mercredi 17 décembre 2025

Montparnasse 19 de Jacques Becker. Jean Serroy.

Parmi quelques titres à l’affiche : « Les amants de Montparnasse » est le plus fidèle à un scénario évoquant les deux dernières années de la vie de Modigliani interprété par Gérard Philippe. 
Max Ophuls réalisateur de « Lola Montès » avait déjà décrit la déchéance d’une artiste, il ne pourra aller au bout de son dernier projet, repris par Jacques Becker sans le dialoguiste Henri Jeanson qui en avait préparé les bons mots.
Becker avait lui aussi traité de la fin tragique d’un créateur de mode dans «  Falbalas » et de l’amour fou avec « Casque d’or ». Le réalisme poétique alors en vogue touchait à sa fin.
L’œuvre d’une heure trois quart tournée en 1958 est inspirée par le roman « les Montparnos » de Michel Georges-Michel décrivant le milieu artistique de Montparnasse venant après celui de Montmartre : Foujita, Kissling, Juan Gris, Ribeira, Soutine, Chagall, Picasso… tous ces étrangers.
Le contexte historique d’une fin de guerre euphorique est évacué ainsi que le folklore bohème. Un sombre noir et blanc se focalise sur « Modi » en artiste maudit ; le séducteur s’autodétruit dans l'alcool et la drogue.
Sa relation désinvolte et violente avec Béatrice, une journaliste anglaise jouée par Lilli Palmer, autre monstre sacré, s’interrompt lorsqu’il tombe sous le charme de Jeanne Hébuterne interprétée par la lumineuse Anouk Aimée.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2013/10/modigliani-entre-legende-et-histoire-de.html 
 A l’atelier, ils se dessinent mutuellement : 
l’amour s’unit à l’art dans un rare moment de bonheur. 
Bien qu’il ait vendu quelques tableaux, ses contemporains ne reconnaissent pas ses recherches de la « haute note jaune » chère à Van Gogh qu’il cite devant un acheteur américain auquel il n’a pas envie de vendre.
Le rapport de l’artiste et des marchands et les difficultés pour vivre de son travail sont vus sous différents regards comme avec son ami toujours disponible ou la quête humiliante pour un portrait sur un coin de table de bistrot. Son unique exposition personnelle sera un échec, une de ses sculptures passera à travers la vitre de la porte de la galerie.
Deux nus en vitrine dont les poils pubiens vont chatouiller le commissaire de police du quartier et offrir quelque publicité à l'artiste désargenté. Alors que s’érigeaient tant de monuments aux poilus morts pour la France, cette pudibonderie qui ignorait « L’origine du monde » est à rapprocher du code Hays en vigueur dans le cinéma américain qui interdisait les baisers de plus de trois secondes.
Lino Ventura découvert par le réalisateur de « Touchez pas au grisbi »  incarne un marchand de tableau parfaitement odieux qui s’empare des toiles alors que Modigliani vient de mourir et qu’il ne le dit pas à Jeanne. 
Elle s’est suicidée un jour après son amoureux laissant une orpheline.
La réalité fut plus âpre que le film si bien éclairé avec le père impitoyable de Jeanne, elle amoureuse trop soumise, et malgré des amitiés indéfectibles, le désespoir immense du peintre des femmes aux yeux vides.
« Aujourd'hui, tous les musées du monde et les grands collectionneurs se disputent les œuvres de Modigliani; chacune de ses toiles vaut des dizaines de millions.
Hier, de son vivant, en 1919, personne ne voulait de sa peinture. 
"Modi", incompris, désemparé, doutait de lui-même... »
Gérard Philippe meurt en 1959, Jacques Becker en 1960 après « Le Trou » considéré par Jean-Pierre Melville comme « le plus grand film français jamais réalisé ».

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