Le festival international du Grand Bornand consacré au jeune public fêtait ses 30 ans.
Familière de cet évènement depuis 2014, ma petite fille m’accompagne
cette année de ses comptes rendus.
Revenue de vacances en Bretagne, « Un Océan d’amour » ne pouvait la dépayser. Même si aucun
mot n’est prononcé comme dans la BD dont la compagnie de la Salamandre s’est
inspirée, le récit maritime farci de bruitages est limpide.
Deux hommes plient des bateaux en
papier et racontent l’histoire d’un couple qui vit en Bretagne. Le mari est
pêcheur et un jour il ne rentre pas, donc sa femme commence à s’inquiéter, elle
part à sa recherche vers Cuba…
Ces petites embarcations fragiles mènent loin quand l’amour est
là et se frayent leur chemin parmi les trainées sanguinolentes laissées par
la pêche industrielle et les traces noires des porte-conteneurs.« L’île au
trésor ». Jim tient une petite auberge et
rencontre un pirate qui a un coffre. Finalement celui-ci meurt à cause du rhum.
Le moussaillon prend le coffre et là : Surprise ! Une carte au
trésor ! Donc il part à l’aventure avec un équipage dont il est le mousse
et il y a de nombreux périls, des trahisons etc…
Un comédien et un violoncelliste font revivre à eux seuls
l’épopée de Stevenson, pleine de bruit et de fureur, à hauteur d’enfant :
quelques paires de bottes et une jambe de bois suffisent avec une gaillarde
inventivité pour évoquer des aventures pourtant
réputées compliquées.« Sage comme un
orage ». La mère d’une enfant handicapée est morte. Un jour son
père rencontre une nouvelle femme qui a un fils, et du coup la fille doit
partager sa chambre avec son demi frère qu’elle n’a pas choisi… et finalement
elle l’aime bien.
Il faut du temps pour que deux êtres s’apprivoisent surtout
que l’une attachée à sa lune, son handicap, semble tenir à sa solitude. Les
mots, l’imagination, la bienveillance, vont permettre de surmonter les colères,
les incompréhensions.« Né quelque
part »
Un jeune garçon Syrien vivait tranquille et là, PAF ! La guerre, la terrible guerre a éclaté, donc il a dû fuir son pays, traverser la mer en tout petit radeau à 30... et toutes sortes d’atrocités.
Le garçon et sa famille arrivent sains et saufs dans un foyer à Paris ...
Un contrebassiste met en scène des enfants avec leurs
blagues, leurs souffrances et leur vitalité avec la chanson de Le Forestier comme fil conducteur. Le sujet dramatique est présenté
simplement, clairement, sans pathos, sa représentation a obtenu un succès mérité.« Mines de
rien » : Un jeune gars muet. Ses
parents trouvent ça tellement étrange qu’ils l’envoient chez de nombreux médecins mais : RIEN ! Ils
l’emmènent donc dans un centre pour les enfants handicapés et leur enfant adore
les livres. A la fin, ils découvrent qu’il n’y a rien à faire pour leur fils,
qu’il suffit de l’aimer.
La thématique du handicap est très présente dans ce festival.
« La fabrique des petites utopies » aux talentueuses actrices avec marionnettes, masques,
livres qui se déplient, belles inventions, raconte
comment un enfant s’échappe du malheur, établissant un éloge des éducateurs
bienvenu après tant de détresse, d’épreuves, de preuves d’amour pas gagnées
d’avance.
« Comme une étincelle »
C'est un spectacle de magie en vidéo. Il y a plusieurs tours différents avec des ombres chinoises (fausses): homme canon, acrobates, danseuse, etc... et des tours réels , les cartes, les mouchoirs, les lumières...🎪
Pour « Le cirque des étoiles », la précision du
soliste permet de faire jouer toute une ribambelle de circassiens de rêve. Il offre
une pause parmi tant de problèmes abordés
par beaucoup de compagnies. Sa poésie entre réel et imaginaire n’est pas sans enjeu. Maintenant
que le cirque et ses figures traditionnelles sont remis en cause, que la taille
des équipes de comédiens se réduit, il est réjouissant de voir se perpétuer la
virtuosité des funambules et l’inventivité des montreurs d’ombres.
Au fil des années le public enfantin de ce festival m’a
semblé mûrir, accessible d’emblée aux symboliques, répondant aux rites
théâtraux, pressentant les silences, les ruptures, les conclusions. Si je me lance dans un éloge général des attitudes des enfants, je regrette que quelques parents se fassent remarquer par leur exclusivité alors que
d’autres regardent en l’air en cas de conflit.
Le succès de ce festival tient à la diversité des
propositions des 87 compagnies assurant 588 représentations mais il n’est pas
utile au créateur de ce rendez- vous proclamé « le plus tendre de
l’été » de rabâcher des propos bien peu tendres envers ceux dont il ne
respecte pas « la différence ». Des rassemblements, avec une
telle densité nous étourdissent de bruits et de sollicitations. Ils n’échappent
pas aux travers d’une modernité zappeuse où les éclats d’une fanfare peuvent
perturber des moments ténus de grâce approchés par d’autres représentations où
s’apprennent le silence et la lenteur.
« Quels enfants laisserons-nous à la
planète ? » est le joli titre du colloque tenu pendant ce temps par la psychanalyste Sophie Marinopoulos qui alerte sur « la
malnutrition culturelle et le manque de liens qui menacent les plus
jeunes ». La réponse à ces questions fondamentales, se gagne justement sous les chapiteaux multiples qui
ont poussé là cette semaine, où s'activent les acteurs dont l'appellation tombe à pic. Une plus
grande confiance en soi et en l’autre adviendra peut être depuis ces spectacles vivants, ces occasions d'activités ludiques.
Cependant ces
diagnostics pertinents risquent de se perdre sous quelques verbiages :
« relation d’aimance à tout ce qui vit ». Et l'on peut se demander si les enfants du numérique seront détournés de
leurs écrans, au-delà de ce séjour estival enchanté.
Pour savoir que
« le monde n’est pas à posséder mais à habiter », j’ai constaté
aussi que des années d’éducation civique n’ont pas éradiqué les violences. Depuis
que le mot « liberté » est brandi par ceux qui l’ont compris comme
« tout pour ma gueule », le catéchisme laïque que je me suis efforcé
de servir connaît les dévoiements de ses ambitions quand il tourne à l’abandon
avec « chacun fait ce qui lui plait ». Égoïsme et indifférence. L’éclosion d’une «
génération capable de colorer autrement notre avenir et le rendre enviable »
ne se fera pas sans contradictions.
Je me souviens du jour où tu as écrit ici qu'il valait mieux qu'une offense ne soit pas commise que de "devoir" la pardonner.
RépondreSupprimerCela m'a interpellée. Cela semble... logique, et souhaitable. Mais cet été je constate partout autour de moi le poids de devoir atteindre la perfection... morale, artistique, professionnelle, ce que l'on veut. Quel poids... J'ai vu à quel point cette exigence de la perfection finissait par faire craquer les plus vaillants autour de moi, tant l'être humain individuel parvient à intérioriser cette pression sociale de devoir être parfait dans ce qu'il est, ce qu'il fait.
Pour les enfants... je ne vois pas pourquoi ils seront meilleurs que nous avons été... Penser qu'ils vont nous sauver, qu'ils peuvent nous sauver, c'est les charger d'un poids insupportable. C'est méconnaître notre besoin fondamental ? de durer au delà de nous-mêmes par identification avec notre progéniture. Pourquoi cette volonté d'affubler l'enfant d'une innocence souvent niaise, qui fait contrepoids à notre sentiment intime d'adulte de... déchéance, de honte ?
J'aimerais bien que nous puissions sortir de là. Mais avec le temps, je ne suis pas optimiste.