« Sur notre boule
terraquée » : en mettant en relief cette expression employée deux
fois en 143 pages, je ne voudrais pas perturber la fluidité du texte de celui dont je guette attentivement tout livre nouveau, mais
partager seulement le plaisir de jouer de ses mots qui toujours me ravissent.
Chaque ligne est délicieuse :
« Les mots ont
beau avoir la politesse de survivre aux choses qu’ils désignent,
chaque Français sait
bien qu’ils ont filé à l’anglaise ».
Et il serait vraiment malséant de louer son sens de la « punch
line » lui qui s’amuse :
« On ne dirige
plus on manage ; on n’oriente plus on pilote. On est disruptif et
innovant. Décarboné et compétitif. Comme il sied à un foyer incubateur de
talents, dynamisé par l’upcycling et le monitoring… »
Mon maître répercute d’autres maîtres :
« Il n’y a de grand
parmi les hommes, disait Baudelaire, que le poète, le prêtre et le
soldat » et c’est peu dire que les trois sont mal en point. »
« Ils ont le
droit, dit Balzac, d’être un siècle en retard mais qu’y faire ?
Ils ne
peuvent pas être de celui qui les voit mourir. On ne court pas deux siècles à
la fois ».
Quand il évoque ses rencontres avec Julien Gracq, François
Maspéro, Chris Marker, Jean Luc
Godard, Edgard Morin ... son amitié
pourtant mal engagée avec Bernard Pivot, nous ne sommes pas au pays des people,
mais dans un tourbillon intellectuel où l’amant fugace de Jane Fonda ne se donne pas
toujours le beau rôle lorsqu’il publie l’impitoyable réponse à une de ses
maladresses de la part de Simone Signoret qui l’avait hébergé après son retour
de quatre ans de captivité en Bolivie.Les espérances internationalistes avaient plus de gueule alors que les repentances qui ont suivi.
Ce livre de souvenirs chaleureux, désabusés, graves, plaisants,
n’est pas rien.
« S’il faut de
tout pour faire un monde, il faut des riens pour faire une vie »
Et si je ne partage pas
son opinion à propos de l’Europe, chacune de ses productions est pour
moi une fête.
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