dimanche 4 septembre 2022

« Au bonheur des Mômes » 2022.

Le festival international du Grand Bornand consacré au jeune public fêtait ses 30 ans.
Familière de cet évènement depuis 2014, ma petite fille m’accompagne cette année de ses comptes rendus. 
Revenue de vacances en Bretagne, « Un Océan d’amour » ne pouvait la dépayser. Même si aucun mot n’est prononcé comme dans la BD dont la compagnie de la Salamandre s’est inspirée, le récit maritime farci de bruitages est limpide. 
Deux hommes plient des bateaux en papier et racontent l’histoire d’un couple qui vit en Bretagne. Le mari est pêcheur et un jour il ne rentre pas, donc sa femme commence à s’inquiéter, elle part à sa recherche vers Cuba… 
Ces petites embarcations fragiles mènent loin quand l’amour est là et se frayent leur chemin parmi les trainées sanguinolentes laissées par la pêche industrielle et les traces noires des porte-conteneurs.
« L’île au trésor ». Jim tient une petite auberge et rencontre un pirate qui a un coffre. Finalement celui-ci meurt à cause du rhum. Le moussaillon prend le coffre et là : Surprise ! Une carte au trésor ! Donc il part à l’aventure avec un équipage dont il est le mousse et il y a de nombreux périls, des trahisons etc… 
Un comédien et un violoncelliste font revivre à eux seuls l’épopée de Stevenson, pleine de bruit et de fureur, à hauteur d’enfant : quelques paires de bottes et une jambe de bois suffisent avec une gaillarde inventivité pour évoquer des aventures pourtant réputées compliquées.
«  Sage comme un orage ». La mère d’une enfant handicapée est morte. Un jour son père rencontre une nouvelle femme qui a un fils, et du coup la fille doit partager sa chambre avec son demi frère qu’elle n’a pas choisi… et finalement elle l’aime bien. 
Il faut du temps pour que deux êtres s’apprivoisent surtout que l’une attachée à sa lune, son handicap, semble tenir à sa solitude. Les mots, l’imagination, la bienveillance, vont permettre de surmonter les colères, les incompréhensions.
« Né quelque part »
Un jeune garçon Syrien vivait tranquille et là, PAF ! La guerre, la terrible guerre a éclaté, donc il a dû fuir son pays, traverser la mer en tout petit radeau à 30... et toutes sortes d’atrocités. 
Le garçon et sa famille arrivent sains et saufs dans un foyer à Paris ... 
Un contrebassiste met en scène des enfants avec leurs blagues, leurs souffrances et leur vitalité avec la chanson de Le Forestier comme fil conducteur. Le sujet dramatique est présenté simplement, clairement, sans pathos, sa représentation a obtenu un succès mérité.
«  Mines de rien » 
: Un jeune gars muet. Ses parents trouvent ça tellement étrange qu’ils l’envoient chez de  nombreux médecins mais : RIEN ! Ils l’emmènent donc dans un centre pour les enfants handicapés et leur enfant adore les livres. A la fin, ils découvrent qu’il n’y a rien à faire pour leur fils, qu’il suffit de l’aimer. 
La thématique du handicap est très présente dans ce festival. « La fabrique des petites utopies » aux talentueuses actrices avec marionnettes, masques, livres qui se déplient, belles inventions, raconte comment un enfant s’échappe du malheur, établissant un éloge des éducateurs bienvenu après tant de détresse, d’épreuves, de preuves d’amour pas gagnées d’avance. 
 « Comme une étincelle »
C'est un spectacle de magie en vidéo. Il y a plusieurs tours différents avec des ombres chinoises (fausses): homme canon, acrobates, danseuse, etc... et des tours réels , les cartes, les mouchoirs, les lumières...🎪
Pour « Le cirque des étoiles », la précision du soliste permet de faire jouer toute une ribambelle de circassiens de rêve. Il offre une pause parmi tant de problèmes abordés  par beaucoup de compagnies. Sa poésie entre réel et imaginaire n’est pas sans enjeu. Maintenant que le cirque et ses figures traditionnelles sont remis en cause, que la taille des équipes de comédiens se réduit, il est réjouissant de voir se perpétuer la virtuosité des funambules et l’inventivité des montreurs d’ombres.
Au fil des années le public enfantin de ce festival m’a semblé mûrir,  accessible d’emblée aux symboliques, répondant aux rites théâtraux, pressentant les silences, les ruptures, les conclusions. Si je me lance dans un éloge général des attitudes des enfants, je regrette que quelques  parents se fassent remarquer par leur exclusivité alors que d’autres regardent en l’air en cas de conflit.
Le succès de ce festival tient à la diversité des propositions des 87 compagnies assurant 588 représentations mais il n’est pas utile au créateur de ce rendez- vous proclamé « le plus tendre de l’été » de rabâcher des propos bien peu tendres envers ceux dont il ne respecte pas « la différence ». Des rassemblements, avec une telle densité nous étourdissent de bruits et de sollicitations. Ils n’échappent pas aux travers d’une modernité zappeuse où les éclats d’une fanfare peuvent perturber des moments ténus de grâce approchés par d’autres représentations où s’apprennent le silence et la lenteur.
«  Quels enfants laisserons-nous à la planète ? » est le joli titre du colloque tenu pendant ce temps par la psychanalyste Sophie Marinopoulos qui alerte sur « la malnutrition culturelle et le manque de liens qui menacent les plus jeunes ». La réponse à ces questions fondamentales, se gagne justement sous les chapiteaux multiples qui ont poussé là cette semaine, où s'activent les acteurs dont l'appellation tombe à pic. Une plus grande confiance en soi et en l’autre adviendra peut être depuis ces spectacles vivants, ces occasions d'activités ludiques. 
Cependant ces diagnostics pertinents risquent de se perdre sous quelques verbiages : « relation d’aimance à tout ce qui vit ». Et l'on peut se demander si les enfants du numérique seront détournés de leurs écrans, au-delà de ce séjour estival enchanté. 
Pour savoir que « le monde n’est pas à posséder mais à habiter », j’ai constaté aussi que des années d’éducation civique n’ont pas éradiqué les violences. Depuis que le mot « liberté » est brandi par ceux qui l’ont compris comme «  tout pour ma gueule », le catéchisme laïque que je me suis efforcé de servir connaît les dévoiements de ses ambitions quand il tourne à l’abandon avec « chacun fait ce qui lui plait ». Égoïsme et indifférence. L’éclosion d’une «  génération capable de colorer autrement notre avenir et le rendre enviable » ne se fera pas sans contradictions. 

1 commentaire:

  1. Je me souviens du jour où tu as écrit ici qu'il valait mieux qu'une offense ne soit pas commise que de "devoir" la pardonner.
    Cela m'a interpellée. Cela semble... logique, et souhaitable. Mais cet été je constate partout autour de moi le poids de devoir atteindre la perfection... morale, artistique, professionnelle, ce que l'on veut. Quel poids... J'ai vu à quel point cette exigence de la perfection finissait par faire craquer les plus vaillants autour de moi, tant l'être humain individuel parvient à intérioriser cette pression sociale de devoir être parfait dans ce qu'il est, ce qu'il fait.
    Pour les enfants... je ne vois pas pourquoi ils seront meilleurs que nous avons été... Penser qu'ils vont nous sauver, qu'ils peuvent nous sauver, c'est les charger d'un poids insupportable. C'est méconnaître notre besoin fondamental ? de durer au delà de nous-mêmes par identification avec notre progéniture. Pourquoi cette volonté d'affubler l'enfant d'une innocence souvent niaise, qui fait contrepoids à notre sentiment intime d'adulte de... déchéance, de honte ?
    J'aimerais bien que nous puissions sortir de là. Mais avec le temps, je ne suis pas optimiste.

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