Nous descendons du tram place du Bouffay, tout près de la
statue en bronze titrée « l’éloge du pas de côté ». Cette
œuvre de Philippe Ramette présente
un homme en costard, droit mais en équilibre sur un socle qui ne porte qu’un
seul de ses deux pieds, l’autre étant suspendu au-dessus du vide. Elle
symboliserait l’audace de la ville innovante, sous les traits de l’artiste
lui-même.Nous poursuivons notre chemin jusqu’au célèbre et magnifique
Passage Pommeray, dans le quartier Graslin. Couvert d’une verrière, ce bâtiment de trois étages édifié en
1843 possède un escalier et des
coursives en fer forgé des statues et des lampadaires dénotant la volonté de
créer un lieu commerçant luxueux. Les bourgeois de l’époque rechignaient à
traverser le quartier insalubre et mal famé, ils craignaient les mauvaises
rencontres lorsqu’ils rentraient les
poches pleines aussi, un jeune notaire, Louis Pommeraye, se mobilisa-t-il pour
construire ce passage propre, éclairé et sécurisé à l’abri des coupe gorges.
Aujourd’hui classée monument historique, la galerie restaurée reçoit des
boutiques pimpantes, sans aucun pas de porte fermé comme c’est souvent le cas
et respire une certaine opulence.Nous changeons de quartier pour passer en face sur l’île Feydeau. De nos jours, le bras de la Loire ne la sépare plus
de Nantes, il a été comblé. Nous pénétrons dans la petite
Hollande avec sa place et sa rue Kervégan,
rue centrale de l’île. Nous voilà au cœur du quartier des négriers enrichis au
XVIII° par le commerce triangulaire. Nantes
détenait alors le titre de 1er port négrier de France. Les
armateurs commerçaient avec Saint
Domingue. Ils accumulèrent des richesses, firent construire des hôtels
particuliers dignes d’eux. Les architectes choisirent du tuffeau clair pour les
façades. Les balcons dits « filants » parce qu’ils regroupent
plusieurs fenêtres, reposent sur des encorbellements à trompes ou sur consoles.
Leurs fines balustrades en fer forgé se détachent avec élégance et légèreté sur
la pierre. Sans doute en relation avec les activités maritimes de leur propriétaire,
des mascarons caractérisent la maison au n°19, avec des têtes de corsaires et
la maison n°13 avec des têtes allégoriques représentant les continents. Extrait de "l’Obs" : « Le Bienfaisant », « l’Aimable », « la
Vertu », « la Justice », « l’Egalité », « la
Fraternité », « le Père de famille », « les Bons
Frères », « le Bon Citoyen »… Ce sont les noms aux consonances
fraternelles des navires, corvettes et frégates qui, pendant deux siècles et
demi, sont partis, voiles au vent, lourds et ventrus, pour affronter le gros
temps de l’Atlantique. Ils quittaient les ports de La Rochelle, Bordeaux,
Saint-Malo, Lorient, Le Havre, Nantes, chargés de textiles, d’armes,
d’alcool, de plomb, de fer – leur monnaie d’échange contre « l’or
noir » −, s’arrêtaient dans les comptoirs des côtes africaines, entre le
Sénégal et l’équateur, s’approvisionnaient en esclaves, traversaient l’Océan,
déposaient leur cargaison humaine dans les îles françaises puis revenaient, au
bout d’un an, d’un an et demi, avec du café, du cacao, du sucre, le
« pétrole » de l’époque. »Dans le même quartier juste par derrière, « Le
mur tombé du ciel » nous fait changer d’époque.
« Le 24 mai 1011, un mur tombé du ciel percuta la ville de Nantes…
imaginé par la compagnie Royal de Luxe, il représente les personnages
historiques pittoresque sites et évènements de la cité de Nantes »
(document Office du tourisme) La fresque sur un pan de mur indépendant prévu à cet usage
affiche un style très coloré d’Amérique latine, proche de Diego Rivera (dixit Le
Routard). Nous arrivons à identifier parmi l’amoncellement de célébrités et de
lieux, Anne de Bretagne, Jean Marc
Ayrault, Barbara, Jacques Demy, Guy Moquet (fusillé à Nantes), Jules Verne, la traite négrière … Il y a tellement à voir
qu’un site internet propose une présentation détaillée de la peinture. Malheureusement, des
« artistes » qui ont gratifié cette partie du quartier de leurs
graffitis n’ont pas hésité à maculer la fresque de tags bouseux.
Quelques associations très libres... :
RépondreSupprimerAvec le temps, j'en viens à m'interroger sur les angoisses... bourgeoises de ceux qui "ont", en face de leurs fantasmes ? sur ceux qui n'ont pas. Plein de gens me diront que je suis naïve, mais je ne sais pas de quel côté la naïveté se situe, si on estime qu'une tendance lourde à voir le mal partout (et surtout quand on a la conscience pas tranquille, pour quelque raison que soit..) est une forme de naïveté sur le monde, sous forme de... cynisme. Et oui, j'estime que le cynisme est une naïveté négative. Et je l'ai bien vu à l'oeuvre, avec sa faculté de transformer, et colorer les rapports humains en... négatif.
Pour les tags, c'est glauque. On se demande où est la police quand "on" a besoin d'elle, mais même si elle sévissait, cela arrêterait qui maintenant ?
Belle galerie marchande qui me séduit beaucoup plus que la Défense, c'est le cas de le dire.