Je suis resté « off » face à cette représentation
d’après l’Ivanov de Tchekhov. Elle a bien le droit de ne pas ressembler à l’œuvre
montée en 1887. Mais pourquoi la défigurer au point de la rendre
incompréhensible en abusant de séquences répétitives, de vulgarités inutiles,
obscurcissant la comédie initiale.
Et même si d’autres toilettages ont pu dérouter
cette version froide « m’a gonflé » pour emprunter
au vocabulaire de cette triste expérimentation de 1h 45.
Pourtant le décor immaculé nous introduit bien dans l’univers mental désolé de celui qui « ne veut
même plus vouloir », inapte à s’occuper de sa femme et de son domaine.
Mais très vite des procédés tape à l’œil vont repousser toute intériorité,
toute subtilité.
Des avatars vidéo forniquent mécaniquement avant qu’Ivanov se
couche dans sa tente sur Sacha débarrassée de sa culotte.
Les protagonistes sont
étrangers les uns aux autres. Et ce n’est pas le système parodiant nos boites
mails, à base de boulettes de papier débouchant de tuyaux après le bip : « vous avez reçu un message », qui va
arranger la communication.
Seule la présence étrange de l’actrice Millaray Lobos García
permet de ne pas regretter d’avoir choisi ce spectacle, alors que j’ai manqué
dans la période à la MC 2, les ballets de Marseille dont mes amis m’ont dit le
plus grand bien.
Contente d'y avoir échappée. Mais maintenant, j'ai tiré un trait sur le théâtre à MC2. J'ai tiré un trait sur le théâtre contemporain. Il y a un certain nombre d'années, à Vaison la Romaine, un "metteur en scène" se prenant pour un artiste expérimentateur avait monté sa... non pas vision, mais déconstruction d'"Antigone". En regardant ce navet, je me suis dite qu'on ne pouvait pas faire de bon théâtre depuis le lieu où on se croit futé d'attaquer la représentation elle-même. Et nous y sommes, dans ce lieu depuis longtemps maintenant. Trop longtemps pour mes goûts. On pourrait dire aussi qu'à partir du moment où Monsieur et Madame Tout le Monde se baladent avec leurs smartphones, se filment, et se photographient en train de vivre leur vie, l'espace de représentation nécessaire à l'art du théâtre est mort. Mort de l'impossibilité d'exister, même. Quand "on" est en train de vivre.. un film, l'art du théâtre, ou même du cinéma, ne peut pas exister.
RépondreSupprimerJ'ai regardé ce putain d' "Antigone" en marmonnant mon impatience derrière, et à la fin du spectacle, le monsieur à côté de moi s'est adressé à moi en me disant que c'était lui le metteur en scène, et qu'il voulait savoir ce que j'avais à reprocher à son... expérimentation. Et je lui ai dit calmement ce que je viens d'écrire, en développant. Il ne s'est pas excité comme un pou, d'ailleurs. Il m'a écouté, et on a pu avoir une vraie discussion. Jouissif. Tu ne sais pas à quel point la vraie discussion est devenue chose très rare maintenant. Ou... peut-être que tu le sais.
Les mises en scènes telles que tu décris, là, je les appelle de la masturbation pour personnes... se prenant pour des intellectuels ou des gens intelligents. C'est une forme d'appel à l'appartenance de classe ? de.. "diagnostique" pour intégrer la catégorie d'intellectuel cultivé, ou se pensant tel ?
Loin de moi de faire l'apologie de... l'inculture. Mais les personnes qui font ces mises en scène sont souvent... très incultes. Cela ne s'excuse pas, de mon point de vue. Que l'élite de la méritocratie républicaine française, basée sur l'éducation, soit inculte, cela ne s'excuse pas du tout, de mon point de vue.
Hier matin, j'ai écouté pendant un court instant Cédric Klapisch parler de son dernier film. Une danseuse de ballet chute au cours d'une représentation des "Bayadères", et se reconstruit pour intégrer la danse contemporaine.
Je me suis dit que Klapisch était un traître. Le ballet classique était très largement une création... française, donc, je dirais... toute à l'honneur de la France. Le ballet classique pour moi est une émanation du meilleur de l'héritage français dans cet idéal (un peu froid, certes...) d'élégance, de légèreté, pas pouddingue pour deux sous. Et Klapisch trouve le moyen de faire un pamphlet pour "promouvoir" la modernité de la danse contemporaine en tirant dessus. Oui, on peut me reprocher une lecture caricaturale. Peut-être. Mais je suis désolée de dire que je trouve que nous sommes devenus... des caricatures de nous-mêmes dans cette affaire, et Klapisch n'y échappe pas. Navrant.