samedi 22 avril 2023

Grâces matinales. François Morel.

Dans un volume de la collection « Bouquins » aux allures de Pléiade avec ses 992 pages, 
20 années de chroniques sont rassemblées qui avaient déjà fait l’objet de plusieurs recueils dont l’un d’eux avait été décrit ici, parmi tant d’autres productions de l’artiste complet.
Formatés pour 3 minutes trente, ces textes soigneusement travaillés font remonter tant de noms oubliés : Tibéri, DSK, Emmanuelli, Gilbert Lariaga, Barouin, El Khomri, les kosciuskomorizetistes, Madame de Fontenay, Henri Chapier, Huguette Bouchardeau, Ivan Levaï, Dadu, MAM…
Ses pastilles délicieuses mettent en évidence quelques procédés efficaces pour susciter le sourire dont l'accumulation : 
« D’accord il est un peu dégarni sur le dessus, mais ce n’est pas suffisant pour fonder tout un article sur ce handicap qui doit le faire souffrir puisque cela le rend volontiers acariâtre, violent, hargneux, brutal, méchant, malveillant, agressif, pisse-froid, déplaisant, désagréable, mauvais coucheur et par ailleurs extraordinairement susceptible quand on fait, ne serait-ce que la moindre  allusion, à ce qu’on est bien obligé d’appeler sa petite infirmité. » 
Si la juxtaposition de ces articles relativise certains de nos emballements passés, et souligne l’enracinement de tendances durables dans notre société, la variété des sujets rend la lecture agréable : le café gourmand, la vidéosurveillance, l’audace d’une dame qui commande un gâteau à la noix de coco…
Sa complicité avec quelques grands disparus, Rochefort ou Marielle, ses enthousiasmes mettent des mots justes sur nos jours :  
« Ce presque rien que le crayon de Sempé transforme en humanité précieuse, inoubliable »
Dans une époque traversée de drames, en 2015, il remarque une violoncelliste dans l’orchestre philharmonique lors d’un hommage aux victimes : 
« La violoncelliste pleurait et ses larmes étaient les nôtres, les larmes de ceux qui n’arrivent pas à se résoudre à ce qu’un peu plus d’amour, de compassion,  de compréhension, un peu plus d’humanité ne soient pas possible sur terre. » 
Il peut assurer en alexandrins et efficacement débusquer les abus de langage : 
«  L’écriture de Michel Audiard met en œuvre une psychologie plane dont l’affirmation paradoxale, précédée par l’incise métalinguistique, inscrit l’intrigue dans un continuum spatio-temporel :«  Il entendra chanter les anges, le gugusse de Montauban. Je vais te le renvoyer tout droit à la maison mère, au terminus des prétentieux» 
Sa poésie ferait passer ses grossièretés, ses vacheries pour de la tendresse.
La rigolade peut mener loin, avec la complicité de Thomas Legrand, « Les Deschiens » sont devenus « Daechiens » 
«  Alors mon gars Thomas, qu’est ce qui pousse un gars comme toi, avec ton intelligence médiocre, avec ton physique ingrat, à devenir terrorisse ? ».

1 commentaire:

  1. J'aimerais être convaincue, là. Pourtant, à notre époque, ce que je constate, c'est combien les... "progrès" en civilisation conduisent mon lointain maintenant à exiger encore plus de gentillesse, encore plus de sourires béats, au point de me rendre maussade à certains moments. La tyrannie des gens qui "ont" tant déjà et voudraient plus. Un paradis sur terre, avec des visages rayonnants partout, comme dans l'idéal chrétien. Non. Pour moi, il s'agit d'un monde... sans sel, où la violence se déplace ailleurs, se faisant institutionnelle, souvent, mais toujours là. Parfois beaucoup plus insaisissable et... propre, mais toujours là. Ainsi va le monde dans la vieillesse ?

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