Je ne soupçonnerai pas celle qui m’a recommandé ce pavé de
366 pages d’avoir cherché à me manipuler en me proposant cette édition
augmentée depuis sa première parution en 1987 bien qu’un bandeau inamovible affichant 500 000
exemplaires vendus en France s’inscrive dans une démarche publicitaire des plus
ordinaires.
Cet ouvrage de psychologie sociale, dont le projet de
vulgarisation est louable, cumule les références propres aux universitaires
avec plus de 20 pages de bibliographie et des notes à la pelle, avec usage d’un
humour laborieux et vieilli pour séduire le lecteur.
Les dénominations des techniques commerciales, répétitives,
datent du temps des représentants en aspirateurs des années 50 : « le
pied-dans-la-porte », « la porte-au-nez », « le
pied-dans-la-bouche », « le pied-dans-la-mémoire », qui
s’ajoutent à « l'amorçage » et autres « pièges abscons ».
A l’heure des réseaux sociaux ce type de livre présenté
comme un prêt à penser de développement personnel est condamné à
l’obsolescence. Le champ politique est ignoré alors que des usines à trolls et
hackers cultivent la haine et nous livrent une guerre inédite et que des
arnaqueurs escroquent tant de solitaires.
L’esprit critique est bien sûr plus que jamais nécessaire
mais le soupçon permanent mine nos rapports sociaux qui à la fois peuvent
manquer de spontanéité ou succomber par ailleurs à une impulsivité aggravée par
les pseudonymes. Tout le monde n’a pas des intentions cachées aux motifs
pervers, mais nous interagissons sans cesse pour convaincre, faire valoir
habillement nos opinions.
Quelques conseils de bon sens sont énoncés comme apprendre à
revenir sur une décision :
« - Moi quand
j’entreprends quelque chose je vais jusqu’au bout »
« Peut être
penserez-vous avec nous : en voilà un de plus qui est tombé, avec dignité
et de belle manière, dans un piège abscons. »
Mais bien des exemples sont tellement simplistes que certains
développements théoriques apparaissent comme des bavardages inutiles.
Souvent citée, la candide madame O, personnage ô combien
manœuvrable, vient d’être victime d’un
« placement de produits » en regardant un film, une occasion de récapituler des situations favorables à des tromperies :
« On ne lui a pas
demandé de veiller aux affaires d’un inconnu, de jeter un coup d’œil à un salon
en promotion, ni de garder la place de quelqu’un dans une file d’attente, et
encore moins de passer deux heures par semaine, pendant au moins deux ans avec
un jeune délinquant. On ne lui a pas davantage touché le bras ou dit qu’elle
était sensible à la détresse humaine. »
Les grosses ficelles qu’elle n’avait pas vues auparavant,
nous placent du côté des futés dans un univers où la méfiance est devenue tellement massive qu’elle
nous amènerait à douter à tous coups de la générosité de nos semblables, de leur
honnêteté.

Glauque. Terriblement glauque, ce qui sous-tend ce type de livre. Comme l’époque ? Comme notre désespoir, comme je dis souvent en me répétant ?
RépondreSupprimerMais je constate encore et toujours ? que le mot qui suscite ces hantises est le mot « manipulation » et on y voit… la main, dans « manipulation ». Nos pauvres mains qui sont dans l’ensemble ballants, ou scotchées sur un engin de hi-tech, avec une utilisation aussi pauvre que ce que je fais, à ce moment même en tapant sur le clavier de mon ordinatueur…
Nos pauvres mains, si divorcées du reste de nos corps, toujours CONDAMNEES d’une manière ou d’une autre, car depuis des lustres nous aspirons à devenir de PURS ESPRITS IMMORTELS.
Navrant.
Je suis favorable à l’esprit critique, en voyant que la critique n’est presque pas debout en ce moment, (comme c’est curieux). Mais pas aux incitations permanentes à la méfiance.
Souvenir d’un moment tendu dans le film de Chabat ? « Santa et Compagnie » où le pauvre Père Noël échoue à la station de métro « Rennes » (avec un « s » ?), et voit les graffitis, les drogués, est accroché par un discours publicitaire, et on se dit que Chabat était bien prophétique à sa manière, non ?
Mais je crois qu’il faut être un minimum réaliste ? sur l’esprit humain en faisant le constat qu’une partie importante du phénomène de croire… en Jésus, à la République ? aux droits de l’Homme ? consiste toujours à… évangéliser pour persuader d’autres à partager sa foi. Le phénomène… publicitaire est greffé sur ce besoin de l’Homme de partager ses enthousiasmes, sa foi dans ce qui le sauve, à la fois pour l’autre, et pour lui, pour continuer à croire.
Les personnes qui persistent à penser que je suis apragmatique dans notre bas monde sont souvent les personnes qui ne comprennent pas ce qui pour moi est une réalité criante et élémentaire : que l’engouement pour le marxisme, le communisme, la République est structuré de la même manière que la foi religieuse.
Secouons ces tristes pensées, et poursuivons la quête de ?? quoi, au juste ? Un sauveur ?
Courage, et réconfort pour ceux qui en ont besoin en ces temps difficiles, et en plein milieu de l'hiver.
Et de la joie pour ceux qui y arrivent !