Dans un volume de la collection « Bouquins » aux
allures de Pléiade avec ses 992 pages,
20 années de chroniques sont rassemblées qui avaient déjà
fait l’objet de plusieurs recueils dont l’un d’eux avait été décrit ici,
parmi tant d’autres productions de l’artiste complet.
Formatés pour 3 minutes trente, ces textes soigneusement
travaillés font remonter tant de noms oubliés : Tibéri, DSK, Emmanuelli,
Gilbert Lariaga, Barouin, El Khomri, les kosciuskomorizetistes, Madame de
Fontenay, Henri Chapier, Huguette Bouchardeau, Ivan Levaï, Dadu, MAM…
Ses pastilles délicieuses mettent en évidence quelques
procédés efficaces pour susciter le sourire dont l'accumulation :
« D’accord il est
un peu dégarni sur le dessus, mais ce n’est pas suffisant pour fonder tout un
article sur ce handicap qui doit le faire souffrir puisque cela le rend
volontiers acariâtre, violent, hargneux, brutal, méchant, malveillant,
agressif, pisse-froid, déplaisant, désagréable, mauvais coucheur et par
ailleurs extraordinairement susceptible quand on fait, ne serait-ce que la
moindre allusion, à ce qu’on est bien
obligé d’appeler sa petite infirmité. »
Si la juxtaposition de ces articles relativise certains de
nos emballements passés, et souligne l’enracinement de tendances durables dans
notre société, la variété des sujets rend la lecture agréable : le café
gourmand, la vidéosurveillance, l’audace d’une dame qui commande un gâteau à la
noix de coco…
Sa complicité avec quelques grands disparus, Rochefort ou
Marielle, ses enthousiasmes mettent des mots justes sur nos jours :
« Ce presque rien que le crayon de Sempé
transforme en humanité précieuse, inoubliable »
Dans une époque traversée de drames, en 2015, il remarque une
violoncelliste dans l’orchestre philharmonique lors d’un hommage aux
victimes :
« La violoncelliste
pleurait et ses larmes étaient les nôtres, les larmes de ceux qui n’arrivent
pas à se résoudre à ce qu’un peu plus d’amour, de compassion, de compréhension, un peu plus d’humanité ne
soient pas possible sur terre. »
Il peut assurer en alexandrins et efficacement débusquer les
abus de langage :
« L’écriture de
Michel Audiard met en œuvre une psychologie plane dont l’affirmation
paradoxale, précédée par l’incise métalinguistique, inscrit l’intrigue dans un
continuum spatio-temporel :« Il entendra
chanter les anges, le gugusse de Montauban. Je vais te le renvoyer tout droit à
la maison mère, au terminus des prétentieux»
Sa poésie ferait passer ses grossièretés, ses vacheries pour
de la tendresse.
La rigolade peut mener loin, avec la complicité de Thomas
Legrand, « Les Deschiens » sont devenus « Daechiens »
« Alors mon gars
Thomas, qu’est ce qui pousse un gars comme toi, avec ton intelligence médiocre,
avec ton physique ingrat, à devenir terrorisse ? ».
J'aimerais être convaincue, là. Pourtant, à notre époque, ce que je constate, c'est combien les... "progrès" en civilisation conduisent mon lointain maintenant à exiger encore plus de gentillesse, encore plus de sourires béats, au point de me rendre maussade à certains moments. La tyrannie des gens qui "ont" tant déjà et voudraient plus. Un paradis sur terre, avec des visages rayonnants partout, comme dans l'idéal chrétien. Non. Pour moi, il s'agit d'un monde... sans sel, où la violence se déplace ailleurs, se faisant institutionnelle, souvent, mais toujours là. Parfois beaucoup plus insaisissable et... propre, mais toujours là. Ainsi va le monde dans la vieillesse ?
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