Il aura fallu six ans de préparation pour ce documentaire
aux allures de fiction qui suit du côté de Brazzaville, l’
« apôtre » Médard remis en question après le
foudroiement de deux enfants d’une adepte de l’église « Ngunza »
(les résistants).
Les images poétiques rendent compte d’une
réalité misérable tout en mettant en scène quelques processus mystérieux de
guérison:
« désenvoûtement, chasse-diables, protection
de parcelle, domination-attirance-maris de nuit, diabète, femmes stériles,
folie chronique ».
Nous plongeons dans une Afrique toujours aussi impénétrable,
donc fascinante, où les morts font partie de la vie, l’imaginaire fertilisant
le réel quand les sirènes se mettent en bouteille.
Mais
pourquoi le spectateur trouvant ridicule les mitres vaticanes et poussiéreux
bien des mythes occidentaux se dispenserait-il d’être critique à propos de la
sorcellerie? Cette pratique répandue fait tant de ravages en particulier auprès des enfants
martyrisés lorsqu’ils sont dénoncés comme « enfants sorciers » .
Décoloniser sa pensée consiste à ne pas mépriser de tels rites, ce que
fait admirablement ce film. Nous pouvons nous autoriser à considérer avec la même exigence, tous
les bonimenteurs qui exploitent le désarroi des hommes et des femmes de ce pays. D’un côté on y lit les « écrits du ciel » dans la fumée des bougies
et des cigarettes quand s’ouvre sous leurs pieds des carrières où creusent les
Chinois.
Guy, je te renvoie à un court article très dense d'Octave Mannoni dans "Clefs pour l'Imaginaire". L'article s'appelle "je sais bien mais quand même" et il examine la croyance dans la vie de l'Homme à travers trois exemples.
RépondreSupprimerMannoni renvoie à Voltaire qui, quelque part exprime son étonnement devant les pratiques de sorciers/chamanes qui "connaissent les ficelles" de leur... théâtre, et devraient donc, ne pas pouvoir se regarder sans rire en voyant combien les.. NON INITIES sont "dupes" de leurs ficelles.
Mais les choses ne se passent pas ainsi. Les sorciers et les chamanes sont capables de croire malgré la connaissance qu'ils ont de leurs ficelles.
Tout comme nous, le temps que nous allons voir, ou écouter un beau spectacle de contes, nous sommes capables de suspendre notre raison raisonnante pour notre plaisir. Nous sommes capables de le faire tant que nous ne sommes pas constamment ramenés à "laréalité" glauque (et photographique, comme si la photo ne faisait que reproduire "laréalité" à l'identique), forcément glauque, parce que notre.. (dis)semblable (dans mon cas, en tout cas) moderne a décrété que seul le glauque était VRAI et vraisemblable comme réalité.
C'est bien le sens de ce que je dis constamment ici : il n'est pas bon que l'Homme renvoie la foi et la croyance... à une affaire de dupes, d'autant plus que l'Homme moderne a une foi de charbonnier dans la vertu de la raison.. pure, et ceci, malgré force démonstrations que la raison pure n'est pas pure et pas si bonne que ça. Et elle ne rend pas l'Homme vertueux, par dessus le marché...Tu connais ton Esope/LaFontaine : "le mieux est l'ennemi du bien"
Quelque chose me dit que l'Homme renvoie la foi à une affaire de dupes, et "voudrait" que "laréalité" soit glauque par simple... dépit, et impossibilité de croire ou avoir la foi comme un petit de 3 ans croit au Père Noël. Tant d'inconséquence est navrante, tu en conviendras, je l'espère.
Le mot "décoloniser" ne fait pas partie de mon vocabulaire. Depuis quelque temps, je vois avec étonnement beaucoup de mots qui prennent place sur la scène de la comédie humaine que je ne me forcerai pas à pratiquer.
Pour les velours et les fastes du rite/spectacle catholique, au moins les étoffes sont chatoyantes et belles. C'est déjà beaucoup à notre époque.Je suis méfiante de notre éternelle tendance à condamner le luxe. Il y a quelque chose de bien pensant MAIS PISSE VINAIGRE dans le fait de condamner le luxe. Ça non plus ne nous agrandit pas. Et comme je vois partout autour de moi toute la pression pour me réduire à une toute petite chose morveuse, envieuse d'autrui, louchant sur ses "biens", je veux y résister autant que possible.