Le livre que lit une maman à sa fille avant qu’elle
s’endorme est intitulé « Histoires de la nuit ».
En une nuit, les
histoires des personnages attentivement exposées tout au long des 635 pages
vont se révéler, exploser.
Même dans le hameau le plus reculé, derrière un
panneau que personne ne lit, « L’Ecart des trois filles », nul
n’échappe au passé.
« Et tout ça
pour faire quoi dans un bled pourri du centre de la France, au milieu de rien,
de champ suintant le pesticide et le cancer, l’ennui, la désertification et le
ressentiment ? »
Commencé comme une chronique campagnarde dans la veine de la
bienfaisante Marie Hélène Laffon http://blog-de-guy.blogspot.com/2014/11/joseph-marie-helene-lafon.html
, le roman se poursuit en un huis clos palpitant mené par une écriture
enveloppante dont les ralentis approchent de la vérité tout en mettant en jeu
les violences.
« … pour ne pas l’effrayer, est ce que ce
sont des choses qu’on peut dire devant une fillette ? Est ce qu’on peut
parler de ces menaces, de cette méchanceté, est ce qu’on ne doit pas la
préserver et lui faire croire la plus longtemps possible que le monde qui nous
entoure n’est pas peuplé de fous furieux, ni d’aigris, de jaloux, de
mesquins ? »
La distance entre les paroles rares et les intentions est
marquée lors des dialogues intérieurs de chaque protagoniste, dans leur
singularité, leur sincérité, leur quête, leurs contradictions.
La petite fille:
« Ida
comprend comment les choses se logent comme des bêtes dans les planches qui
pourrissent dans la grange, des insectes qui grignotent le bois sans qu’on s’en
aperçoive. »
Sa maman :
« Si
elle ne le formule pas, la vérité c’est qu’elle rit d’avoir enjambé sa peur et
d’avoir pu la tenir en bride et la faire plier. »
La voisine artiste a noté dans ses carnets :
« La culture, c’est ce qu’on nous fait,
l’art c’est ce que nous faisons »
Et celui qui tombe sur cette phrase :
« Lui, ça l’étonne,
ce genre de phrases ; Il ne comprend pas. Ce genre de citations. Yves
Klein. Ne pas savoir qui c’est ce nom. Ne pas comprendre le blesse. »
Il est beaucoup question de la peur, des distances sociales,
de peinture et d’écriture, et c’est tout à fait ça :
« … recouvrir et
faire jouer la transparence, recouvrir jusqu’à ce qu’une forme apparaisse qui
n’a rien à voir avec celles qui, du dessous, ont rendu possible celle qui apparaît
par superpositions, glacis, enregistrant des strates et faisant mémoire des couches
qui ne se laissent pas dissoudre tout à fait et remontent, vibrent en
s’effaçant… »
Fort comme d’habitude et en même temps renouvelé; très fort.
Oui, pour enjamber sa peur, de pouvoir la tenir en laisse et la faire plier. C'est une sensation grisante, et un vrai.. pouvoir.
RépondreSupprimerJe résiste à la tentation de nous diviser en contraires qui s'excluent. La culture, c'est aussi ce que nous faisons, et l'art.. on le reçoit d'un ailleurs.
On peut se sentir puissant tout en recevant nos origines d'un ailleurs qui nous dépasse.
De toute façon... la TOUTE puissance n'est pas pour nous...