dimanche 4 février 2018

Festen. Thomas Vinterberg, Cyril Teste.

« Balance ton porc en famille », « balance ton père », ces formules clins d’œil ne rendraient pas compte de la profondeur de ce spectacle, bien que l’onde de choc partie d’Hollywood soit dans tous les esprits, au-delà des excès et des polémiques, dans une affaire où femmes et hommes auront tout à gagner finalement.
Qui ne savait pas qu’il s’agissait de révélation de secrets de famille dans cette pièce, inceste et suicide, exprimés lors d’un repas de famille ?  Au-delà du scandale, sont posées les questions de la vérité, des silences, de l’inhumanité. 
Après avoir été de la génération du fils par qui advient la vérité éclatante, j’en suis même au-delà de l’âge de ce père dont on fête les soixante ans. L’identification aurait pu jouer avec moi, quand on voudrait que tout se passe bien dans des moments solennels. Mais le sourire permanent posé sur « la figure du mal » permet de prendre une distance nécessaire alors que les émotions ne nous sont pas ménagées. Les acteurs sont excellents.
Et si ce qui a été dit n’avait pas été dit ?  La vérité est tellement crue, que c’est difficile de la croire. Je devrais me rapprocher de la grand-mère qui ne voit rien, poétise dans l’indifférence.   
Folie, cruauté, hypocrisie, les enfants n’ont pas été des enfants, le père n’a pas été un père: le propos est criant, pas besoin des sous-titres habituels pour nous questionner.
Ce drame aigu est plus finement politique que bien des retours sur les années 30 qui squattent les plateaux. La fin est apaisante, après des sons stridents et un piano qui appellerait la paix et la joie : le tableau en ouverture et en belle conclusion est celui de Corot : Orphée ramenant Eurydice des enfers (merci les Inrocks), parfaitement exploité.
J’avais un souvenir vague du film de 20 ans d’âge, sinon qu’il était de bon ton d’avoir apprécié sa violence. Malgré la force et la nouveauté d’un « Nobody » précédent  par le collectif de Cyril Teste http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/10/nobody-falk-richter-cyril-teste.html, et parce je n’étais pas sûr de retrouver ces qualités, j’ai été d’autant plus enthousiaste.
Les caméras sur le plateau apportent une poésie et quelques effets magiques, un rythme, une beauté, une intimité, une puissance démultipliés.
Le public grenoblois en dehors des spectacles musicaux est avare de stand up, cette fois je me suis levé pour applaudir avec la salle au bout de ces deux heures  intenses.

1 commentaire:

  1. J'ai vu "Festen" il y a un certain temps, à Sassenage, dans la mise en scène d'une amie avec des amateurs qui furent tous remarquables.
    Mais je n'avais pas envie de voir ce psychodrame dans le contexte actuel..
    Par contre, j'attends avec impatience le dernier livre d'Ingmar Bergman avec ses souvenirs sur le vieux père. Déjà dans "Laterna Magica", Bergman avait commencé à nuancer ses propos sur son vieux père pasteur, patriarche, et parfois un peu rude, et leste de sa main. (Nous sommes devenus tellement inconséquents que la mention même du mot "violence" suffit maintenant pour nous faire courir chercher un sauveur...oops, j'aurais du dire une sauveuse, et pas un sauveur.)
    Dans le dernier livre de souvenirs d'enfance et autres souvenirs de Bergman, il paraît qu'il s'apaise enfin dans son rapport avec son vieux père. J'ai hâte de le lire. Et je me dis qu'il n'y a pas que moi qui devrait le lire, tout de même...

    RépondreSupprimer