samedi 23 janvier 2021

Yoga. Emmanuel Carrère.

J’allais écrire : « je viens de faire avec cet auteur un voyage beau et tranquille » 
et c’est vrai, alors qu’il est question de dépression sévère avec électrochocs, une « autobiographie psychiatrique », de migrants à Léros, de la mort de Bernard Maris dans les locaux de Charlie hebdo. 
Au départ il devait s’agir d’un « essai subtil et souriant sur le yoga ».
« Le yoga dit que nous sommes autre chose que notre petit moi confus, fragmenté, apeuré, et qu’à cette autre chose, nous pouvons accéder. »
Les chapitres sont courts et montent en puissance, le maître écrivain sait y faire. 
Nous sommes concernés comme Sacha, un de ses personnages, chef de la police dans un village russe, qui visionne la cassette mettant en scène son histoire tragique montée en parallèle avec un douloureux épisode personnel du célèbre auteur français : 
«  C’est bien. Tu n’es pas seulement venu prendre notre malheur : tu as apporté le tien. » 
Nous pouvons éprouver le plaisir de la lenteur qu’il nous laisse entrevoir dans ses moments d’exploration intérieure, que nous partageons intimement grâce à sa sincérité, son humour. 
«  Ce que je devrais faire, moi, c’est traquer les phrases qui commencent par « je ». Difficile ? Hors de portée ? Gros dossier. » « Je » nous concerne.
Ivresse, amour fou, sagesse, vie littéraire parisienne et solitude, scrupuleux compte rendus et rapports psychiatriques : un magnifique roman, fort et limpide. 
« Au cœur de cette passion, je ne voulais pas voir qu’elles étaient déjà là, en embuscade, la dépression et la folie. Je ne voulais pas entendre ce proverbe si cruellement vrai : 
« Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd la raison. » 
Il est question de courage et d’honnêteté: 
«   … si c’est du courage, c’est le courage du général Massu quand il s’applique à lui-même la gégène. Comme lui j’arrête quand je veux, je dis et tais ce que je veux… »

 

1 commentaire:

  1. Comme j'ai dit ailleurs, le seul oeuvre de Carrère que j'ai lu est "Le Royaume", par curiosité. J'ai assez aimé, mais...
    J'ai bien retenu que Carrère est allé trouvé François Roustang pour "faire une analyse" en mettant Roustang dans le défi d'être son analyste, et Roustang a poliment décliné la demande de Carrère, en lui disant qu'il n'était pas prêt à subir le démenti (du processus analytique) dès le départ.
    Roustang n'acceptait pas d'être d'emblée mis en échec comme analyste.
    Je crois que Carrère s'est adressé à Roustang en sachant qu'il était un jésuite défroqué... logique.
    Que Carrère passe de Saint Luc au mysticisme oriental ne me surprend pas non plus. Il se cherche.
    Qui ne se cherche pas maintenant ?
    Pour ma part, je n'irai pas du côté des mysticismes orientaux en tous genres. Pour moi... les auspices favorables ne viennent pas de l'orient.

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