samedi 28 octobre 2023

Crépuscule. Philippe Claudel.

Conte glauque au temps des chevaux (harassés) aux confins Est de l’Europe où l’écriture nous accroche, avant que trop de noirceur des âmes accordée à la saison glaciale et aux paysages désolés, ne nous lasse.
La tempête : « … elle venait désormais buter et tournoyer dans le cul-de-sac du plateau dominé par de faibles crêtes sous lesquelles la ville s’était construite depuis longtemps. On aurait cru un fauve piégé, tournant en rond dans le treillis de fer au point de se mordre la queue. »
Un curé vient d’être tué, dans une bourgade perdue « au rectum de l’Univers », alors les dirigeants de « l’Empire » vont manipuler la populace pour exterminer la paisible minorité musulmane.
Un des romans de ce président du Jury Goncourt traduit en bande dessinée convenait bien au genre avec gueules effrayantes et contrastes appuyés. 
Mais trop de caricatures éloignent des nuances qui auraient rendu plus crédibles quelques lourdes correspondances avec des situations contemporaines, bien qu’une fine allusion aux réseaux sociaux d’avant les portables soit bienvenue.
Le méchant :  
« … cet avorton d’Evêque qu’on avait envoyé ici, à son corps blet sous l’habit, à son pauvre regard aux yeux dilués, à sa bouche décousue et baveuse. Son Dieu était-il à son image, cacochyme et impotent ? » 
Le bon :« Vous êtes un homme de religion, monsieur l’Iman, c’est à dire d’espérance et de foi. La vision que vous avez de l’homme est faussée par cela, et vous ne parvenez pas à croire que les brebis que vous avez en face de vous puissent se révéler, selon les heures et les circonstances, des hyènes sanguinaires. » 
Les richesses du style aux senteurs vigoureuses s’épanouissent sur le versant malpropre de la force, se dilapident dans des énumérations interminables qui faisaient sourire avec  San Antonio, mais tournent au procédé pour garnir les 507 pages.
L’odieux personnage principal invité à une chasse à l’ours, va se fournir au bazar qui vend 
« … des bassines en zinc […]… des pièges à fouine, à taupe, à vipère… » (20 lignes)
Il achète une pétoire ridicule et un costume risible : 
«…  un feutre noir, orné d’une plume d’émeu et d’un galon doré ayant appartenu à un officier de l’armée napoléonienne, disciple de Diane et grand coureur de femmes… »
Il devra se poster dans un lieu sinistre, le lac mort: 
«Ici la forêt avait abandonné la partie et ne laissait pousser au creux de l’immense cuve rocailleuse, où jadis les eaux d’un lac avaient dû mourir d’ennui et fini par s’évaporer, qu’une végétation basse, hirsute, broussailleuse, sale, qui mêlait les ronces, les aulnes courts et les charbonnettes. Des fougères brûlées par les gels aplatissaient leurs squelettes roux dans des brouets de neige ».
Des mots poétiques dans la bouche d’une petite fille misérable paraissent artificiels en milieu si fangeux :
«  Nous tournons le dos aux heures, aux hommes, à leur règles, à leur temps »
Finalement, en se dispensant d’être bon, le regard désabusé de l’auteur des « Ames grises », peut ne pas être émoussé: 
«  C’est sans doute là ce que certains hommes appellent le destin, terme pompeux qui sert à les grandir, ou la fatalité, autre vocable plus à même de les excuser. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire