face depuis son amour absolu devenu haine envers Desdémone.
Même si parfois on peut se demander si des répliques sont vraiment de Shakespeare, les réflexions sur les femmes au volant étant carrément inutiles, tant de sagesse, d’acuité, de poésie venant de si loin méritent les guillemets : 
« Il ne tient qu'à nous d'être ceci ou cela : nos corps sont des jardins, dont nos volontés sont les jardiniers, de sorte que si nous voulons y planter des orties, ou y semer de la laitue, y mettre de l'hysope et y sarcler du thym; les combler d'une seule espèce d'herbe où les troubler en en semant plusieurs; les rendre stériles par l'oisiveté, ou les féconder par le travail, eh bien, le pouvoir et l'autorité qui dirige tout cela résident dans le vouloir. » 

dimanche 21 mai 2023

La belle au bois dormant. Marcos Morau.

Le sommeil dont il est question dans le conte de Perrault est réenchanté par le chorégraphe catalan qui rend beau même les cauchemars.
Adieu fuseau endormeur, nous pénétrons dans le temps, les songes, notre temps préoccupé. 
Nous échappons à une trop insistante interprétation woke autour d’un baiser salvateur non consenti et sommes emmenés autour de la musique de Tchaïkovski entrecoupée d'habituels sons discordants, dans un univers créatif d’une richesse et d’une force qui ne se démentent pas tout au long de cette heure et demie. 
Les éclairages sont magnifiques, les mouvements passant de l’indifférenciation initiale à la vitalité affolée des 15 danseurs courant pour 150 réconcilient avec les formes contemporaines. 
Les souples robes à crinoline comme des corolles permettent de douces fusions et des déplacements rêveurs. Les gestes mécaniques du début s’effacent pour la découverte de silhouettes rappelant quelques béguines ou les rondeurs des ménines, avant que des pantins apparaissent et que l’angoisse monte lorsque des corps se désarticulent et que fuient interminablement les danseurs dépouillés petit à petit de leurs atours.

dimanche 14 mai 2023

Pénélope. Jean-Claude Gallotta.

Quel plaisir de retrouver la danse, des petits pas familiers et des inventions nouvelles !
Pénélope vue par notre patrimonial grenoblois n’attend pas son Ulysse en tricotant, solitaire.  Multipliée en cinq , les prétendants doivent déployer autour d'elles, une énergie qui ne s’use pas tout au long de cette heure et quart.
Hommes ou femmes portant bandeaux sur la poitrine et sur le bassin animent des compositions graphiquement réussies, assurés d’une égale dignité.
La reine au foyer qui attend - tic tac tic tac- à Ithaque est-elle faible ou forte ?
Le chorégraphe aime dire que les mythologies sont ré-interprétables sans fin, il le prouve avec une bande son stimulante pour une troupe au point.
Quatre chapitres et un épilogue  découpent le temps : Les Prétendants, Les Guerrières, Les Indociles, Les Réconciliés pour une même vigueur. 
Les couples se font et se défont parfois derrière un écran ou dans une salle de répétition, une femme et un homme en fauteuil roulant esquissent quelques gestes tout en offrant de magnifiques superpositions.
« Nous sommes ce que nous dansons » est-il dit dans un texte accompagnant les gestes qui parlent d’eux-mêmes. Piètre valseur, je ne me sens pas grand-chose, seuls me sauvent quelques « neurones miroir » qui ont eu encore la chance de reluire ce soir.

dimanche 7 mai 2023

Tout mon amour. Laurent Mauvignier Arnaud Meunier.

Le metteur en scène par ailleurs directeur de la MC2 est plus subtil dans la présentation de la première pièce de Mauvignier, écrivain contemporain majeur, que dans son prêchi-prêcha initial concernant la réforme des retraites et le sort des intermittents pendant la COVID. 
Torreton est revenu dans la maison de son père avec sa femme Anne Brochet qui ne veut pas s’éterniser dans ce lieu qui est aussi celui où a disparu leur fille, Elisa. Ce titre excessif et banal comporte le mot amour que les dénis ont empêché de voir tout au long de la pièce.
Une fille vient frapper à la porte. Le petit fils qui n’était pas venu à l’enterrement revient pour aider ses parents à se défaire ou à vivre avec leurs fantômes.
Bien que les cris dominent, les non-dits sont bien dits, et les ambiguïtés ne brouillent pas le propos donnant plus de poids aux souvenirs, à l’imaginaire qu’à un présent affolé.
Le décor sobre ne disperse ni l’attention ni les tensions tout en jouant sur les filtres qui peuvent s’interposer entre la réalité et nous les spectateurs de théâtre, une fois nos écrans mis à recharger. 
Souvent les livres se font adapter au cinéma, je serais curieux de lire le livre qui pourrait être tiré de ce « polar métaphysique ». Il gagnerait peut être en intériorité, en émotion, avec encore plus de silence.

dimanche 30 avril 2023

Optraken. Le Galactik Ensemble.

Après avoir pris connaissance de la signification d’« Optraken », l'étrangeté de ce moment offert par la MC2, son originalité, restent intactes: 
« tire-bouchon en norvégien, il désigne aussi un mouvement de repli des jambes à skis, qui permet un saut contrôlé, évitant le décollage au passage d’une bosse ».
Le spectacle des cinq circassiens, original, surprenant, pétaradant, suscite rires et angoisses.
Il commence dans un dispositif astucieux où des paravents mobiles découvrent et camouflent les personnages d’abord statiques puis s’animant en milieu glissant dans une profusion d’objets affolés.
Les artistes sur le qui-vive échappent aux boulettes jetées depuis les côtés et aux sacs de farine s’abattant lourdement sur le sol depuis les cintres.
Le plafond leur tombe sur la tête et la poussière les recouvre, les corps malmenés esquivent et chutent, le sol est jonché de débris.
Le spectacle est éminemment politique quand un escogriffe en slip dont le dos est siglé « 49.3 » essaye d’éviter les projectiles sur fond d’écriteaux valant surtout pour leur rime riche : 
« Les retraites c’est comme la galette on la veut complète ».
Cette correspondance entre la scène et ce qui se déroule dans nos rues, permet-elle d’induire ce que j’ai pris pour des allusions à la situation en Ukraine où les protagonistes n’échappent pas aux balles avec tant de grâce et d’efficacité que les acrobates sur le plateau de la MC2 ?

dimanche 23 avril 2023

GB swing. Atrium.

Bel hommage à Brassens, le centenaire inoubliable,
par cinq musiciens aux mains agiles.
Un choix varié de morceaux de bravoure évite l’imitation sans attrait avec des pépites à découvrir encore et des révisions patrimoniales. Par le violon ou l’accordéon est mise en évidence la richesse des musiques avec bien sûr les guitares, banjo et autre clarinette.
En remarquant que 
« Si seulement elle était fidèle
Je dirais: « tout n'est pas perdu
Elle m'empoisonne, c'est entendu
Mais c'est une épouse modèle. »
 
aurait mérité une interprétation plus gaillarde, alors que j’aurais vu « Les passantes » plus diaphanes, se mesure l’étendue des inspirations de l‘immortel Sétois dont l’originalité réserve toujours des découvertes.
Comme l’affiche de cette salle sympathique au centre du Fontanil l’indiquait, la petite troupe swingue allègrement et partage son plaisir de jouer avec un de leurs nombreux copains qui les remercie avec cet article, à ranger dans une rubrique « copinage » sans se cacher sous une fausse moustache.
Au-delà d’une des anecdotes biographiques qui agrémentent le concert, se remarquent la patience, et le travail nécessaire pour accéder à la légèreté ( « Les passantes ») :   
« À la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin »
 
En 1972, quand Gibraltar, le secrétaire de Georges qui venait enfin d’être satisfait de sa mise en musique arriva chez l’auteur Antoine Pol, découvert en 1942, celui-ci venait de mourir, la veille.